Veille documentaire et informations N°35 - mai 2015

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Table des matières

1/ LOGEMENT : ACTUALITES ET INFORMATIONS GENERALES 

1.1 Discrimination et logement 

A/ Union européenne 
Belgique : une nouvelle enquête sur la discrimination dans le logement 

B/ France 
« Logement pour tous ! » : une action-recherche sur les discriminations liées au logement 

Mixité sociale 
« 60 décisions pour l’égalité et la citoyenneté » 
Mixité sociale et renouvellement urbain 
Le logement en Ile-de-France : arbitrer entre objectif de mixité sociale et celui de loger les plus démunis 

Politiques de la ville/du logement 
Création de l’Observatoire national de la politique de la ville 
Promouvoir  l’Egalite des chances à travers les territoires 
« En finir avec les banlieues ? Le désenchantement de la politique de la ville » 

Bidonvilles 
Recensement des évacuations forcées de lieux de vie occupés par des Roms étrangers en France : en moyenne trois expulsions par semaine 
Refus d’inhumation de Maria Francesca à Champlan : le Défenseur des droits conclut à un refus illégal de la mairie quand le Parquet classe sans suite 
Les droits des habitants de bidonvilles et squats menacés d’expulsion : revue de jurisprudence 
Expulsion : la Cour d’appel de Paris accorde des délais afin de tenir compte de l’appartenance à un groupe socialement défavorisé et pour permettre aux services de l’Etat de procéder au diagnostic et à l’accompagnement 

1.2 Actualités générales sur le logement 

Dalo : 
Inexécution d’une décision octroyant un logement dans le cadre de la loi DALO : la France condamnée par la CEDH 
Le droit à l’hébergement opposable en péril 
Logement social 
Nouvelle demande de logement social : le dépôt en ligne désormais possible 

Mal logement 
La Fondation Abbé Pierre publie son 20ème rapport sur l'état du mal-logement 
Bilan de la 2e année de mise en œuvre du Plan pluriannuel de lutte contre la pauvreté et l’inclusion sociale : un bilan en demi-teinte 

2/ DISCRIMINATION : ACTUALITES ET INFORMATIONS GENERALES 

A/ International 
Québec : une réforme en profondeur de la politique d’immigration et d’intégration 

B/ Union européenne 
Les députés européens demandent la fin des discriminations et la reconnaissance d'une Journée européenne de commémoration du génocide des Roms 
Allemagne : liberté religieuse et droits des salariés 

C/ France 

Actualités générales 
Le commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe rappelle les devoirs de la France en matière d'égalité 
Rapport annuel 2014 du Défenseur des droits : une activité en hausse 
Baromètre de la cohésion sociale : une  légère diminution de la constatation de discrimination 
Discrimination sur le critère de la précarité sociale : proposition de loi 
Observatoire villeurbannais des discriminations : données 2014 

Origine et Immigration 
France Stratégie s’interroge sur  les obstacles à l'insertion économique des jeunes issus de l'immigration d'immigrés 

Gens du voyage 
Le livret de circulation des Gens du voyage : une décision du Conseil d’Etat sans surprise 

Emploi 
Discrimination syndicale : Air Liquide condamné à 700 000€ de pénalités 
>Le rapport « Sciberras » s’opposerait au CV anonyme  
Projet "Buydis" : lutter contre la discrimination dans l'emploi à travers les clauses des marchés publics

Religion/laïcité 
Plusieurs voix s’élèvent pour demander le retrait  d’une proposition de loi visant à l'obligation de neutralité dans les crèches privées 
>Cadrer et sécuriser le financement des lieux de culte : un rapport d’information sénatorial 
Observatoire de la laïcité : 11 propositions pour « renforcer la cohésion nationale et promouvoir la laïcité» 
>Exclusion d’un centre de fitness d’une femme musulmane portant un foulard : discrimination en raison de la religion

1/ LOGEMENT : ACTUALITES ET INFORMATIONS GENERALES

1.1 Discrimination et logement

A/ Union européenne

Belgique : une nouvelle enquête sur la discrimination dans le logement 
En 2014, dans le cadre de  son  projet   «  Baromètre de la diversité », le Centre pour l’égalité des chances et la lutte contre le racisme a initié, en collaboration avec les ministères concernés, un programme de recherche  réalisé par deux consortiums  universitaires qui tend à évaluer l’ampleur et les formes de la discrimination dans le secteur du logement tant public que privé cfVeille doc&infos LCD et Logement n° 32
Après une enquête récente effectuée par l’Université de Gand (disponible uniquement en néerlandais), les résultats semblent, selon le Centre, toujours alarmants. En effet, il ressort  des deux rapports que les personnes ayant un nom à consonance étrangère, un handicap (en l’occurrence visuel) et les personnes bénéficiant d’une allocation sociale obtiennent moins facilement un rendez-vous pour visiter un logement mis en location.
En 2014, le secteur de l’immobilier reconnaissait  que des efforts devaient être entrepris pour lutter contre ces formes de discriminations  mais les résultats un an plus tard sont peu encourageants.
La ville de Gand et le Centre enjoignent l’Institut professionnel des agents immobiliers (I.P.I.) et  la Confédération des Immobiliers de Belgique (CIB), à prendre des initiatives volontaires pour mettre fin à ces infractions à la loi. Selon le Centre, le secteur immobilier se trouve dans une position comparable à celle des bureaux intérim et  des entreprises où la commande discriminatoire est forte («Une nouvelle enquête le confirme : la discrimination dans le logement continue de sévir », Communiqué de presse du 03/03/15 ; « Baromètre de la diversité : Logement », 2014, Centre Interfédéral pour l’Egalité des chances ; «UGent voert praktijktesten op huurwoningmarkt uit in opdracht van Stad Gent: huurdiscriminatie vaak voorkomend probleem », Université de Gand, 12/03/15).

B/ France

« Logement pour tous ! » : une action-recherche sur les discriminations liées au logement 
L’Atelier populaire d’urbanisme Moulins (APU Lille Moulins) a publié un ouvrage, intitulé « Logements pour tous ! Combattre les discriminations racistes, Agir pour l’égalité». Pour l’accompagner dans ce travail, l’APU Moulins a fait appel au sociologue Saïd Bouamama et à deux autres membres ducollectif Manouchian : « un parti pris idéologique qui consiste à aborder les discriminations liées au logement dans un rapport reconnaissant d’une part l’existence d’une spécificité de l’immigration postcoloniale et d’autre part le caractère systémiques de celles-ci ». Résultat de quatre années de travail, cet ouvrage restitue cette « action recherche », qui souhaite poser le chercheur comme n’étant pas le seul à savoir mais chacun de ses participants, « militants et familles reçues et organisées à l’APU, comme « sujet de recherche » et non comme « objet de recherche » ». 
Au travers de l’organisation de « groupe Focus » réunissant des militants, des familles, des habitants du quartier, l’APU Moulins a souhaité recueillir un « ensemble d’explications, d’hypothèses et surtout une intelligence collective ». Ce matériau a permis ensuite « d’expliquer, d’éclairer les mécanismes à l’œuvre qui créent, entretiennent et renforcent les processus discriminatoires à l’œuvre dans le champ du logement et de l’habitat. ». A partir de cette action recherche, l’APU Moulins souhaite désormais définir, sur cette question des discriminations, les axes adéquats et efficaces pour ses mobilisations futures. (« Logement pour tous ! Combattre les discriminations racistes Agir pour l’égalité », 01/15, APU Moulins, Contact : apu.moulins@gmail.com).

Mixité sociale

« 60 décisions pour l’égalité et la citoyenneté » 
Le Comité interministériel du 06/03/15, présidé par Manuel Valls, a adopté 60 décisions pour l’égalité et la citoyenneté. Elles concernent les 6 millions d’habitants des 1500 quartiers prioritaires en métropole et dans les outre-mer. 
Un plan composé d'une soixantaine de mesures volontaristes mais sans grands moyens financiers, reprenant pour beaucoup des annonces déjà faites depuis quelques semaines par les différents ministères, voire par le Premier ministre lui-même ou par le président de la République.
Difficile de ne pas y voir un catalogue de décisions disparates allant du renforcement du service civique « en matière de citoyenneté, laïcité et lutte contre le racisme et l'antisémitisme » à l'affirmation de la laïcité dans les services publics, en passant par le renforcement de l'apprentissage du français à l'école ou pour les immigrés primo-arrivants, la lutte contre les contournements de la carte scolaire…
On retiendra plus particulièrement les annonces faites en matière de lutte contre les discriminations (mieux lutter contre les discriminations à l’embauche et dans l’emploi, vérifier le caractère démocratique des voies d'accès à la fonction publique, développer de nouvelles voies d’accès à la fonction publique pour accroître la mixité sociale des recrutements, généraliser la participation de personnes n’appartenant pas à la fonction publique aux jurys de recrutement sur concours) et, surtout, celles en matière de logement, fortement orientées vers un objectif de peuplement et de mixité sociale :

  • Mieux répartir le parc social sur les territoires. Les préfets pourront délivrer des permis de construire au nom de la commune, et préempter du foncier, des logements ou des immeubles existants pour les 216 communes de France assujetties à la loi SRU qui ont  fait l’objet d’un arrêté préfectoral de carence en raison de la trop faible proportion de logements sociaux sur leur territoire. Cependant, la construction de logements sociaux dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville sera limitée dès l’instant où le taux de logement social aura dépassé 50 %.  Enfin, dans le cadre du Nouveau Programme de Renouvellement Urbain(NPNRU), l’offre de logements sociaux démolis sera reconstituée en priorité en dehors de ces quartiers prioritaires.
  • Revoir les politiques d’attribution et des loyers dans le parc social pour diversifier l’occupation des immeubles. Ainsi, le loyer dans une zone favorisée pourra être minoré pour que le logement puisse être attribué à un ménage à plus faibles ressources et le bailleur social sera autorisé, en compensation, à pratiquer un loyer plus élevé dans un autre secteur. Les règles d’attribution se définiront à l’échelle intercommunale, selon des critères de priorités transparents. Par ailleurs, le Comité interministériel appelle à ne plus reloger dans les quartiers prioritaires des personnes dont les ressources se situent en dessous du seuil de bas revenus, en particulier celles dont le logement relève des préfectures au titre du DALO (droit au logement opposable). Cette dernière proposition divise les acteurs locaux et professionnels.Elle estsoutenue notamment par F. Pupponi, maire PS de Sarcelles et président de l’Agence national de rénovation urbaine (Anru), et prônée par de nombreux maires de banlieue. 
    A l’inverse, pour la Fondation Abbé Pierre, « on ne peut pas fermer ainsi la porte de tant de logements sociaux à ceux qui en ont le plus besoin et du côté de René Dutrey et du Haut comité pour le logement des personnes défavorisées (HCLPD), il faut « Concilier mixité sociale et droit au logement »;
  • Nommer un délégué interministériel à la mixité sociale dans l'habitat (T. Repentin, ancien président de l'Union sociale de l'habitat).

Une loi « égalité et citoyenneté » sera déposée au Parlement à l’automne 2015 et discutée au 1er semestre 2016 car certaines de ses  mesures relèvent du niveau législatif (« Egalité et citoyenneté : la République en actes ; 60 mesures pour l'égalité et la citoyenneté »,  dossier de presse etsynthèse, Comité interministériel du 06/03/15; « Concilier mixité sociale et droit au logement», Communiqué de presse du Haut Comité pour le Logement des Personnes Défavorisées, 23/02/15).

Mixité sociale et renouvellement urbain 
Un atelier technique avait été organisé  à Mons-en-baroeul (59) en janvier 2013, dans le cadre de la commission « habitat et renouvellement urbain durable » de l’association Aire métropolitaine de Lille. L’objectif étant de renforcer l’échange et le travail collectif autour du renouvellement urbain durable. Les résultats ont été restitués par le CERDD (Centre Ressource du Développement Durable), l’Aire Métropolitaine de Lille et leurs partenaires dans une publication intitulée : « Mixité sociale et renouvellement urbain ». Cet ouvrage souhaite revenir sur l’expérience de plus de 15 ans de politiques publiques en matière de mixité sociale, de questionner les dispositifs existants, les échelles d’intervention, et d’identifier les bonnes pratiques et les leviers possibles pour répondre à cette exigence. 
En préalable, le document revient sur les ressorts de cette notion et  le « décalage important entre l’injonction d’une mixité sociale prônée par les pouvoirs publics et le scepticisme des chercheurs et/ou experts vis-à-vis de cette notion et de la portée des politiques publiques explicitement tournées vers cet objectif de mixité » (« Mixité sociale et renouvellement urbain, restitution de l’atelier technique de l’aire métropolitaine de Lille du 22 janvier 2013 », co-réalisation Cerdd – Aire métropolitaine de Lille – Mission Bassin Minier – IREV, mise en ligne le 30/03/15).

Le logement en Ile-de-France : arbitrer entre objectif de mixité sociale et celui de loger les plus démunis 
La Cour des comptes a rendu public, le 08/04/2015, un rapport consacré au logement en Île-de-France. Le rapport s’intéresse à la situation du marché du logement en Île-de-France dont les grands traits sont : un marché fortement tendu, sur lequel l’offre peine à répondre à la demande, avec de grandes disparités locales; des difficultés spécifiques sur le marché locatif, trop compartimenté entre le secteur social et le secteur libre; des ressources publiques consacrées au logement, supérieures à 6 Md€, proportionnellement plus importantes qu’en province. Et pourtant, les dysfonctionnements persistent, ils se sont même plutôt aggravés au cours des années récentes. 
Selon la Cour, l’examen de la mise en œuvre des politiques du logement social en Île-de-France fait ressortir trois difficultés majeures, toutes liées à la forte tension sur le marché immobilier qui caractérise cette région :

  • cette situation tendue complique la réalisation des objectifs de production de logements sociaux dans la région, le coût de production plus élevé de ces logements rendant plus difficile l’établissement de leurs plans de financement. Des aides plus importantes doivent ainsi leur être allouées, ce qui ne va pas de soi dans le contexte budgétaire actuel des finances publiques. Les collectivités publiques et les bailleurs sociaux sont alors incités à produire des logements sociaux dont l’équilibre financier pourra plus facilement être trouvé, tels que les PLS, ce qui entre en contradiction avec la structure de la demande des dits logements sociaux et avec leur vocation à accueillir les plus démunis.
  • Il est particulièrement difficile, en Île-de-France, de concilier l’objectif de mixité sociale avec celui de loger les plus démunis. La loi SRU, principal vecteur de cette recherche de la mixité, y a certes produit des résultats significatifs, mais cette action rencontre des limites et des difficultés qui risquent de considérablement s’aggraver avec l’élévation de 20 % à 25 % du quota communal de logements sociaux. Pour la Cour, le moment semble venu d’opérer, en Île-de-France, l’arbitrage politique entre une mixité sociale accrue en zone tendue, avec les surcoûts qu’elle implique pour les finances publiques, et une production plus abondante de logements sociaux à moindre coût.
  • Dans le contexte actuel de blocage du parc social francilien – faible mobilité, d’où une pénurie de logements face à une demande toujours plus forte, la Cour estime qu’il devient de plus en plus difficile de justifier le maintien, pour ceux des occupants dont la situation n’est pas la plus modeste, de l’avantage lié à la jouissance d’un logement à plus faible loyer sans limite de durée et plus souvent insuffisamment occupé que le logement locatif libre.
Trois messages principaux se dégagent de l’enquête de la Cour et structurent ses recommandations :
  • La cohérence de l’action publique doit particulièrement être recherchée en Île-de-France, tant dans la délimitation des périmètres de planification et de programmation que dans la détermination des compétences en matière d’urbanisme et de logement. Cette cohérence doit se conjuguer avec une plus grande sélectivité de l’action publique en matière de logement.
  • La situation du marché du logement francilien est, sans doute plus qu’ailleurs, fortement influencée par celle du marché foncier. Les récentes orientations visant à donner un nouveau dynamisme aux opérations d’aménagement et aux interventions foncières publiques en Île-de-France sont donc particulièrement bienvenues. D’autres outils, de nature fiscale, pourraient être réformés pour contribuer à faciliter la mobilisation des terrains constructibles.
  • Un levier de progrès majeur en Île-de-France concerne la gestion du parc locatif social, tant la segmentation entre celui-ci et le parc locatif privé y apparaît profonde, porteuse d’inéquités et générant un blocage du marché locatif dans son ensemble. La Cour prône donc « une action résolue pour rationaliser l’occupation du parc social francilien et la rendre plus conforme à sa vocation » en ce qui concerne, notamment, l’attribution des logements, la fixation des loyers et l’assouplissement des règles de maintien dans les lieux.« Un parc locatif social avec une occupation plus mobile, mieux centré sur ceux qui en ont le plus besoin et mieux connecté au logement intermédiaire pourrait contribuer de façon substantielle à développer la mixité sociale en Île-de-France et à y réduire les tensions du marché. »

La Cour des Comptes formule donc 14 propositions visant à « donner de la cohérence à l’action publique »Parmi celles-ci, on peut citer : remonter le seuil d’application de l’obligation de réaliser un nombre de logements locatifs sociaux atteignant 25 % des résidences principales aux communes de 3 500 habitants en Île-de-France, comme c’est le cas dans les autres régions ; renforcer la transparence des procédures d’attribution des logements sociaux, en invitant l’ensemble des réservataires à rendre plus homogènes les critères de sélection des bénéficiaires ; proposer, dans le cadre des nouvelles conventions d’utilité sociale, des règles de fixation des loyers des logements sociaux, en tenant compte de leur localisation, des prix du marché local et de la qualité intrinsèque du bâti ; moduler le loyer à l’entrée dans le logement social et pendant toute sa durée d’occupation, en fonction du revenu des locataires ; réexaminer les conditions de maintien dans les lieux des locataires des logements sociaux, notamment la condition d’âge, en prenant en compte non seulement les revenus mais aussi le patrimoine de l’occupant et le taux d’occupation du logement (« Le logement en Île-de-france : donner de la cohérence à l’action publique », Cour des Comptes, 05/15).

Politiques de la ville/du logement

Création de l’Observatoire national de la politique de la ville 
Un Décret, publié au J.O le 29/01/15, précise l’organisation et le fonctionnement de l'Observatoire National de la Politique de la Ville (ONVP) prenant la suite de l'Observatoire National des Zones Urbaines Sensibles (ONZUS). Il procède aussi, à l’adaptation des missions et du fonctionnement du Conseil national des villes (CNV) et du Comité Interministériel des Villes (CIV). Prévu dans la loi de programmation pour la Ville et la cohésion urbaine de février 2014, l’ONPV  intègre désormais le Comité d’évaluation et de suivi de l’Agence nationale pour la Rénovation urbaine.
Ses missions principales consistent à mesurer l’atteinte des objectifs concernant la situation et les trajectoires des résidents de ces quartiers, l’évolution des inégalités et des écarts de développement et de contribuer à évaluer les progrès en matière de participation des habitants aux instances décisionnelles de la politique de la ville.
L'observatoire est doté d'un comité d'orientation composé notamment des membres du bureau du CNV, du Défenseur des droits, de représentants de l’administration centrale et d’opérateurs publics, d’experts dont huit personnalités qualifiées et d’élus. Ce comité d’orientation adopte un programme de travail annuel d’enquêtes, d’exploitations statistiques, d’évaluations destinés à évaluer la politique de la ville. Parmi ses missions transversales, figure également l'analyse des discriminations et des inégalités entre les femmes et les hommes (« Décret n° 2015-77 du 27 janvier 2015, J.O. du 29-01-15 », Source : ASH).

Promouvoir  l’Egalite des chances à travers les territoires 
Le Conseil d’Analyse Economique (CAE) a présenté une note intitulée : « Promouvoir l’égalité des chances à travers le territoire » dans laquelle il souhaite concilier les objectifs d’équité territoriale et de croissance macroéconomique.
Il insiste sur la nécessité d’encourager l’égalité des chances à travers le territoire, aussi bien dans les zones à forte attractivité que dans celles moins dynamiques. 
Les deux auteurs P. Askenazy (économiste) et P. Martin (député) soulignent l’intérêt de concentrer les moyens de production en un petit nombre de lieux, puis de distribuer les fruits de la croissance à travers le territoire, tout en insistant sur « le rôle des autorités publiques pour assurer (ou rétablir) l’égalité des chances territoriale en matière d’éducation, d’accès à l’emploi et de santé ». Ils formulent huit recommandations de politiques publiques pour concilier croissance macroéconomique et égalité des chances sur le territoire, deux d’entre elles traitent de la question du logement.  Il s’agit de réorienter la politique du logement sur les zones dites de tension et de fluidifier le parc locatif social (« Promouvoir l’égalité des chances à travers le territoire », Note n°20, P. Askenazy et P. Martin, Conseil d’analyse économique, Février 2015).

« En finir avec les banlieues ? Le désenchantement de la politique de laville » 
Cet ouvrage collectif est issu d’une série de séminaires organisés par l’Institut des hautes études de développement et d’aménagement des territoires en Europe (IHEDATE). Sous la direction de T. Kirszbaum, il regroupe les contributions interdisciplinaires de nombreux chercheurs (dont H. Balazard, M. Blanc, R. Epstein, P. Estèbe, C. Lelévrier, E. Marlière, T. Tellier...) ainsi que de D. Figeat, « acteur historique de la politique de la vill ». Dès l’introduction, cet ouvrage se proposed’éclairer l’épuisement du mythe de l’égalité « républicaine », lequel paraît de moins en moins apte à remplir son rôle de mythe mobilisateur dans la politique de la ville. À travers une double    incursion dans le temps et dans l’espace, ces textes souhaitent donner à voir les espoirs qu’a fait naître la politique de la ville et les déceptions  qu’elle a occasionnées. Une large place est faite à l’histoire, « qui fournit le recul nécessaire pour apprécier la permanence et les mutations des politiques publiques ainsi que des           enjeux dont elles tirent leur légitimité » et à l’approche comparée, afin de « décentrer nos regards en se tournant vers  l’expérience d’autres pays » (Angleterre, Allemagne et Pays-Bas), cette approche comparée aboutissant tantôt à « désingulariser l’expérience française tantôt à confirmer son exceptionnalité ».        
A l’occasion de la parution de l’ouvrage, la Gazette des communes a interrogé T. Kirszbaum.
D’après le sociologue, la ségrégation résidentielle est le produit complexe de plusieurs facteurs :« des décisions (ou non-décisions) politiques et institutionnelles, la loi du marché et les préférences des ménages, notamment de ceux qui fuient ou évitent les minorités.
Comme il est très difficile d’avoir prise simultanément sur l’ensemble de ces paramètres, les pouvoirs publics ont vite fait d’incriminer les quartiers où se concentrent des populations précaires et des minorités ethniques en décrétant qu’il faut changer leur peuplement. » («  En finir avec les banlieues ? Le désenchantement de la politique de la ville » T. Kirszbaum (dir.), Bibliothèque des territoires, Editions de l’Aube, 2015; « La  politique  de  la  ville  ou  les  infortunes  de  l’égalité  Républicaine », introduction à l’ouvrage par T.  Kirszbaum ; « On érige entre « eux » et « nous » le mur qu’on cherche à abattre », interview de T. Kirszbaum ; La gazette des communes, 25/02/15).

Bidonvilles

Recensement des évacuations forcées de lieux de vie occupés par des Roms étrangers en France : en moyenne trois expulsions par semaine 
La Ligue des Droits de l’Homme (LDH) et le Centre européen des droits des Roms (ERRC) ont rendu public dans un rapport, une estimation du nombre d’évacuations de bidonvilles français où vivent majoritairement les Roms. Au cours de l’année 2014, 13 483 Roms auraient été évacués de force de leur camp par les autorités et  ces expulsions ont concerné 138 lieux de vie en France. Selon ces organisations, les autorités françaises auraient expulsé près de 3 lieux de vie par semaine.  
Par rapport à 2013, les chiffres de 2014 sont moins élevés, mais représentent encore près de 80% de la population totale vivant dans des bidonvilles. En d’autres termes, quatre personnes vivant dans un bidonville sur 5 ont été expulsées en 2014
Le recensement pointe, par ailleurs, une répartition inégale des expulsions à travers le pays : en Ile-de-France, chaque Rom vivant en bidonville aurait été évacué au moins une fois dans l’année (9 061 expulsions pour 7 486 Roms), en Rhône-Alpes, chaque personne aurat été expulsée deux fois, alors que dans les Pays de la Loire, où les efforts d’intégration semblent porter leurs fruits, les évacuations sont rares. Selon la LDH, « cette politique illégale et coûteuse viole le droit international et le droit de l’Union européenne réglementant les évacuations forcées ».
Les deux organisations appellent le gouvernement français en premier lieu à « cesser toutes les expulsions, puis à fournir des solutions alternatives de relogement sérieuses et durables » (« Recensement des évacuations forcées de lieux de vie occupés par des Roms étrangers en France-année 2014 », 03/02/15, « Violent, injuste, illégal et honteux : la France a expulsé près de trois lieux de vie de roms par semaine en 2014 », Communiqué de LDH et ERRC, 03/02/15).

Refus d’inhumation de Maria Francesca à Champlan : le Défenseur des droits conclut à un refus illégal de la mairie quand le Parquet classe sans suite 
Le 4 janvier 2015, le Défenseur des droits a décidé de se saisir d’office des circonstances dans lesquelles les parents de l’enfant Maria Francesca, décédée subitement à l’âge de deux mois, se seraient vu refuser son inhumation au cimetière de Champlan (Essonne).
Ni les parents de l’enfant, ni l’Association Solidarité Essonne Familles Roumaines et Roms qui les soutient, n’ont saisi le préfet pour contester la décision du maire, ni procédé à un dépôt de plainte pour discrimination. En revanche, de sa propre initiative,  le Procureur de la République d'Evry a ouvert une enquête préliminaire pour discrimination le 5 janvier 2015.
Le Défenseur des droits, à partir des informations recueillies sur cette situation, a étudié si les parents de Maria Francesca pouvaient ou non se prévaloir d’un droit à ce que leur enfant soit inhumée à Champlan et si le maire était ou non fondé à entraver cette démarche.
Après avoir mené une enquête contradictoire permettant à l’ensemble des protagonistes d’exposer leur analyse de la situation, le Défenseur des droits estime qu’il ne fait aucun doute que Maria Francesca et ses parents répondaient au critère du domicile pour l’inhumation à Champlan.Sur la base exclusive de ses propres éléments d’enquête, le Défenseur des droits estime que la décision de la mairie de Champlan paraît constituer un refus illégal, au moins implicite, d’inhumer l’enfant à Champlan au regard des obligations qui lui incombaient. Pour le Défenseur des droits, ce refus a été justifié par un traitement délibérément différencié entre les personnes selon leur mode de vie ou leur origine. En première analyse, cette pratique administrative assumée apparaît au Défenseur des droits comme constitutive d’une rupture d’égalité d’accès devant le service public et reposer sur des motifs constitutifs de discriminations prohibées par plusieurs sources de droit tant internes qu’européennes. Dans sadécision, le Défenseur des droits recommande donc au maire de Champlan de rappeler à ses services le droit applicable en matière d’inhumation et de domiciliation et, notamment, de veiller à ce qu’il soit mis un terme à ces pratiques. Par ailleurs, il recommande au ministre de l’Intérieur de bien vouloir demander aux préfets de rappeler ces principes à l’ensemble des maires. Il demande également au maire et au ministre de lui rendre compte rapidement des suites données à ces recommandations.
Le procureur d'Evry qui avait ouvert une enquête préliminaire pour discrimination le 5 janvier 2015 a annoncé, le 18/02/15, que l’enquête préliminaire pour discrimination était classée sans suite. En effet, les investigations confirment, selon lui, « un comportement inadapté de différentes personnes qui sont intervenues dans la gestion de cette situation ». Pour autant, elles « n’ont pas permis d’établir que cette attitude ait trouvé sa source dans une volonté malveillante ou discriminatoire ». Il n'y aura donc pas de poursuites pénales à l’encontre du maire… (Décision du Défenseur des droits MDE-MLD-2015-002, 06/01/15 ; « Inhumation de Maria Francesca : pour le Défenseur des droits, le refus de la mairie est illégal », communiqué du DDD du 23/01/15 ; « L’enquête sur le refus d’inhumer un bébé rom classée sans suite », Le parisien, 18/02/15).

Les droits des habitants de bidonvilles et squats menacés d’expulsion : revue de jurisprudence 
Le GISTI (Groupe d'Information et de Soutien des Immigrés) met en ligne une revue de jurisprudence régulièrement actualisée qui traite des mesures d’expulsion de terrains, bidonvilles ou squats et des droits des personnes contraintes de s’installer dans ces habitats précaires. L’objectif est d’offrir à celles et ceux qui conseillent ces habitants, une information juridique sur l’état actuel de la jurisprudence mais aussi de mettre en valeur des outils juridiques peu ou pas exploités. Le recueil ne traite pas de la situation des personnes ayant le « statut » administratif des « gens du voyage » et ne vise pas non plus spécifiquement les Roms. Cependant, les Roms ou les personnes désignées comme tels sont particulièrement visés par ces mesures d’expulsion de terrains et souffrent davantage que d’autres groupes sociaux de la difficulté à faire reconnaître leurs droits (« Revue de jurisprudence, Les droits des habitants de bidonvilles et squats menacés d’expulsion », GISTI, 12/14).

Expulsion : la Cour d’appel de Paris accorde des délais afin de tenir compte de l’appartenance à un groupe socialement défavorisé et pour permettre aux services de l’Etat de procéder au diagnostic et à l’accompagnement 
En septembre 2013, le juge des référés avait ordonné, à la demande de la Ville de Paris, l’expulsion des personnes appartenant à la communauté « Rom », installées sur un talus bordant le boulevard périphérique. Un délai d’un mois avait été accordé aux occupants pour quitter les lieux. Deux femmes concernées par l’expulsion avaient fait appel de cette ordonnance. 
Dans un arrêt rendu le 22/01/2015, la Cour d’Appel de Paris, confirme la décision concernant l’expulsion mais accorde un délai de six mois aux intéressées pour quitter les lieux.
La Cour énonce en premier lieu que la présence des intéressées et de leurs enfants au bord d’une des voies majeures de circulation routière, présente un grave danger pour la sécurité des occupants, mais aussi pour les usagers de la route. Leur expulsion apparaît dès lors une mesure nécessaire pour prévenir ce dommage imminent. La Cour examine ensuite la proportionnalité de cette mesure avec les intérêts des intéressées, du respect de leur vie prive et familiale, de leur droit à la dignité et de leur droit au logement, qui sont selon la Cour de valeur égale au droit de propriété de la Ville de Paris.
En l’espèce, la Cour estime que cette mesure n’apparaît pas disproportionnée aux droits des intéressées (absence de liens étroits avec le lieu, de démarches pour bénéficier des mesures prévues par la loi DALO) mais leur accorde néanmoins un délai de six mois pour quitter le lieux afinde tenir compte de leur appartenance à un groupe socialement défavorisé et pour permettre aux services de l’Etat de procéder au diagnostic et à l’accompagnement prévus dans la circulaire interministérielle du 26 août 2012.
La Cour d’appel accorde ce délai sur le fondement des articles L. 412-3 et L.412-4 du code des procédures civiles d’exécution, en jugeant, contrairement à ce que soutenait la Ville de Paris, queces dispositions qui concernent les locaux d’habitation sont applicables même pour un simple baraquement précaire qui, quel que soit son niveau de confort et de salubrité, constitue un local d’habitation comme tout lieu couvert où des personnes habitent de façon durable Cour d’Appel de Paris, 22/01/15, n°1319308 Communiqué du
Défenseur des droits, 06/03/2015).

1.2 Actualités générales sur le logement

Dalo :

Inexécution d’une décision octroyant un logement dans le cadre de la loi DALO : la France condamnée par la CEDH
Dans un arrêt, rendu le 09/04/15, la Cour Européenne des Droits de l’Homme (CEDH) a reconnu la France coupable de violation du droit à une procédure équitable (article 6 § 1) en n'ayant toujours pas exécuté, après plus de trois ans, la décision de justice la concernant.
Dans son rappel des  principaux  faits, la Cour rapporte que la  requérante est une ressortissante camerounaise qui réside à Paris et  vit  avec  sa fille et son frère dans un logement de la région parisienne  depuis 2003. Par une décision du  12 février 2010, la commission de médiation de Paris, constatant qu’ils étaient logés  dans  des  locaux indécents et insalubres, les désigna comme prioritaires et devant être logés en urgence.
Seulement n’ayant toujours pas été relogés, la requérante saisit le tribunal administratif de Paris, en vertu de la loi DALO et  il lui donne raison, et enjoint ainsi le préfet de région d'assurer le relogement. 
Le 31 janvier 2012, le relogement de la requérante n’ayant pas été assuré, le tribunal administratif procède à la liquidation provisoire de l’astreinte et condamne l’État à verser la somme de 8 400€ au fonds d’aménagement urbain de la région d’Ile-de-France.
La plaignante introduit alors une requête devant la CEDH, le 8 octobre 2012 et c’est dans ce cadre que la Cour de Strasbourg reconnait la France coupable de violation du droit à une procédure équitable. En effet, les juges ont estimé que « le gouvernement français ne saurait faire valoir un manque de ressources  pour  expliquer  que  la  requérante  n’a  toujours  pas  été  relogée,  plus  de  trois  ans  et  demi  après  le prononcé  du  jugement en question,  et  ce, alors  même  que  sa  demande  devait  être  satisfaite  avec une urgence particulière ». A noter que c’était  la  première  fois  que  la  Cour  traitait d’une requête contre la France concernant l’inexécution  d’un jugement octroyant un logement.
La CEDH n'a en revanche accordé aucun dédommagement financier à la requérante, qui, d’ailleurs, n'en avait pas demandé ((Affaire Tchokontio Happi c. France, requête n° 65829/12, CEDH, 09/04/15 ; Communiqué de presse du greffier de la CEDH, 09/04/15).

Le droit à l'hébergemnt opposable en péril
Dans un rapport intitulé « Le droit à l’hébergement opposable en péril », publié au mois d’avril 2015, le comité de suivi du Dalo alerte sur le droit à l’hébergement opposable. En préalable, il rappelle qu’Eentre 2001 et 2012 le nombre de personnes sans abri a augmenté de 44 % et que ce sont aujourd’hui 141 500 personnes qui sont dépourvues de domicile. 
Pourtant, l’hébergement en France est consacré comme un droit inconditionnel par le code de l’action sociale et des familles et la loi sur le droit au logement opposable (Dalo) du 5 mars 2007, prévoit l’existence d’un recours spécifique pour les demandeurs d’un hébergement ou d’un logement adapté n’ayant pu être accueillis. Ce cahier dresse un bilan alarmant de la mise en œuvre du droit à l’hébergement opposable (Daho). En 2014, sur 10 879 recours Daho déposés par des ménages dépourvus de logement, 7225 ont fait l’objet d’une décision favorable d’une commission de médiation donnant lieu à une proposition d’hébergement ou de logement d’insertion pour seulement 1392 d’entre eux.
Selon le Comité de suivi, « l’accès au Daho est rendu complexe par le manque d’information et d’accompagnement pour des personnes en situation de grande précarité. Les délais d’attente ne correspondent pas à l’urgence dans laquelle se trouvent les requérants. Des territoires doivent faire face à un déséquilibre important entre le nombre de demandeurs et l’offre d’hébergement et de logements adaptés disponible ». D’instances chargées de reconnaître un droit, les commissions de médiations se transforment alors progressivement en « machines à trier » entre des situations relevant pourtant toutes de l’urgence. Ces dysfonctionnements découragent les plus volontaires de faire valoir leurs droits. Le rapport comporte 19 propositions dont l’élaboration d’une loi de programmation pluriannuelle pour l'hébergement et le logement adapté (« Le droit à l’hébergement opposable »,  Haut Comité pour le Logement des Personnes Défavorisées, 9/04/2015).

Logement social

Nouvelle demande de logement social : le dépôt en ligne désormais possible 
Le dépôt en ligne d’une demande sur  le site www.demande-logement-social.gouv.fr (ouvert en décembre 2013)  ne concernait jusqu’à  présent que le renouvellement d’une demande de logement social déjà enregistrée. Dorénavant, les nouvelles demandes peuvent être déposées en ligne.
Ce portail internet réunit donc aujourd'hui les  fonctionnalités  suivantes : l'enregistrement en ligne des nouvelles demandes de logement social ; la mise à jour et la  consultation d’une demande de logement social existante ;  un annuaire des guichets auprès desquels les particuliers peuvent se rendre pour enregistrer leur demande ; l’accès aux chiffres-clés du logement social de chaque commune (nombre total de logements sociaux en attente ou attribués l'année précédente).D’ici la fin de l'année 2015, il devrait être possible de joindre les pièces justificatives directement à la demande déposée en ligne et suivre les principales étapes du traitement de sa demande.

Mal logement

La Fondation Abbé Pierre publie son 20ème rapport sur l'état du mal-logement 
La Fondation Abbé Pierre (FAP), avec la sortie de ce 20e rapport annuel sur « L’État du mal-logement en France », dresse un constat sur la hausse des formes d’exclusion les plus graves et  des précarités. Une occasion de s’interroger sur les blocages structurels, sociaux ou idéologiques, qui produisent aujourd’hui une situation toujours aussi pénible avec  plus de 3,5 millions de mal logés ou en errance... avec notamment une augmentation massive  des familles avec enfant qui se retrouvent à la rue. La FAP remet en  cause : « des politiques sociales du logement freinées par la rigueur, qui privilégient la construction neuve et peu accessible financièrement au détriment d’une intervention sur les logements existants, un encadrement des loyers a minima, une application relative de l’article 55 de la loi SRU des rapports  de force défavorables aux mal logés ». Enfin, comme c’est le cas chaque année, la Fondation Abbé Pierre s’interroge et interpelle à nouveau les pouvoirs publics de tous niveaux dans les responsabilités qui sont les leurs (« L’état du mal logement en France, 20e rapport annuel », Fondation Abbé Pierre, 26/01/2015).

Bilan de la 2e année de mise en œuvre du Plan pluriannuel de lutte contre la pauvreté et l’inclusion sociale : un bilan en demi-teinte 
F. Chérèque a remis au Premier ministre, le 26/01/15, le bilan de la mise en œuvre du plan pluriannuel de lutte contre la pauvreté. Le plan, lancé en janvier 2013, s’est traduit par des avancées sur l’accès aux droits sociaux avec notamment la revalorisation du RSA (10 % en 5 ans) ou encore l'élévation du seuil d'accès à la CMUC (+ 5 % de bénéficiaires). L’accroissement de la pauvreté ainsi que la progression de la précarité des familles sont soulignés au cours de ce rapport. Il pointe la faiblesse de la production de logements sociaux et note également l’abandon de plusieurs engagements du plan tels que l’encadrement des loyers excessifs dans les zones tendues (hors Paris) ou la mise en œuvre d’une garantie universelle locative qui avait été prévue dans la loi ALUR, même si cette loi tend à améliorer les rapports locatifs en prévenant les impayés et en réduisant les expulsions locatives.
Le gouvernement s’est appuyé sur ce rapport pour élaborer et présenter une feuille de routeactualisée de mise en œuvre du plan pluriannuel contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale. 
C’est dans ce cadre que la Fédération Nationale des Associations d'Accueil et de Réinsertion Sociale (FNARS) a demandé  la négociation immédiate d’un acte II du plan pauvreté qui puisse intégrer une loi de programmation d’hébergements pérennes et de logements sociaux(doublement du nombre de PLAI soit 60 000 logements par an. Les PLAI (Prêt Locatif Aidé d'Intégration) sont destinés aux personnes en difficulté. Ils accueillent des ménages disposant de ressources inférieures de 55 à 60 % au plafond de ressources exigé à l’entrée dans un logement PLUS.). Elle demande également une plus forte mobilisation du parc privé vacant en faveur des ménages modestes et un plan de sortie des hôtels pour les 30 000 personnes en familles qui y sont actuellement hébergées (« Evaluation de la 2nde année de mise en œuvre du plan pluriannuel contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale », F.Chérèque, C.Abrossimov et M.Khennouf, IGAS, 26/01/15 ; « Plan pluriannuel contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale, Feuille de route 2015-2017 », 1er ministre,  03/03/15 ; « Rapport Chérèque : la FNARS demande une renégociation immédiate du plan pauvreté », Communiqué de presse de la FNARS, 27/01/15).

2/ DISCRIMINATION : ACTUALITES ET INFORMATIONS GENERALES

A/ International

Québec : une réforme en profondeur de la politique d’immigration et d’intégration 
Le gouvernement québécois s’est récemment engagé dans la conduite d’un long processus qui devrait aboutir à une réforme en profondeur de la politique d’immigration et d’intégration. Le principal outil d’orientation de cette nouvelle politique,  fut rendu public le 18 décembre 2014, sous la forme d’un Cahier de consultation. Ce document témoigne de la volonté de répondre efficacement à quatre défis de l’immigration, identifiés comme prioritaires : le redressement démographiquela prospérité économique, la pérennité du français et le maintien d’une ouverture à la diversité. Ce projet d’initiative libérale invoque l’inadaptation de la politique d’immigration définie dans les années 90. Trois préoccupations majeures sont avancées par le Cahier de consultation en vue d’expliciter les motivations de la réforme : « apporter des solutions aux obstacles à l’intégration et à la participation des personnes immigrantes et des minorités ethnoculturelles », « faire en sorte que l’immigration corresponde davantage aux choix de société du Québec », et « répondre aux inquiétudes exprimées par une partie de la population à l’égard de l’immigration, lesquelles sont alimentées par une crainte de voir l’identité nationale et les valeurs communes compromises par la diversité ethnoculturelle croissante »
La Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, dont les membres sont nommés par l’Assemblée nationale du Québec et dont les prérogatives recoupent largement celles de son homologue français, le Défenseur des droits, a  publié un mémoire le 28/01/15.   Elle émet des réserves concernant certaines orientations définies par le gouvernement et recadre l’ensemble du projet autour de la lutte contre les discriminations, principal vecteur d’intégration, et estime utile de préciser que « les obligations de l’État et de la société d’accueil devraient être mises au centre de la nouvelle politique en matière d’immigration » car « le véritable enjeu […] réside dans la capacité de la société québécoise à intégrer ces immigrants » (« Consultation publique – Vers une nouvelle politique en matière d’immigration, de diversité et d’inclusion »,18/12/14 ;  « Mémoire à la commission des relations avec les citoyens de l’assemblée nationale sur le document intitulé vers une nouvelle politique québécoise en matière d’immigration, de diversité et d’inclusion– cahier de consultation », Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, janvier 2015 ; « L’impératif de lutte contre les discriminations replacé au cœur de la consultation publique sur l’immigration et l’intégration au Québec », R. Médard, La Revue des droits de l’homme, 06/02/15

B/ Union européenne

Les députés européens demandent la fin des discriminations et la reconnaissance d’une Journée européenne de commémoration du génocide des Roms 
Dans une résolution en date du 15/04/15 à l'occasion de la journée internationale des Roms (qui a lieu le 8 avril), le Parlement Européen appelle à davantage d’efforts pour mettre fin à la discrimination, aux crimes et aux discours haineux contre les Roms. Les députés expriment leur « profonde préoccupation face à la montée de l'antitsiganisme, qui se manifeste entre autres par des discours hostiles aux Roms et des agressions violentes commises en Europe ».
Rappelant que « les Roms sont la plus grande minorité ethnique d'Europe  (ils seraient environ 10 à 12 millions à vivre en Europe, dont environ six millions dans l'UE), le parlement invite les Etats membres de l’Union européenne à mettre en œuvre efficacement la directive 2000/43/CE du 29 juin 2000 relative au principe de l’égalité de traitement entre les personnes sans distinction de race ou d’origine ethnique afin de  prévenir et déliminer toute discrimination, notamment en matière d’emploi, d’éducation et d’accès au logement.
Par ailleurs, le Parlement reconnaît le fait historique que constitue le génocide des Roms durant la Seconde Guerre mondiale ainsi que d'autres formes de persécution, telles que les déportations et les détentions et demande aux États membres de faire de même. Pour commémorer ces atrocités, il propose que le 2 août soit  proclamé « Journée européenne de commémoration du génocide des Roms » et dédié à la commémoration de toutes les victimes de ce génocide (« Résolution du Parlement européen du 15 avril 2015 à l'occasion de la journée internationale des Roms – antitsiganisme en Europe et reconnaissance par l'Union européenne de la journée de commémoration du génocide des Roms durant la Seconde Guerre mondiale », 2015/2615(RSP), 15/04/15 ; « Les députés demandent la fin des discriminations et la reconnaissance de la Journée européenne de commémoration du génocide des Roms », communiqué de presse du Parlement européen, 16/04/15).

Allemagne : liberté religieuse et droits des salariés 
L´État Allemand garantit l´« autonomie » aux sociétés et associations à caractère religieux. Ce statut juridique spécial présente un intérêt tout particulier, tant sur le plan théorique qu’au regard de la mise en œuvre des droits constitutionnels, car il confère aux sociétés religieuses une large liberté dans la fixation des règles du droit du travail. Toutefois, cette liberté de l’employeur peutse heurter aux droits fondamentaux des employés et entrainer des situations discriminatoires.
C’est  dans ce contexte, que la Cour constitutionnelle de Karlsruhe a confirmé, fin novembre 2015, que pour un cadre catholique salarié d’une institution catholique, se remarier après avoir divorcé était un motif de licenciement.  Rappel des faits : le chef de l’hôpital de Düsseldorf était licencié en 2009 par cet établissement catholique qui l’employait depuis 9 ans. Motif du licenciement : le remariage de ce salarié tenu, selon l’Eglise, d’adopter un comportement «exemplaire» du fait de ses fonctions de chef de service. 
Au terme de son analyse, la Cour constitutionnelle a jugé qu’un tel licenciement ne portait aucune atteinte à une norme fondamentale de l’ordre juridique allemand. Le médecin  concerné compte faire appel de cette décision  (« Les droits et libertés fondamentaux des salariés face à l’autonomie des employeurs religieux en Allemagne », P. Mougeolle, La Revue des droits de l’homme,18/03/2015).

C/ France

Actualités générales

Le commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe rappelle les devoirs de la France en matière d’égalité
Suite à une mission de quatre jours en France, le Commissaire aux droits de l’homme du  Conseil de l’Europe, a publié  un rapport rendu public le 17 février 2015. Ses premiers constats  mettent en avant ses préoccupations quant au respect des droits de l’Homme en France, notamment à l’égard des demandeurs d’asile, des mineurs isolés étrangers, des Roms migrants, des gens du voyage et des personnes en situation de  handicap.
Il exprime également son inquiétude face aux conditions de vie très difficiles, allant à l’encontre des droits fondamentaux, dans lesquelles vivent les Roms, les Gens du voyage et les demandeurs d’asile, rappelle en outre le droit à l’éducation obligatoire pour tous les enfants résidant sur le territoire français et que les moyens nécessaires doivent être déployés à cette fin.
Enfin, il incite les autorités à accroître leurs efforts afin que les personnes handicapées puissent avoir un accompagnement adapté à leur situation et il déplore en outre les difficultés d’accès à l’emploi et les conditions discriminatoires réservées aux travailleurs handicapés dans certaines structures spécialisées (« Rapport par Nils Muižnieks, Commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe, suite à sa visite en France, du 22 au 26 septembre 2014 » CommDH(2015)1, 17/02/15).

Rapport annuel 2014 du Défenseur des droits : une activité en hausse 
J. Toubon, Défenseur des droits (DDD) en fonction depuis le 17/07/14, a remis le rapport d’activité  de l’institution.Dans son premier rapport d’activité pour l’année 2014, le Défenseur des droits souligne la progression constante du nombre de saisines, particulièrement en ce qui concerne l’accès à certains services publics fondamentaux, la lutte contre les discriminations, la protection des droits de l’enfant, la protection sociale ou encore la situation des ressortissants étrangers. 
L’activité des services du DDD est en hausse: il a reçu 100 000 demandes d’interventions ou de conseils donnant lieu à 73 463 dossiers de saisines. L’accès aux services publics fondamentaux se conjugue alors avec le problème des exclusions et des discriminations. Le rapport souligne également que « le maintien des inégalités coûte moins cher que leur correction » et énonce que « la discrimination ne doit plus être rentable. »
Par rapport à 2013,  les réclamations en lien avec les droits de l’enfant ont augmenté de 9.87% mais celles qui concernent les discriminations sont en hausse de 23.46% et la déontologie de la sécurité avec une hausse de 22.94%. Au-delà du traitement des saisines individuelles, un nouveau partenariat a été mis en place avec la police nationale.  L’institution intervient auprès des élèves gardiens de la paix pour les sensibiliser en matière de lutte contre les discriminations et de déontologie de la sécurité.
Le DDD invite à rester vigilant sur les discriminations fondées sur l’origine puisque l’institution a reçu 4 535 réclamations en 2014 concernant le domaine de la lutte contre les discriminations. L’origine reste le premier critère invoqué en matière d’accès aux biens essentiels, tels que le logement privé, les comptes bancaires et en matière d’emploi privé où il atteint 22,6%.
Il note aussi un nombre important de discriminations multiples en matière d’emploi à l’encontre des femmes étrangères qui peuvent  prendre la forme de harcèlement sexuel. Le DDD souligne la présence de discrimination prenant appui sur les nouvelles technologies, les réseaux sociaux, les sites d’embauche sur internet qui laissent apparaître des dérives d’intrusion dans la vie privée.
Dans le domaine du logement, le rapport ne fait que rappeler les observations générales concernant le logement social à savoir qu’il y a un certain  nombre de communes qui ne  respectent toujours pas leurs obligations, (loi SRU) et privilégient la production de logements dits intermédiaires, au préjudice des logements destinés aux ménages les plus précaires (Rapport Annuel d’Activité 2014, Défenseur des droits, 27/01/15).

Baromètre de la cohésion sociale : une  légère diminution de la constatation de discrimination 
Les résultats des  enquêtes effectuées entre décembre 2013 et janvier 2014, auprès d’un échantillon représentatif de 2 000 personnes,  ont permis de constituer le baromètre de la cohésion sociale réalisé par le Centre de Recherche pour l’Etude et l’Observation des Conditions de vie (CREDOC).
Le Credoc note que nos concitoyens sont partagés entre le sentiment que « la diversité des cultures et des origines est une richesse pour notre pays (55%) et l’idée que celle-ci « rend difficile la vie en commun » (44%). Concernant notre modèle d’intégration, la « laïcité à la française »  joue un rôle prépondérant et qui semble s’accentuer : 93% des Français sont d’accords que « les religions peuvent créer des tensions au sein de la société » et 67% des sondés attendent des pouvoirs publics qu’ils veillent avant tout à ce que les croyances et les pratiques religieuses des individus ne soient pas visibles dans les espaces publics. 
Le Credoc note que, ces dernières années, l’opinion semble avoir évolué et souhaite une forme d’extension du principe de la laïcité dans les espaces publics (y compris passants) ainsi qu’aux entreprises privées : en 2005, seuls 49% voyaient d’un bon œil l’interdiction du port de signes religieux ostensibles dans les entreprises privées pour les salariés. Aujourd’hui, ils sont 81%.
Concernant la constatation de discriminations, celle-ci est en légère baisse de 2%, même si 43% ont, au cours des 12 derniers mois, été le témoin d’une discrimination. Les discriminations liées à l’origineethnique restent les plus souvent mentionnées (22%), avec celles liées à lareligion (17%) et  au handicap (17%). 
Le Credoc note que « plusieurs indices laissent penser que le léger recul de la constatation de discrimination est davantage à mettre en lien avec le recul de la tolérance et les préoccupations montantes pour l’emploi et la croissance constatées cette année qu’avec de réels progrès en la matière. (« Baromètre de la cohésion sociale 2014, le modèle social à l’épreuve de la crise », Credoc, 10/2014).

Discrimination sur le critère de la précarité sociale : proposition de loi 
La pauvreté touche actuellement 8,7 millions de personnes en France. Partant de ce constat, une proposition de loi visant à lutter contre la discrimination à raison de la précarité sociale a été enregistrée à la Présidence du Sénat le 31 mars 2015. Cette proposition souhaite renforcer les procédures gouvernementales mises en place, notamment le Plan pluriannuel de lutte contre la pauvreté
Depuis 2009, ATD Quart Monde cf Veille doc&infos LCD et Logement n° 31 se bat pour que ce soit ajouté le critère de précarité sociale comme motif de discrimination dans les textes de loi français. Une démarche qui selon cette ONG permettrait de renforcer l’effectivité des droits des personnes en situation de pauvreté et de mettre en lumière les situations discriminatoires à leur égard. Le Défenseur des droits ainsi que la Commission Nationale Consultative des Droits de l'Homme (CNCDH) ont défendu également l’intérêt d’ajouter ce nouveau critère. 
Le 19 février 2014, un rapport d’information sénatoriale cf Veille doc&infos LCD et Logement n° 34,élaboré à la demande du sénateur Y. Vaugrenard  également à l’origine de cette proposition de loi, préconisait déjà la nécessité de lutter contre ces formes de discriminations. 
Les discriminations dont peuvent faire l'objet ces personnes en situation de précarité sociale vont en effet contribuer à aggraver leur situation et à accroître leur exclusion sociale. Tous les domaines sont concernés par ces discriminations : l’accès à la santé, au logement, à l’emploi, à la formation, à la justice, à l’éducation, à la vie familiale, à l’exercice de la citoyenneté et les relations avec les services publics. 
Les auteurs de la proposition de loi rappellent que certains textes internationaux ainsi que plusieurs pays reconnaissent depuis plusieurs années la précarité sociale comme étant un critère de discrimination prohibé par la loi. L'un des exemples les plus couramment cités concerne le Québec, où la discrimination fondée sur la « condition sociale » a été introduite en 1975 à l'article 10 de la Charte des droits et libertés de la personne. Cela permet par exemple, la condamnation de bailleurs qui refusent de louer leur bien à des personnes bénéficiaires des minima sociaux ou occupant un emploi précaire alors que leur dossier démontre leur capacité à payer le loyer demandé ( « Proposition de loi n°378 : La discrimination à raison de la pauvreté», Sénat, 31/03/15).

Observatoire villeurbannais des discriminations : données 2014 
>Les données de l’observatoire de lutte contre les discriminations de 2010 à 2014 ont été rendues publiques. Cet observatoire a pour objectif de repérer et d’enregistrer les situations de discriminations sur le territoire villeurbannais. Il a vocation à mieux orienter l’action publique, identifier les actions prioritaires et améliorer l’accès au droit et l’aide aux  victimes. Ces données (rendues anonymes) sont enregistrées par l’association Arcad (Agir en région pour construire un avenir sans discriminations), le délégué du Défenseur des droits, le réseau de vigilance et de lutte contre les discriminations des intermédiaires de l’emploi et du logement. 381 situations potentiellement discriminatoires ont été enregistrées entre janvier 2010 et fin 2014 dont plus de la moitié sont repérées par le délégué du Défenseur des droits.
En 2014, les critères ethno-raciaux restent prédominants, viennent ensuite le handicap et l’état de santé. En effet, les critères de l’origine, de la nationalité et des convictions religieuses sont invoqués dans 66% des  situations potentielles de discriminations. Viennent ensuite l’état de santé (7%), le handicap (5%), l’âge (8%), l’état de grossesse (10%) et le sexe (2%). 
72% des situations enregistrées sont liées à l’emploi, à l’accès à la formation ou au stage. Le logement représente le second domaine et  correspond, quant à lui, à 14% des situations. Tous domaines confondus, la répartition des structures présumées discriminatoires est de 71% pour le privé et 29% pour le secteur public. 
Concernant les suites données par Arcad et le délégué du Défenseur des droits, sur les 50 dossiers traités en 2014, 4 situations ont été traitées par la médiation, 11 dossiers sont en cours de traitement par le Défenseur des droits. 13 des situations de discriminations supposées n’ont donné lieu à aucune suite (manque d’éléments probants, personnes qui ne souhaitent pas donner suite...) et 14 situations ne relèvent pas de discrimination (« Observatoire villeurbannais des discriminations- Données 2014 », Contact : mission lutte contre les discriminations de Villeurbanne).

Origine et Immigration

France Stratégie s’interroge sur  les obstacles à l'insertion économique des jeunes issus de l'immigration d'immigrés 
France Stratégie, qui est le nom d’usage du Commissariat général à la stratégie et à la prospective (CGSP), est un organisme de réflexion, d’expertise et de concertation placé auprès du Premier ministre.
Dans cette note d’analyse, il s'interroge sur les obstacles à l'insertion économique des jeunes issus de l'immigration. 
Selon les auteurs, les jeunes descendants d’immigrés, plus particulièrement les jeunes descendants d’immigrés africains (y compris le Maghreb), restent particulièrement touchés par les difficultés d’insertion professionnelle, et encore davantage depuis la crise de 2008, malgré les mesures qui ont pu être prises successivement, tant en matière d’éducation que d’emploi.
Moins qualifiés, ces jeunes sont plus exposés à la précarité dans l’emploi, souffrent de trajectoires heurtées et intègrent moins la fonction publique d’État. Ces difficultés se traduisent par un niveau de vie inférieur et par des situations de pauvreté plus fréquentes.
Plusieurs types de facteurs, en partie liés, sont avancés pour expliquer les difficultés particulières rencontrées par les jeunes descendants d’immigrés : un milieu socioéconomique plus modeste que celui du reste de la population ; des parcours scolaires plus difficiles, avec davantage de sorties du système éducatif sans diplôme et des niveaux de diplôme moins élevés, tout particulièrement pour les garçons ; des orientations moins favorables avec un faible taux de poursuite dans le supérieur, et, pour ceux qui sont orientés vers les filières professionnelles, un moindre accès à l’apprentissage ; une concentration spatiale au sein de quartiers et communes cumulant les difficultés économiques et sociales.
Toutefois, ces facteurs ne peuvent expliquer à eux seuls les écarts mentionnés en termes d’insertion économique.
Même une fois neutralisés les effets de structure (origine sociale des parents, niveau de diplôme, localisation), un risque de chômage plus élevé persiste pour les descendants d’immigrés. Cet écart non expliqué renvoie à des facteurs non pris en compte dans les enquêtes, dont des phénomènes de discrimination.
En termes de répartition spatiale et de conditions de logement, la note que les immigrés d’origine africaine et leurs descendants sont très concentrés dans certaines régions et, à l’intérieur de celles-ci, dans certaines communes souvent pauvres, les plus denses en termes de logement social et à forte proportion d’immigrés. Moins souvent propriétaires, trois fois plus souvent dans le secteur HLM lorsqu’ils sont locataires, ils subissent également des phénomènes de discrimination dans l’accès au logement, établis par plusieurs enquêtes de testing. Par ailleurs, alors que le surpeuplement ne concerne que 5 % des ménages (au moins deux personnes) non immigrés, il touche 19 % des ménages descendants d’immigrés et 25 % des ménages immigrés.
Selon les auteurs, s’il convient de mobiliser les politiques de droit commun (politiques de l’emploi, de l’éducation et du logement, renforcement des politiques de lutte contre les discriminations), « il est urgent de réfléchir aux moyens de compléter ces politiques par des mesures particulières en direction des quartiers de la politique de la ville d’une part, des descendants d’immigrés de l’autre. Ces actions doivent s’accompagner de mesures permettant d’assurer à ces populations une plus grande représentation politique ». 
Dans une prochaine note, France Stratégie fera des propositions permettant d’orienter les politiques publiques dans un sens plus favorable à ces populations qui cumulent les difficultés (« Jeunes issus de l’immigration : quels obstacles à leur insertion économique ? », P-Y Cusset, H Garner,M Harfi, F Lainé et D Marguerit, 03/15, France Stratégie).

École, immigration et mixités sociale et ethnique
Le Conseil National d’Evaluation du Système Scolaire (CNESCO), après avoir diffusé, le 13/01/15, une note consacrée à l’apprentissage de la citoyenneté dans l’école française, le Conseil national d’évaluation du système scolaire (Cnesco) a publié une seconde note complémentaire, intitulée « Ecole, immigration et mixités sociale et ethnique ».

Elle  montre depuis le début  des années 2000, une altération des résultats scolaires des élèves issus de l’immigration. En effet, l’écart de performances entre ces derniers et les « jeunes autochtones » est supérieur à celui observé dans les autres pays de l’OCDE. Elle questionne la faiblesse des mixités sociales et ethniques dans certains établissements scolaires (résultant des ségrégations résidentielles et des stratégies d’évitement de la carte scolaire) et rappelle que certaines recherches ont mis en évidence l’existence de « ghettos scolaires ».
Cette note n’est pas sans faire écho à la circulaire du ministère de l’Education nationale qui indique, aux recteurs  et inspecteurs d’académie, la démarche à suivre pour faciliter la concertation avec les conseils généraux dans le cadre de la promotion de la mixité sociale dans les collèges publics.
Elle rappelle également qu’à l’étranger (Royaume-Uni, Belgique, États-Unis, Irlande…) des politiques nationales volontaristes sont mises en place pour fabriquer les mixités sociale et ethnique qui peuvent éclairer les décisions d’action publique en France. « Si ces politiques scolaires, pour développer une école citoyenne, réellement intégratrice de tous les élèves français, ne peuvent se construire que sur le long terme, il est désormais urgent de les engager concrètement. »
(« École, immigration et mixités sociale et ethnique », 22/01/15, CNESCO ; « Circulaire relative à l'amélioration de la mixité sociale au sein des établissements publics du second degré » n° 2014-181 du 07/01/15).

Gens du voyage

Le livret de circulation des Gens du voyage : une décision du Conseil d’Etat sans surprise 
En 2012, le Conseil constitutionnel censurait partiellement le régime dérogatoire qui s'impose aux gens du voyage en matière de circulation cf Veille doc&infos LCD et Logement n° 27. Le carnet de circulation qui devait être visé tous les trois mois par l'administration et dont l'absence de détention était punie d'une peine d'un an d'emprisonnement avait disparu. Mais son parent le livret de circulation était maintenu. Deux ans après, le Conseil d'État en tire les conséquences, dans un arrêt qui n'offre guère de surprises. 
En se basant sur la décision précitée,  le Conseil d’Etat estime que l’exigence du carnet de circulation est fondée sur une différence de situation entre les personnes, quelles que soient leurs nationalités et leurs origines, qui ont un domicile ou une résidence fixe de plus de 6 mois et celles qui en sont dépourvues. Ainsi, la distinction qu’elle opère repose sur des critères objectifs et rationnels en rapport direct avec le but que s’est assigné le législateur et n’instituent aucune discrimination fondée sur une origine ethnique. Le Conseil d’Etat juge que l’obligation de porter un titre de circulation  est justifiée par la nécessité de protéger l’ordre public et proportionnée à cet objectif. L’atteinte à la liberté de circulation comme la discrimination qui en résulte sont jugées proportionnées au but poursuivi
Une avancée peut toutefois être notée : si le Conseil d'État refuse de faire disparaître le livret de circulation, il censure la décision du ministre de l'Intérieur en tant qu'il avait implicitement refusé d'abroger la disposition punissant d'amende les personnes circulant sans livret de circulation. Une amende prévue pour les contraventions de 5e classe s'applique en effet aux personnes circulant sans s'être fait délivrer le livret et une amende prévue pour les contraventions de 4e classe s'applique à celles ne pouvant prouver détenir ce livret en cas de réquisition par un officier public. Le juge considère que ce volet pénal est contraire à la liberté de circulation garantie par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et donne deux mois au gouvernement pour abroger ces articles. A ce jour, cela n’a toujours pas été fait, comme le rappelle la sénatrice E. Benbassa qui a interpellé le gouvernement par le biais d’une question écrite en date du 26/02/15.
(« Conseil d’Etat n°359223, 19 novembre 2014 », « Gens du voyage: Esther Benbassa (EELV) demande des mesures sur le livret de circulation», AFP, 18/03/15)

Emploi

Discrimination syndicale : Air Liquide condamné à 700 000€ de pénalités 
Le groupe Air Liquide a été  condamnépar la Cour d’Appelde Paris, en avril 2015,  à verser plus de 700 000 € pour ses pratiques discriminatoires à l’encontre des militants de la CGT. 
L’affaire commence en 2008 quand une consultation nationale des élus et mandatés du groupe Air Liquide, révèle des situations anormales d’évolutions salariales et professionnelles pour les personnels syndiqués. Un panel comparants ces évolutions est établi. Des inégalités de traitement flagrantes sont décelées pour 11 militants CGT. Pendant plus d’un an, ce panel servira à la CGT pour imposer à la direction des négociations. La CGT Air liquide saisi donc la justice.
Après un premier jugement favorable à la direction en juin 2012, les militants déposent un recours et la Cour d’appel de Paris leur donne raison. Sur les 11 militants, 7 ont vu leurs discriminations reconnues. 
Depuis octobre 2009, Air liquide est signataire de la Charte diversité. Cet engagement  s’inscrit dans la politique managériale du groupe concernant  l'évaluation, la rémunération et les perspectives de développement des employés qui doivent être basés sur la performance, indépendamment de la nationalité, du genre, de l'âge, de l'expérience, de l'ethnie, de l'éducation, de l'engagement syndical et du handicap (Dépêches CGT, 23 avril 2015).

Le rapport « Sciberras » s’opposerait au CV anonyme 
Pour lutter contre les discriminations à l’embauche et dans le déroulé des carrières, a fortiori envers les personnes d’origines étrangères, les ministères du Travail et de la Ville et la Jeunesse ont commandé, à l’automne 2014, un rapport à un groupe d’experts et de partenaires sociaux placé sous la responsabilité de J-C Sciberras, ex-président de l’association nationale des DRH. Le site « Les Echos » a dévoilé, début avril 2015, le contenu de ce rapport qui a pour but d’orienter M. Rebsamen, Ministre du Travail, de l’Emploi et du Dialogue social, dans ses décisions concernant les futures mesures à appliquer en matière d’emploi. 
Après d’intenses débats, les experts en charge du dossier semblent s’être majoritairement prononcés contre l’obligation du CV anonyme. En effet celui-ci s’avère compliqué à rendre obligatoire aussi bien sur le fond (coûts et pratiques complexes) que sur la forme (démarche de contournement). Ils recommandent donc de rendre le procédé facultatif, comme cela se fait déjà aujourd’hui. 
Par contre, le rapport recommande de développer les actions de groupe, de relancer les opérations de « testing » etdans l’optique de lutter durablement contre la discrimination, de faire de ce sujet une priorité nationale pour l’année à venir et de mettre en lumière des pratiques souvent niées ou ignorées, faute de mesures précises. Pour cela, le groupe en charge du dossier conseille d’étudier la faisabilité de la mise en place d’un dispositif permettant d’assurer une transparence des procédures de recrutement. (« Lutte contre les discriminations : le rapport dont va s’inspirer Rebsamen », Les Echos, 08/04/15).

Projet "Buydis" : lutter contre la discrimination dans l'emploi à travers les clauses des marchés publics 
Ce projet vise, par le biais des clauses des contrats de commande publique, à lutter contre les discriminations et à promouvoir l'égalité dans l'emploi. Il  réunit des professionnels de  la Ville de Lyon, la Ville de Nantes et la Communauté urbaine de Nantes Métropole, ISM CORUM (pilote du projet) et l’ONG Migration Policy Group de Bruxelles.

Après avoir étudié le cadre juridique national et européen et analysé les expériences déjà existantes, le groupe de travail  en a tiré des recommandations et des propositions, proposées sous forme de guide.
Ce guide comporte notamment une analyse des possibilités ouvertes et des conditions posées par le code des marchés publics et par la jurisprudence la plus récente, ainsi que par des exemples de clauses de lutte contre les discriminations et de promotion de l’égalité dans l’emploi. Il  recense plusieurs exemples, à différents degrés d'implication, de clauses de lutte contre la discrimination dans les contrats publics (« Lutte contre les discriminations et promotions de l’égalité dans l’emploi à travers les clauses des marchés publics, Projet Buydis, un premier guide pour les collectivités », 10/14).

Religion/laïcité

Plusieurs voix s’élèvent pour demander le retrait  d’une proposition de loi visant à étendre l'obligation de neutralité dans les crèches privées 
Une proposition de loi visant à étendre l'obligation de neutralité à certaines personnes ou structures privées accueillant des mineurs et à assurer le respect du principe de laïcité avait été adoptée en première lecture par le Sénat le 17 janvier 2012 cf Veille doc&infos LCD et Logement n° 24.   Poursuivant son parcours législatif, elle devait être débattue le 12/03/15 à l'Assemblée nationale mais, suite aux réactions qui se sont exprimées,a été retirée de l'ordre du jour à quelques heures de son examen… Puis, elle a été officiellement réinscrite à l'ordre du jour du 13 mai 2015 et discutée dans ce cadre
La Commission Nationale Consultative des Droits de l'Homme (CNCDH) dans un avis adopté le 26/09/13 cf Veille doc&infos LCD et Logement n° 31, recommandait déjà le retrait de cette proposition de loi. 
Dans une nouvelle déclaration, l’institution explique que ce projet de loi est : « contraire à la Convention européenne des droits de l'homme, à la Constitution, à l'esprit et à la lettre de la loi de 1905 sur la séparation des Eglises et de l'Etat et à l'arrêt (...) de la Cour de cassation du 25 juin 2014 dans l'affaire Baby-Loup ». 
Les critiques proviennent également des représentants religieux et de l'Observatoire de la laïcité, ce dernier évoquant le fait que le texte soit « extraordinairement dangereux » (« Proposition de loi , adoptée par le Sénat, visant à étendre l'obligation de neutralité à certaines personnes ou structures privées accueillant des mineurs et à assurer le respect du principe de laïcité », « Déclaration pour le retrait de la proposition de loi sur la laïcité », CNCDH,19/03/15 ; « Communiqué de l’Observatoire de la laïcité sur la proposition de loi n°61 visant à étendre l’obligation de neutralité à certaines personnes ou structures privées accueillant des mineurs », 09/03/15 ).

Cadrer et sécuriser le financement des lieux de culte : un rapport d’information sénatorial 
Suite à l’enquête réalisée en janvier 2015 auprès de 3 000 communes à la demande de la délégation aux collectivités territoriales du Sénat, un rapport d’information sur les collectivités territoriales et le financement des lieux de culte a été présenté le 18/03/15. La délégation sénatoriale proposed'aménager ou de préciser certains des moyens qui permettent aux collectivités territoriales d'apporter une aide à l'implantation et à l'entretien de lieux de culte, tout en respectant la loi de séparation des églises et de l'Etat. Le but est notamment de renforcer, pour les élus locaux, la sécurité juridique de ces dispositifs (« Les collectivités territoriales et le financement des lieux de culte », Rapport d’information n°345, H. Maurey, 17/03/15).

Observatoire de la laïcité : 11 propositions pour « renforcer la cohésion nationale et promouvoir la laïcité» 
Après les attentats des 7, 8 et 9 janvier 2015 et les manifestations du 11 janvier 2015, l’Observatoire de la laïcité, dans le but de renforcer la cohésion nationale, appelle « à une accélération de la mise en œuvre de ses précédents avis et à la promotion de la laïcité et du vivre ensemble en général ». 
L’Observatoire de la laïcité, qui assiste le gouvernement dans son action visant au respect du principe de laïcité, émet 11 propositions pour  « renforcer la cohésion nationale et promouvoir la laïcité». 
L’une d’entre elles soutient la création d’établissements privés de théologie musulmane et de formations à l’islamologie afin d’assurer la formation d’imams en France et d’éviter le développement dans l’espace public de tout discours extrémiste. 
En milieu scolaire, l’institution insiste sur le développement de l’enseignement laïc tout en veillant  à « assurer, en particulier au sein des programmes scolaires, la prise en compte de toutes les cultures convictionnelles et confessionnelles présentes sur le territoire de la République »
En milieu carcéral, l'Observatoire recommande le  recrutement d'aumôniers musulmans, l'augmentation de leurs moyens et l'instauration de conseillers humanistes pour apporter un soutien personnel aux détenus, quelles que soient leurs convictions. (« Avis de l’Observatoire de la laïcité sur la promotion de la laïcité et du vivre ensemble », 14/01/2015).

Exclusion d’un centre de fitness d’une femme musulmane portant un foulard : discrimination en raison de la religion 
Le Défenseur des droits a été saisi de l’exclusion d’un centre de fitness d’une femme musulmane portant un foulard. Cette exclusion serait fondée sur un argument de neutralité et de sécurité. 
Le Défenseur des droits rappelle que le principe de neutralité des agents publics n’est pas applicable aux organismes privés. Concernant la sécurité, il estime que d’autres moyens appropriés et proportionnés auraient pu être prévus, comme un foulard adapté à la pratique sportive. Le gérant de cet établissement a déjà fait l’objet d’un rappel à la loi pour des faits similaires en 2010. Une affaire analogue cf Veille doc&infos LCD et Logement n° 33 ayant récemment donné lieu à une condamnation définitive par un tribunal correctionnel, le Défenseur décide donc de transmettre le dossier au parquet. (Décision MLD-2014-204 du 22/12/14, Défenseur des droits).