Veille documentaire et informations N°44 - Juillet 2019

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Table des matières


1/LOGEMENT : ACTUALITES ET INFORMATIONS GENERALES

1.1        Discrimination et logement

A/ International

Suisse : un premier testing au logement d’envergure nationale

B/Union européenne

Bruxelles : renforcement de la lutte contre la discrimination dans l’accès au logement

C/France

Actualités générales

Multiplication des critères de discriminations : enjeux, effets et perspectives
Ile de France : de nouveaux testings témoignent du niveau important de discriminations au logement
Une bibliographie « Discriminations et Logement »

Gens du voyage/Roms

Populations reléguées et projets paysagers dans les marges de l’agglomération parisienne : le cas de la plaine de Pierrelaye

Bidonvilles

Calais : 3 ans après, un nouveau rapport du DDD
Le bidonville, un objet politique à géométrie variable

Parc privé

Deux agents immobiliers condamnés pour discrimination raciale
Refus de location d’un appartement à un candidat au motif que ses ressources sont constitués par une pension d’invalidité : discrimination fondée sur son handicap

Parc social

La managérialisation des HLM : vers davantage de discriminations ?

Politique de la ville

Le « cri d’alarme » des habitants des quartiers populaires
Grandir en banlieue : parcours, construction identitaire et positions sociales, le devenir d’une cohorte
Le devenir des quartiers Habitat Vie Sociale (HVS) et la diversité de leurs trajectoires de 1977 à nos jours

Rénovation urbaine

Classes populaires et politiques de rénovation urbaine


1.2        Actualités générales sur le logement


International

Le droit au logement : études croisées sur les systèmes juridiques  argentin et français

France

Informations générales

Onu : la crise du logement et des sans-abris éclipse l’engagement de la France vis-à-vis des droits de l’homme
Près de la moitié des personnes modestes connaissent des difficultés de logement
La mise en œuvre de la politique du logement par les services déconcentrés de l’État, vue par la Cour des Comptes


Hébergement

Obligations concernant une prise en charge rapide des mineurs non accompagnés : le Conseil d’Etat rappelle, une nouvelle fois, les départements à leurs obligations
Prise en charge des jeunes majeurs : le Conseil d'État précise les obligations des départements
Le principe de l’accueil inconditionnel au regard de la jurisprudence (2012-2018)
Places d'hébergement : une augmentation de 40% entre 2012 et 2016 qui n’empêche pas leur « quasi saturation »
Adolescents sans-logement : grandir en famille dans une chambre d’hôtel

Migrants

Accueil des personnes migrantes en milieu rural et péri-urbain : une étude sur des expériences de collaboration entre mairies et collectifs citoyens

Expulsions

Délais applicables aux habitants de squats et bidonvilles menacés d’expulsion : deux notes du CNDH Romeurope

Décence du logement :

Accompagnement de locataires en logement non décent en situation de précarité énergétique : un guide pratique

Dalo

Une dette de loyer, suivie d'une expulsion, ne préjuge pas de la bonne foi du demandeur

Un manuel pratique pour l'application du DALO et du DAHO réactualisé

Droits sociaux

Bénéficiaires de revenus minima garantis : les allocations logement réduisent de moitié le poids de leurs dépenses de logement

2/ DISCRIMINATION : ACTUALITES ET INFORMATIONS GENERALES

A/ International

Intégration

Politiques d'intégration des immigrés : malgré des améliorations, des difficultés subsistent

B/France

Actualités générales

Lutte contre les discriminations ethniques à Villeurbanne : un site internet pour accéder à 10 ans d’actions  municipales et suivre l’actualité
Polémiques et controverses autour de la question raciale

Origine et Immigration

L’impact faible de l’immigration sur le marché du travail, les finances publiques et la croissance
Descendants d’immigrés de deuxième génération en France : une importante surmortalité chez les hommes d’origine nord-africaine
Soutien aux personnes âgées immigrées : un recueil de bonnes pratiques

Intégration

Renforcer le parcours d’intégration des primo-arrivants  sur le territoire Grand Est : retours sur une journée d’échanges de pratiques
Un point d'actualité sur la politique d'immigration et d'intégration

Accès aux droits

Une bibliographie « Discriminations et accès au droit »

Santé

Personnes malades étrangères : des droits fragilisés, des protections à renforcer
Refus de soins : le DDD publie deux outils d’information pour les prévenir
Accueil et accompagnement des Mineurs Non Accompagnés par les établissements de santé : points de repères juridiques et recommandations

Droits sociaux

Le Conseil constitutionnel censure la disposition qui prévoyait de renforcer la durée de séjour nécessaire aux étrangers pour bénéficier du RSA en Guyane
RSA et continuité de la régularité de séjour antérieur : les interruptions liées à l’étude par la préfecture des demandes de renouvellement de titre de séjour n’ont pas à être opposées au demandeur 
Refuser le RSA à un ressortissant européen, sur la seule circonstance que l'intéressé avait conclu un CDD d'une durée inférieure à un an avant son inscription en qualité de demandeur d'emploi est une interprétation erronée des règles régissant le droit au séjour des ressortissants de l’UE
Considérer qu’une activité professionnelle salariée d’une durée mensuelle inférieure à 60 heures ne confère pas de droit au séjour en qualité de travailleur est une appréciation erronée des CAF de la condition de régularité du séjour des ressortissants européens
Refus opposé par des agences de Pôle Emploi, de verser leurs prestations sur un compte ouvert par l’allocataire dans un établissement bancaire étranger : discrimination en raison de la domiciliation bancaire

Education

Droit à l’école pour tous les enfants : un petit guide « juridique et militant » 

Contrôles d’identité

Contrôle au faciès : trois lycéens déboutés en 1ere instance
Des consignes discriminatoires pour contrôler l’identité de « bandes de noirs et nord-africains » ainsi que pour évincer systématiquement les  « roms et sdf »

Loisirs :

Refus d’inscription d’une femme musulmane portant un foulard opposé par un centre sportif en raison d’un règlement intérieur interdisant tous les couvre-chefs : discrimination indirecte fondée sur la religion
Port du burkini et refus d’accès à une piscine : discrimination fondée sur la religion et le genre

Religion/laïcité

Visibilité et expression religieuses dans l’espace public
Une bibliographie « laïcité » 

 

 

1/LOGEMENT : ACTUALITES ET INFORMATIONS GENERALES

Discrimination et logement

A/ International

Suisse : un premier testing au logement d’envergure nationale
Cette étude, menée à la demande de l’Office Fédéral du Logement (OFL),  est la première étude relative à la discrimination ethnique sur le marché suisse du logement menée à l’échelle nationale et dans toutes les régions linguistiques. Entre mars et octobre 2018, plus de 11 000 demandes de visite ont été adressées à plus de 5 700 bailleurs ayant publié une annonce de location, dans toute la Suisse, tant dans des agglomérations urbaines que dans des régions rurales.
En plus du nom, différentes caractéristiques ont également été modifiées dans les requêtes pour mesurer l’influence d’autres facteurs. Plus de 70% des demandes ont reçu une réponse positive, le candidat fictif étant invité à une visite. À cet égard, il n’y a guère de différences, en moyenne, entre bailleurs commerciaux et particuliers. Cependant, alors que les personnes portant un nom issu de pays voisins (Allemagne, Italie, France) ont même été invitées un peu plus souvent que les Suisses à visiter des logements, les individus à patronyme kosovar (taux de réponse inférieur d’un peu moins de 3%) ou turc (taux de réponse inférieur d’environ 5%) ont nettement moins de chances d’être retenus pour une visite. Que les candidats avec des noms à consonance étrangère aient été naturalisés ou qu’ils aient déclaré détenir un permis d’établissement ne joue presque aucun rôle à cet égard. L’étude constate également que les spécificités de l’objet à louer et le contexte local, à savoir l’emplacement et les caractéristiques de la commune dans laquelle se trouve le bien, ont un certain impact sur la discrimination observée. Par ailleurs, lorsque le prix de la location est élevé, le taux de réponse positive pour toutes les personnes en quête d’un logement est également plus fort, et cela indépendamment de leur nom. De même, le taux de réponse est plus important lorsque le taux de vacance est élevé dans la commune, sauf s’il s’agit de candidats portant un nom kosovar. Enfin, la probabilité de discrimination à l’égard de personnes à patronyme étranger est bien plus faible dans les régions urbaines. A l’inverse, si l’on observe des tendances politiques restrictives en matière d’immigration dans la commune dans laquelle se trouve le bien à louer, les personnes au nom à consonance étrangère sont moins souvent invitées à le visiter («  Discrimination ethnique sur le marché suisse du logement » (résumé), D. Auer, J. Lacroix, D. Ruedin, E. Zschirnt, OFL, 28/02/19).

B/Union européenne

Bruxelles : renforcement de la lutte contre la discrimination dans l’accès au logement
Dans la lignée de la ville de Gand en 2015 cf. Veille doc&infos LCD et Logement n° 39, la Région de Bruxelles Capitale avait décidé de lancer, entre 2016 et 2017, une étude sur les pratiques discriminatoires sur le marché locatif privé cf. Veille doc&infos LCD et Logement n° 40 . Il est ressorti de ces « tests de situation » qu’environ un tiers des agents immobiliers actifs en Région de Bruxelles-Capitale acceptaient de discriminer des candidats locataires sans contrat de travail et des candidats locataires d’une autre origine. Face à ces constats, la Région de Bruxelles-Capitale avait renforcé dans le Code du Logement des mesures existantes en matière de lutte contre la discrimination. L’ordonnance du 21/12/18 renforce la législation régionale afin de faciliter la preuve des faits discriminatoires. Elle autorise les inspecteurs de Bruxelles Logement à recourir à deux types de tests en vue de détecter des pratiques discriminatoires à l'égard du bailleur privé, mais aussi de tout professionnel du secteur immobilier. Le premier est le « test de situation », qui présente au bailleur ou à l'agent immobilier deux locataires potentiels, fictifs ou non, dont le profil est similaire à l'exception d'un critère susceptible de fonder une discrimination. Le second test est le « client mystère », qui permet de constater instantanément une pratique discriminatoire.
Les tests de discrimination peuvent également être effectués par la victime, par une personne agissant au nom de la victime, par UNIA( Unia est une institution publique indépendante qui lutte contre la discrimination et défend l’égalité des chances : https://www.unia.be/fr/a-propos-dunia), une institution d'intérêt public, ou encore une organisation ou association active dans la défense des droits de l'homme et dans la lutte contre la discrimination. Cependant, seuls les tests menés par les services d'inspection du logement pourront donner lieu à des sanctions administratives.
Dans tous les autres cas, les tests peuvent soit être utilisés dans le cadre d'une procédure judiciaire, soit envoyés aux services d'inspection. En cas de pratique discriminatoire constatée au terme d'une audition des services d'inspection destinée à vérifier si la différence de traitement est justifiée ou non, le dossier sera transmis au procureur du Roi qui décidera de poursuites éventuelles. A défaut de poursuite, l'inspection de Bruxelles Logement pourra infliger une amende administrative, pouvant aller de 125 à 6.200€ (« Ordonnance modifiant le Code bruxellois du Logement afin de renforcer la lutte contre la discrimination dans l'accès au logement », Région de Bruxelles-capitale, 21/12/18 ; «  Renforcement de la lutte contre la discrimination dans l’accès au logement à Bruxelles », Bulletin juridique et social n°625, TIBR 03/19 ; «  Le parlement bruxellois donne son feu vert au projet de budget de la Région pour 2019 », Le Vif, 21/12/18).

C/France

Actualités générales

Multiplication des critères de discriminations : enjeux, effets et perspectives
Le Défenseur des droits a publié, en partenariat avec la Mission de recherche Droit et Justice (ministère de la Justice, CNRS), les actes du colloque «Multiplication des critères de discriminations. Enjeux, effets et perspectives» qui a eu lieu les 18 et 19/01/18.
Ces actes permettent de consigner les éclairages qui ont été donnés par les chercheurs et les praticiens du droit autour de plusieurs interrogations : la multiplication des critères permet-elle une meilleure opérationnalité du droit de la non-discrimination ? Y-a-t-il un différentiel d’intégration du droit de la non-discrimination selon les ordres juridictionnels ? L’approche contentieuse des discriminations est-elle partagée par tous les ordres juridictionnels et certains critères sont-ils privilégiés au détriment des autres? La multiplication des critères de discrimination contribue-t-elle à renforcer l’effectivité du droit de la non-discrimination ? (« Actes du colloque : Multiplication des critères de discrimination. Enjeux, effets et perspectives », DDD, 01/19).

Ile de France : de nouveaux testings témoignent du niveau important de discriminations au logement
Sos racisme a organisé plusieurs testings afin d’avoir une vue exhaustive des discriminations ethno-raciales au logement en Ile de France : dans le parc privé, par le biais des plateformes de mise en relation de particuliers à particuliers, concernant l’acceptation des consignes discriminatoires par les agences immobilières et enfin sur l’accès à l’information des primo demandeurs de logement social chez des bailleurs sociaux ou des mairies.
Sur la partie parc privé et en réponse à des annonces (775), Sos racisme constate qu’un jeune actif d’origine ultra-marine ou subsaharienne a 40% de chance en moins d’avoir un retour positif (proposition de visite ou demande de pièces complémentaires afin de prévoir une visite), un jeune actif d’origine maghrébine a 37% de chance en moins et un jeune actif d’origine asiatique a 20% de chance en moins.
Le fait d’être étudiant (et non plus jeune actif) ne fait pas disparaitre ces phénomènes discriminatoires mais les atténue : un étudiant d’origine ultra-marine ou subsaharienne a 37% de chance en moins qu’un étudiant d’origine française « ancienne », un étudiant d’origine maghrébine a 20% de chance en moins et un étudiant d’origine asiatique a 10% de chance en moins.
Concernant  les plateformes de mise en relation de particuliers à particuliers (250 annonces testées), une personne d’origine d’Afrique subsaharienne a 55% de chance en moins d’avoir une réponse qu’une personne d’origine française « ancienne », une personne d’origine maghrébine a 50% de chance en moins et une personne d’origine ultra-marine, 26%.
Concernant l’acceptation des consignes discriminatoires par les agences immobilières, des tests ont été réalisés auprès de 90 agences immobilières appartenant aux 9 plus grands réseaux d’agences immobilières. Seulement 49% refuse de faire une sélection sur la base d’un critère discriminatoire racial, 22% refuse de faire la sélection elle-même mais laisse le propriétaire effectuer lui-même cette sélection discriminatoire et 27% accepte de faire cette sélection sur des critères discriminatoires raciaux. En cas d’accord de pratique discriminatoire (par le propriétaire ou l’agence), une fois sur deux un rappel à la loi est fait, ce qui démontre la connaissance de l’illégalité de la pratique par le professionnel… Sos Racisme note « des différences notables entres groupes d’agence » pouvant osciller entre 80% d’acceptation (réseau era France) et 0% (century 21). Sos racisme s'interroge sur d'éventuelles consignes passées auprès des agences du réseau Era et entend porter plainte. Quant à Era, il met en cause les conditions de réalisation du testing et a lancé une procédure de référé probatoire.
Enfin, un dernier axe a été exploré : celui des pratiques des communes et des bailleurs concernant l’enregistrement d’une demande de logement social en Ile-de-France.
Sur la base des retours des victimes saisissant les permanences juridiques de SOS Racisme et des associations partenaires de l’Agence Ile-de-France de la Fondation Abbé Pierre, un panel de 40 mairies et 12 bailleurs ont fait l’objet d’un testing. Ce testing s’est déroulé en trois phases (par mail, par téléphone et testing physique) et  avait pour objectif de sonder les pratiques sur l’accès à l’information des primo demandeurs de logement social. Aucune discrimination n’a pu être constatée par mail et par téléphone. Cependant, lors des testings physiques et de la présentation du demandeur directement sur place en mairie, des discriminations ont pu être constatées en raison de l’origine et du lieu de résidence. Des personnes n’ont ainsi pas pu obtenir une information exacte concernant la demande de logement social et n’ont pas pu retirer le dossier nécessaire. De plus, l’analyse des informations disponibles sur le site internet, par mail, par téléphone et sur place révèle des pratiques disparates en fonction des mairies et des bailleurs («  Discriminations raciales au logement, ça suffit !L’enquête de SOS Racisme », Sos Racisme, 05/19; « Discrimination raciale : SOS Racisme et un groupe immobilier face à face au tribunal », Le Parisien, 03/07/19).

Une bibliographie « Discriminations et Logement »
De nombreuses études démontrent l’existence de difficultés d’accès au logement liées aux discriminations directes, indirectes ou encore systémiques. L’objectif de cette bibliographie proposé par le réseau Ressources pour l'Egalité des Chances et l'Intégration (RECI) -dont l’AVDL est membre-  est d’informer sur les diverses discriminations, d’apporter des enseignements juridiques et de proposer des outils pour prévenir les risques discriminatoires afin de favoriser l’accès au logement de tous et toutes («  Bibliographie Discriminations et Logement », Réseau RECI, 12/18).

Gens du voyage/Roms

Populations reléguées et projets paysagers dans les marges de l’agglomération parisienne : le cas de la plaine de Pierrelaye
M. Flégeau, docteure en géographie et aménagement,  propose dans cet article d’étudier un projet d’aménagement en plaine de Pierrelaye, cherchant à transformer cette plaine agricole polluée en une forêt aménagée. Cet espace est aujourd’hui pour partie occupée par des familles de Gens du voyage et de Roms.
Bien que l’abandon des activités soit lié à l’interdiction de consommer les produits agricoles issus de la plaine, la présence de ces populations est à la fois jugée comme une des raisons de la situation de déshérence que connait la plaine et comme un frein à la réalisation du projet. L’article aborde la difficile prise en compte des populations marginalisées et la part d’instrumentalisation dont fait l’objet le projet pour se défaire des occupations illégales, appuyé par un argumentaire paysager et social. Ainsi, à l’échelle de l’ensemble de la métropole, « les Gens du voyage et Roms voient leurs possibilités d’installation se restreindre. Le processus de « fermeture des marges », perceptible sur les parties internes de l’agglomération parisienne, concerne donc aussi les espaces valorisés pour des motifs paysagers en deuxième couronne parisienne » (« Populations reléguées et projets paysagers dans les marges de l’agglomération parisienne. Le cas de la plaine de Pierrelaye», M. Flégeau, EchoGéo, 31/12/18).

Bidonvilles

Calais : 3 ans après, un nouveau rapport du DDD
Le 06/10/15, le Défenseur des droits (DDD) publiait un rapport intitulé  « Exilés et droits fondamentaux : la situation sur le territoire de Calais » dans lequel il dénonçait les conditions de vie indignes et les atteintes aux droits fondamentaux des exilés à la frontière franco-britannique. Trois ans après, le DDD a souhaité dresser un  nouveau bilan – élargi aux campements de Grande-Synthe, Ouistreham et Paris – en s’appuyant sur une quinzaine de visites sur place et l’instruction contradictoire des réclamations qui lui ont été adressées. Ce nouveau rapport dresse un constat très préoccupant du traitement des exilés sur le territoire français. En effet, le DDD relève des atteintes inédites aux droits fondamentaux des exilés : entraves persistantes à l’entrée dans la procédure d’asile, saturation des dispositifs d’accueil des exilés, manque d’informations et contrôle de leur situation administrative lors de leur mise à l’abri… Selon le DDD, ce contexte conduit « les campements évacués à systématiquement se reformer et contraignent les exilés à subir des conditions de vie que le Conseil d’État a qualifiées, en 2016 et 2017, de « traitements inhumains ou dégradants cf. Veille doc&infos LCD et Logement n° 41 ». Le DDD recommande « à l’Etat de se conformer au droit positif et de garantir aux exilés un droit inconditionnel à l’hébergement, des conditions de vie dignes ainsi qu’une prise en charge de leur santé, notamment de leurs troubles psychiques nés d’un parcours migratoire et d’un accueil difficiles ». Quant aux mineurs, il « souhaite l’adoption urgente de mesures favorisant la pérennité de leur mise à l’abri, de leur évaluation et de leur prise en charge ». Il lui parait également « nécessaire de simplifier les procédures d’asile et de réunification familiale, aujourd’hui trop peu accessibles ». En outre, le DDD recommande au gouvernement de dénoncer les accords conclus avec la Grande-Bretagne et estime que l’application de ce Règlement Dublin III favorise la reconstitution de campements, tels que ceux observés dans ce rapport («  Exilés et droits fondamentaux, trois ans après le rapport Calais », DDD, 12/18).

Le bidonville, un objet politique à géométrie variable
Le 25/02/18, le gouvernement français édictait une « instruction du gouvernement » visant à « donner une nouvelle impulsion à la résorption des campements illicites et des bidonvilles ». Ce texte induisait, selon le gouvernement, un réel « changement d’approche », dans la manière d’aborder la question des squats et bidonvilles en France, en mobilisant de nouvelles notions (dont celle de « bidonvilles », absente dans les textes officiels depuis les années 1970), en semblant privilégier une approche davantage centrée sur la situation sociale des familles que sur leur situation administrative ou la légalité de l’habitat. Surtout, cette approche permettrait de prendre en compte l’ensemble des situations sans cibler une population particulière, en l’occurrence les familles européennes précaires, souvent qualifiées de « roms migrants ».
Dans cet article, L. Bourgois, doctorant en Sciences Politiques, analyse la manière dont un problème, le bidonville,  est nommé dans le cadre d’une politique publique. En effet, selon l’auteur, la manière de définir et nommer est une étape centrale dans le cycle d’une politique publique, tant du point de vue du processus (qui a été impliqué, à quel moment, dans quelles conditions, et avec quels rapports de forces?), que du résultat, qui détermine en partie les solutions qui seront élaborées.
En ce sens, la réémergence de la notion de « bidonville » au détriment d’autres termes (« campements illicites » ; « camps de Roms » ; « camps de migrants »…) dans l’instruction du 25 janvier 2018 est loin d’être anodine : elle crée une forme de lien avec des situations déjà connues dans le passé.
Cependant, ce travail définitionnel demeure inachevé, le texte demeurant finalement ambigu sur les réalités couvertes par le terme de « bidonville », et sur la prise en compte ou non de l’ensemble des sites – quelle que soit la nationalité ou la situation administrative de leurs occupants. Selon l’auteur, « cette option du flou, si elle trouve une explication dans le contexte politique et social de production de la circulaire, sera nécessairement amenée à évoluer vers plus de clarté, dans la confrontation avec les réalités très diverses vécues par les migrants précaires dans nos grandes agglomérations » («  Le bidonville, un objet politique à géométrie variable » L. Bourgois, The Conversation, 03/02/19).

Parc privé

Deux agents immobiliers condamnés pour discrimination raciale
Les deux gérants de l’agence immobilière Alvimmo de Palaiseau, dans l’Essonne étaient poursuivis devant le tribunal correctionnel d’Evry pour discrimination.
Les gérants de cette agence avaient donné pour consigne à leurs chargés de clientèle : « Pas de noirs, pas de jaunes et pas d’Arabes… ».
Les faits remontaient à 2006 et au dépôt d’une plainte par SOS Racisme mais il avait fallu 10 ans de non-lieu et d'appels successifs, pour aboutir à leur mise en examen Cf. Veille doc&infos LCD et Logement n° 42.
Le 06/02/19, ils ont été respectivement condamnés par le tribunal d’Evry à quatre et deux mois de prison avec sursis, au versement solidaire aux trois associations parties civiles de 4 000 euros de dommages et intérêts, plus deux fois 500 euros de frais de justice. Une seule victime,  partie civile, présente à l’audience, a eu droit également à 2 000 euros de dommages et intérêts. « Ce résultat peut paraître décevant mais les faits sont anciens », remarque S. Thomas, vice-président de la Maison des potes («  Deux agents immobiliers condamnés pour discrimination raciale », I. Rey-Lefebvre, Le Monde, 07/02/19).

Refus de location d’un appartement à un candidat au motif que ses ressources sont constitués par une pension d’invalidité : discrimination fondée sur son handicap
Le réclamant avait saisi le Défenseur des droits (DDD) suite à un refus de location par une agence immobilière en raison de la nature de ses revenus. En effet, l’agence lui a adressé un courriel dans lequel elle indique expressément que « les revenus CDI sont pris en priorité par le propriétaire et non les pensions d’invalidité ». Interrogée par le DDD, l’agence nie toute discrimination mais n’apporte aucun élément permettant de démontrer que sa décision est fondée sur des éléments étrangers à toute discrimination. Dès lors, le DDD constate que les faits dénoncés par le réclamant constituent une discrimination fondée sur son handicap. Afin de mettre un terme au différend qui oppose l’agence et le candidat, il leur recommande de conclure une transaction civile afin de réparer le préjudice qui résulte de la discrimination.
Enfin, afin de prévenir le renouvellement de la situation dénoncée par le réclamant, le DDD recommande au groupe, auquel l’agence mise en cause appartient, de diffuser la présente décision au sein de son réseau (DDD, Décision n° 2019-001, 28/01/19).

Parc social

La managérialisation des HLM : vers davantage de discriminations ?
Si les recherches sur les attributions de logements sont déjà nombreuses, elles se sont jusqu’ici surtout focalisées sur les usages informels du principe de mixité sociale et leurs effets en termes de discrimination et de ségrégation ou encore sur des systèmes d’acteurs locaux.  Cependant elles avaient négligé, le plus souvent, l’étude des pratiques professionnelles. Pourtant, les salariés du logement social jouent un rôle central dans les processus d’attribution.  
Combinant analyse des politiques publiques et sociologie du travail, cet article, rédigé par M. Bourgeois (docteure en science politique de l’IEP de Paris),  repose sur une enquête ethnographique réalisée entre février 2011 et mars 2015 dans six organismes HLM implantés dans trois villes françaises.
Fondée sur des entretiens semi-directifs et des observations, l’enquête a consisté à observer le fonctionnement concret de la chaîne d’attribution, depuis le dépôt de la demande de logement jusqu’à son passage en commission d’attribution. Elle met en lumière trois effets des transformations managériales du travail d’attribution : le durcissement de l’encadrement des agents de terrain, la sensibilité accrue de ces derniers aux enjeux de peuplement et le renforcement des discriminations dans l’accès au parc social.
Pour l’auteure, « la managérialisation du travail d’attribution et la gestion du peuplement s’inscrivent dans une même dynamique. Elles s’imbriquent et se renforcent mutuellement : les instruments de peuplement participent à l’encadrement et au contrôle des pratiques professionnelles, quand les instruments managériaux favorisent la prise en compte au guichet des enjeux de peuplement.
Pour comprendre cette relation d’interdépendance, la notion de risque apparaît centrale. Le développement de stratégies de peuplement vise à encourager l’anticipation et la prévention des risques, ceux qui menacent les « équilibres résidentiels » ».
Cependant, la question du risque a toujours été présente dans le logement social. Le basculement du modèle HLM ne tient donc pas à l’émergence du risque, mais plutôt à son inversion : « ce n’est désormais plus le risque pour le demandeur qui est pris en compte, mais celui que ce dernier représente pour l’institution, et qu’il s’agit d’évaluer. Cette inversion du risque s’est trouvée renforcée par les réformes managériales, produisant deux effets : d’une part, l’effritement de la vocation sociale du parc HLM ; d’autre part, le renforcement des pratiques discriminatoires dans le processus d’attribution des logements sociaux » («  La managérialisation des HLM : vers davantage de discriminations ? », M Bourgeois, Métropolitiques, 18/03/19).

Politique de la ville

Le « cri d’alarme » des habitants des quartiers populaires
La Fédération des centres sociaux et socioculturels de France (FCSF) et Question de ville (l'association des directeurs des centres de ressources de la politique de la ville) publient leur quatrième rapport destiné à mettre en lumière la parole des habitants des quartiers populaires. Réalisé en partenariat avec une vingtaine d'associations et services – centres sociaux et centres de ressources politique de la ville -, ce travail de recueil de la parole a été conduit auprès de 250 habitants de quatorze villes.
Les auteurs soulignent le besoin de considération des habitants des quartiers populaires : sentiment de relégation, d’abandon et d’isolement, inaccessibilité des métropoles et donc de l’emploi, désertion des commerces de proximité, des médecins et des services publics…
Intitulé « Il y a eu une cassure quelque part… Et maintenant, on fait quoi ? », le rapport s'attache à dépasser le constat pour valoriser les « leviers ». Jugée parfois correcte et souvent insuffisante, la présence de certaines ressources est présentée comme décisive : les commerces, les médecins, la Poste, les équipements socioculturels, les éducateurs, la police de proximité, les gardiens d'immeuble, les transports en commun…
Par ailleurs, si la rénovation urbaine a permis ces dernières années d’embellir et de désenclaver certains quartiers, elle est souvent mentionnée comme « une brisure irréparable, un bouleversement matériel et psychique ». Ceux qui ont vécu ces évolutions évoquent avant tout « la brutalité du changement, ainsi que son caractère subi » (« Il y a une cassure quelque part... Et maintenant on fait quoi ? » (synthèse),  FCSF et Question de ville, 12/18).

Grandir en banlieue : parcours, construction identitaire et positions sociales, le devenir d’une cohorte
Ce dossier, proposé par Millénaire3, le site de prospective du Grand Lyon, est créé en appui au travail de thèse « Grandir en banlieue : parcours, construction identitaire et positions sociales. Le devenir d’une cohorte » de B. Lippens, doctorant en sociologie, membre du centre Max Weber (Université Lyon 2) et en contrat Cifre au sein de la Métropole de Lyon.
Son travail cherche à saisir le devenir d’adultes ayant passé leur enfance dans un même quartier de la banlieue lyonnaise.
La spécificité de cette recherche consiste en l’analyse longitudinale d’une cohorte ayant fait l’objet d’un premier travail d’enquête quinze ans auparavant (E. Santelli, «  Grandir en banlieue : parcours et devenirs de jeunes Français d’origine maghrébine »).
Trois axes structurent ce travail et donnent lieu à la réalisation de 3 dossiers : «  Les quartiers populaires » où sera traitée la question de leurs transformations urbaines et sociales et les rapports des habitants au quartier ; «  La question des mobilités sociales » ; «  La question de la citoyenneté » où seront aussi abordées les manières de prendre place dans la société française.
Ces dossiers répertorient un ensemble de documents produits antérieurement (avant 2019) et en dehors du travail de thèse. Ils seront également alimentés tout le long de la recherche par des articles et interviews réalisés par B. Lippens.

Le devenir des quartiers Habitat Vie Sociale (HVS) et la diversité de leurs trajectoires de 1977 à nos jours
La procédure « Habitat et Vie Sociale » (HVS), considérée comme fondatrice de la politique de la ville, a été conçue au milieu des années 1970 et a été lancée en mars 1977. Elle a concerné une centaine de grands ensembles d’habitat social. 40 ans plus tard, la plupart de ces quartiers sont toujours situés dans le périmètre des quartiers prioritaires, tout en ayant bénéficié, dans l’intervalle, de la plupart des dispositifs de la politique de la ville qui ont succédé à HVS.
Afin de proposer une lecture de l’évolution de ces quartiers et des différents moyens d’intervention mis en œuvre à travers le temps, le Conseil national des villes (CNV), en collaboration avec le Commissariat général à l’égalité des territoires (CGET) et l’Observatoire national de la politique de la ville (ONPV), a souhaité réaliser une étude sur le « devenir des quartiers HVS ». Menée pendant un an par le cabinet Fors-recherche sociale, elle s’est déroulée en trois temps et a débouché sur la production d’un panorama synthétique de l’évolution des quartiers ayant bénéficié de la procédure HVS, la réalisation de 6 monographies de sites à profils variés, une analyse de l’évolution et de l’impact des modes d’intervention publique.
Derrière l’apparence d’une certaine permanence (la majorité des quartiers identifiés pour leurs difficultés urbaines et sociales à la fin des années 70 bénéficient toujours de la politique de la ville quarante ans plus tard), l’étude montre que les quartiers HVS ont beaucoup évolué : dans leur forme urbaine, dans la qualité de leur cadre de vie, dans l’intégration à leur environnement, et dans l’accueil régulier de nouvelles populations.
Ainsi, l’étude relève-t-elle globalement une meilleure intégration à leur environnement, avec un rapprochement physique des centres urbains par des franchissements d’obstacles ou une meilleure desserte. Leur configuration urbaine et architecturale a souvent évolué (70% ont bénéficié d’une programme de rénovation urbaine), avec une volonté de banalisation de  l’organisation du quartier (ou d’une partie du quartier), et l’effacement de la physionomie du « grand ensemble ». La couverture et la qualité des équipements publics (équipements scolaires, culturels, sportifs) se sont améliorées.
Pour certains d’entre eux, une attractivité nouvelle est observée, encore récente, avec l’arrivée de populations aux profils sociaux plus favorisés dans l’offre créée par la rénovation urbaine. Selon les auteurs « créer les conditions de réussite de cette nouvelle mixité devient alors un défi pour l’avenir de ces quartiers, avec l’enjeu particulièrement délicat de l’école et de la fréquentation scolaire. La question de la cohabitation entre « nouveaux » et « anciens » habitants reste entière et fait partie des enjeux de l’avenir dans ces quartiers, alors que la confrontation entre les parties réhabilitées et celles qui ne le sont pas encore, tend à induire de nouvelles concentrations de pauvreté ».
En effet, malgré les changements évoqués, tous ces quartiers continuent d’exercer, sur tout ou partie de leur territoire, une fonction d’accueil de populations très modestes : les effets positifs attendus de la mixité sur les habitants les plus en exclus restent pour l‘instant difficiles à percevoir, même si on observe une évolution positive de l’image de certains quartiers, devenue moins stigmatisante pour ses habitants.
Pour une partie des anciens quartiers HVS, principalement de très grands quartiers d’habitat social dans de très grandes villes, la dynamique de décrochage social et urbain par rapport à l’environnement n’est pas enrayée. Ces quartiers cumulent souvent des difficultés de taille et de structuration des patrimoines d’origine, des logiques historiques de peuplement et des projets de renouvellement urbain insuffisants pour inverser ces dynamiques. Les problèmes de sécurité et de tranquillité publique y sont souvent centraux, et leur très forte visibilité a tendance à occulter les autres dimensions de l’histoire des quartiers d’habitat social.
L’étude a aussi montré la difficulté à objectiver des évolutions différenciées. La faiblesse et l’hétérogénéité des méthodologies de suivi et d’évaluation de l’évolution des quartiers prioritaires, la quasi-absence de suivi dans le temps des trajectoires des populations, conduisent à des lectures imprécises. Ce constat est renforcé par les évolutions successives des périmètres des quartiers et par la relative perte de mémoire, sur le terrain, des actions conduites sur le volet « développement social » de la politique de la ville et leurs impacts.
Enfin, cette étude souhaite remettre « au cœur de la réflexion la vocation de ces territoires, celle d’un accueil temporaire ou durable des ménages parmi les plus modestes et souvent parmi les plus exclus, qui a longtemps prévalu et qui est fortement remise en cause aujourd’hui par la recherche d’une plus grande mixité sociale » («  Le devenir des quartiers Habitat Vie Sociale (HVS) ; Diversité des trajectoires de 1977 à nos jours », CGET, 10/18).

Rénovation urbaine 

Classes populaires et politiques de rénovation urbaine
P. Gilbert est sociologue, Maître de conférence à l’université Paris VIII et membre du CRESPPA–CSU (Centre de recherches sociologiques et politiques de Paris – Cultures et sociétés urbaines). Ses recherches questionnent l’articulation entre l’espace et les processus de construction des groupes sociaux. Il a notamment réalisé une thèse de doctorat sur les transformations contemporaines des classes populaires au regard des travaux de rénovation urbaine dans une cité HLM de la banlieue lyonnaise (les Minguettes). Dans cet entretien, proposé par le site de prospective du Grand Lyon, Millénaire3, il aborde deux aspects : ce que recouvre la notion de « classes populaires » et les conséquences des politiques de rénovation urbaine qu’il a pu observer aux Minguettes. Dans ce cadre, il évoque les effets de ces transformations urbaines sur les sociabilités locales, notamment marquées par des pratiques de mise à distance du voisinage, qui ne sauraient être compris sans se soucier des évolutions morphologiques du quartier (« Classes populaires et politiques de rénovation urbaine », Interview de P Gilbert, Millénaire3, 24/05/19).

1.2 Actualités générales sur le logement

International

Le droit au logement : études croisées sur les systèmes juridiques  argentin et français
Cette publication de droit comparé, bilingue, est le fruit d’une collaboration entre le SERDEAUT (Sorbonne - Études et Recherches en Droit de l’Environnement, de l’Aménagement, de l’Urbanisme et du Tourisme) de l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne et le Ministère de la Défense de la ville de Buenos Aires. En 2015, l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne a organisé un séminaire sur « Les pouvoirs du juge et le droit au logement » et, en 2016, l’Université de Buenos Aires a réalisé une journée sur « Les droits fondamentaux en France et en Argentine ».
Consacrée au droit au logement en Argentine et en France, elle est composée de quatre sections. La première présente les principaux aspects du droit au logement dans les deux systèmes juridiques : leur statut normatif, leur contenu et leur portée. La deuxième partie aborde les tensions quant à l’effectivité du droit au logement, en tenant compte des expulsions et des délits d’usurpation, entre autres. La troisième section traite des différents acteurs impliqués dans la défense des droits, que ce soient des acteurs institutionnels ou de la société civile. Enfin, dans la dernière partie, des cas emblématiques sont évoqués qui relèvent du droit au logement dans les deux pratiques juridiques («  Droit au logement en Argentine et en France » (partie en français à partir de la page 261), revue du Ministère Public de la Défense de la Ville de Buenos Aires, n°16, 10/18).

France

Informations générales

Onu : la crise du logement et des sans-abris éclipse l’engagement de la France vis-à-vis des droits de l’homme
La Rapporteuse spéciale de l’ONU sur le droit à un logement convenable, L.Farha, a visité la France, du 02 au 11/04/19, afin de nourrir les observations et conclusions qu’elle présentera, début 2020, dans un rapport détaillé au Conseil des droits de l’homme des Nations Unies.
Selon elle, « la France révèle toute une série de contradictions dans la mise en œuvre du droit au logement, du droit à une vie exempte de sans-abrisme et d’expulsions forcées ».
Ainsi, la France est le seul pays européen à avoir rendu le droit au logement directement opposable. Mais si la loi DALO a porté ses fruits dans les régions où l’offre de logement sociaux décents est suffisante, son application dans les plus grandes villes et dans les métropoles, comme le Grand Paris, est inquiétante.
Concernant le sans-abrisme, il a augmenté de 58 % de 2001 à 2012 et ces chiffres devraient augmenter lors de la publication des résultats du prochain recensement en 2020. Pour y faire face, le Gouvernement français n’a cessé d’accroître le budget annuel affecté aux hébergements d’urgence. Cependant, le caractère temporaire de la réponse apportée, (augmentation du nombre de lits d’urgence, dont beaucoup ne sont disponibles que sept mois dans l’année) parait inadapté et  ne s’attaque pas aux causes profondes du problème des sans-abris,  ni ne leur assure un logement adéquat et durable, comme le prévoit le droit international des droits de l’homme. 
Par ailleurs, les pressions qui pèsent sur le 115 sapent le caractère inconditionnel du droit au logement et créé des hiérarchies au sein des personnes défavorisées. 
La rapporteuse est également très critique sur la gestion des « établissements informels » (squats, bidonvilles, campements). Elle dénonce « une double approche » majoritairement  mise en œuvre : les résidents sont privés des services les plus élémentaires pour survivre (accès à l’eau potable, à des installations d’assainissement, à des services d’évacuation des déchets, à l’électricité…) et en parallèle, ils sont victimes d’expulsions à répétition.
Elle dénonce également, pour les quartiers en politique de la ville, le difficile accès aux transports ainsi que la financiarisation du logement social en cours.
Afin de pallier à ces observations liminaires, elle encourage le gouvernement français à mettre en œuvre les 9 recommandations qu’elle propose («  Déclaration de fin de mission de la Rapporteuse spéciale sur le droit à un logement convenable présente ses observations préliminaires au terme de sa visite en République française du 2 au 11 avril 2019 »  et communiqué de presse, Nations Unies, 12/04/19). 

Près de la moitié des personnes modestes connaissent des difficultés de logement
L’insee a mené une enquête, sur les ressources et conditions de vie (SRCV), dont les résultats  sont parus le 27/03/19.
Ils en ressort, entre autre, que de façon ponctuelle (au moins une année en 2014 ou en 2017), près de trois personnes sur dix sont confrontées à des difficultés de logement, dues à l’inconfort ou au surpeuplement.
Pour un habitant sur dix, ces difficultés persistent durablement (c’est-à-dire en 2014 comme en 2017). 
Les difficultés de logement concernent davantage les ménages les plus jeunes et diminuent avec l’âge, à mesure que le niveau de vie augmente. Par ailleurs, les difficultés sont plus présentes dans l’unité urbaine de Paris.
Près de la moitié (45 %) des personnes modestes connaissent des difficultés de logement en 2014 ou en 2017, soit trois fois plus que les personnes aisées (16 %). La persistance de ces difficultés conforte ces inégalités: pour 20 % des personnes modestes, elles sont durables, soit presque quatre fois plus souvent que pour les personnes aisées (6 %).
Enfin, les locataires et les familles monoparentales connaissent beaucoup plus souvent des difficultés de logement. Ces catégories de ménages ont en effet un niveau de vie moyen plus faible que d’autres. Les familles monoparentales sont en outre davantage confrontées à des difficultés durables de logement : une personne sur quatre appartenant à une famille monoparentale y est confrontée en 2014 et en 2017 (« Une personne sur dix connaît des difficultés de logement durables »,  C.Arnold, M. Levesque, L. Pontié, Insee Première n°1743, 03/19).

La mise en œuvre de la politique du logement par les services déconcentrés de l’État, vue par la Cour des Comptes
La Cour des comptes a analysé la faculté des services déconcentrés de l’État à décliner, au niveau local, les objectifs nationaux de la politique du logement. L’organisation, les effectifs et les moyens financiers alloués dans ce domaine donnent l’image d’une action fortement déconcentrée. En pratique, plusieurs obstacles fragilisent la capacité de l’État à être un partenaire solide pour les autres acteurs du logement. Ce constat plaide pour une unification des compétences de l’État en matière de logement au sein d’une seule direction départementale, pour un renforcement du pilotage local de la dépense et pour une réorientation des missions des services départementaux de l’État. La Cour formule deux recommandations en ce sens : réunir le soutien de l’offre et la gestion de la demande de logement au sein du même service départemental interministériel de l’État ; organiser et garantir le partage des données locales utiles entre les administrations et les organismes publics chargés du logement, de façon à pouvoir cibler plus finement les actions d’aide et de soutien au logement et à améliorer leur cohérence («  La mise en œuvre de la politique du logement par les services déconcentrés de l’État », Cour des comptes, 31/10/18).

Hébergement

Obligations concernant une prise en charge rapide des mineurs non accompagnés : le Conseil d’Etat rappelle, une nouvelle fois, les départements à leurs obligations
Le 18/12/18, un ressortissant malien, déclarant être Mineur Non Accompagné (MNA), ne pas avoir de famille en France et sans abri, se présente à l’accueil du service de l’Aide Sociale à l’Enfance (ASE) du département d’Indre-et-Loire. Il lui est proposé un rendez-vous en vue de l’évaluation de sa situation le 28/01/19, soit près de six semaines plus tard, sans que cette proposition ne soit accompagnée d’une mise à l’abri immédiate.
L’intéressé saisit le juge des référés du tribunal administratif (TA) d’Orléans afin d’enjoindre au président du conseil départemental d’Indre-et-Loire de le faire bénéficier d’un accueil provisoire d’urgence. Le juge des référés du TA rejette ses demandes le 27/12/18.
Saisi à son tour, le juge des référés du Conseil d’Etat (CE) relève, dans sa décision du 25/01/19, « une carence caractérisée dans l’accomplissement de la mission d’accueil ». En effet, « sous réserve des cas où la condition de minorité ne serait à l'évidence pas remplie, il incombe aux autorités du département de mettre en place un accueil d'urgence pour toute personne se déclarant mineure et privée temporairement ou définitivement de la protection de sa famille, confrontée à des difficultés risquant de mettre en danger sa santé, sa sécurité ou sa moralité, en particulier parce qu'elle est sans abri ». Or, « lorsqu'elle entraîne des conséquences graves pour le mineur intéressé, une carence caractérisée dans l'accomplissement de cette mission porte une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale ».
En l'espèce, et malgré les difficultés invoquées par le département, « le délai dans lequel a été convoqué M. A. pour bénéficier d'un accueil provisoire d'urgence est constitutif d'une carence caractérisée dans l'accomplissement de sa mission d'accueil par le département, qui, eu égard à ses conséquences pour l'intéressé, porte une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale » (CE, juge des référés, n°427169, 25/01/19).

Prise en charge des jeunes majeurs : le Conseil d'État précise les obligations des départements
Le Conseil d'État (CE) a rendu, le 21/12/18, deux arrêts convergents sur une même affaire concernant la prise en charge des jeunes majeurs.
En l'espèce, M. B, originaire du Mali et pris en charge depuis 2016 en qualité de mineur par l'aide sociale à l'enfance (ASE) demandait au juge des référés du tribunal administratif (TA) de Grenoble de suspendre une décision du président du conseil départemental de l'Isère du 12/02/18 refusant sa prise en charge en qualité de jeune majeur et d'enjoindre au département de réexaminer sa demande et, dans l'intervalle, de poursuivre sa prise en charge par les services de l'ASE. Toutes ses demandes ont été rejetées par le juge des référés du TA.
Le CE annule l'ordonnance du juge des référés du TA de Grenoble, suspend la décision du conseil départemental de l'Isère et lui enjoint de « statuer de nouveau sur la demande de M.B., dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la présente décision ».
En effet, le CE rappelle que le président du conseil départemental dispose, sous le contrôle du juge, d’un large pouvoir d’appréciation pour accorder ou maintenir la prise en charge par l’ASE du jeune majeur de moins de vingt-et-un ans.
Mais, lorsqu’une mesure de prise en charge d’un mineur parvenant à sa majorité, quel qu’en soit le fondement, arrive à son terme en cours d’année scolaire ou universitaire, le département doit proposer à ce jeune un accompagnement, qui peut prendre la forme de toute mesure adaptée à ses besoins et à son âge, pour lui permettre de ne pas interrompre l’année scolaire ou universitaire engagée. Or, c'est à tort que le juge des référés a estimé que l'intéressé ne se trouvait pas dans le cas où un accompagnement devrait lui être proposé pour lui permettre de terminer l'année scolaire et que cette décision n'entraînerait aucune rupture dans son parcours scolaire, dès lors que la formation dont il bénéficiait n'aboutissait pas à la délivrance d'un diplôme et n'était pas destinée à lui apporter une qualification professionnelle. En effet, l'article L.222-5 du code de l'action sociale et des familles ne met aucune condition de filière suivie à la prise en charge des jeunes majeurs poursuivant une formation. En l'occurrence, M. B. avait intégré une classe dite « unité pédagogique pour élèves allophones arrivants » (UPE2A).
Enfin, sur l'urgence, le CE précise qu'eu « égard aux effets particuliers d'une décision refusant de poursuivre la prise en charge [...] d'un jeune jusque-là confié à l'aide sociale à l'enfance, la condition d'urgence doit en principe être constatée lorsqu'il demande la suspension d'une telle décision de refus » (CE, 1ère et 4ème chambres réunies, 21/12/18, n° 420393 et 421323).

Le principe de l’accueil inconditionnel au regard de la jurisprudence (2012-2018)
Cette note, proposée par Jurislogement, part du constat, réalisé sur plusieurs territoires français, que les principes de continuité et d’inconditionnalité de l’hébergement ne guident plus l’action des pouvoirs publics.
Dans cet objectif, elle analyse l’évolution de la jurisprudence à partir d’un échantillon de 71 décisions, compilées grâce aux remontées associatives et d’avocats et aux bases de données juridiques. Ces décisions ont pour la plupart été rendues par les juridictions administratives, dans le cadre de recours en référé-liberté visant à faire constater une carence de l’État constitutive d’une atteinte grave et manifeste au droit à l’hébergement et à l’enjoindre à proposer une solution d’hébergement. Les juges se sont prononcés en faveur des personnes sans abri dans 45 des 71 décisions analysées. Cependant, même les décisions positives, par leur raisonnement, laissent apparaître le caractère toujours plus restrictif de l’appréciation du juge administratif dans ce domaine, sous l’impulsion d’un Conseil d’Etat «d’une sévérité particulière » (« Le principe de l’accueil inconditionnel au regard de la jurisprudence 2012-2018 », Jurislogement, 11/18).

Places d'hébergement : une augmentation de 40% entre 2012 et 2016 qui n’empêche pas leur « quasi saturation »
L’enquête quadriennale de la DREES auprès des établissements et services en faveur des adultes et familles en difficulté sociale, dont la dernière vague porte sur 2016, a été publiée.
Fin 2016, 140 400 places d’hébergement sont proposées aux adultes et familles en difficulté sociale, soit une augmentation de 39 % par rapport à fin 2012. La hausse est encore plus forte dans les centres d’accueil pour demandeurs d’asile (+63 %).
Cependant, dans un contexte où les besoins de mise à l’abri sont toujours plus élevés, le taux d’occupation global s’élève à 94 % en 2016 (96% en 2012), soit une « quasi-saturation des capacités d’hébergement ».  
Environ 60 % des adultes hébergés, hors places d’urgence, sont des hommes, pour l’essentiel seuls et sans enfant. Les non-ressortissants de l’Union européenne sont 60 %, dont la moitié a le statut de demandeur d’asile. 14 % des adultes hébergés ont une activité professionnelle, 26 % sont au chômage et 41 % dans l’impossibilité médicale ou administrative de travailler. Un quart perçoit le revenu de solidarité active (RSA), 14 % une allocation liée à un handicap ou une invalidité. 15 % des adultes hébergés n’ont aucun revenu (« Hébergement des personnes en difficulté sociale : 140 000 places fin 2016, en forte hausse par rapport à 2012 », E. Pliquet, Etudes et résultats n°1102, DREES, 02/19).

Adolescents sans-logement : grandir en famille dans une chambre d’hôtel
Cette étude, soutenue par le Défenseur des droits, a été réalisée par O. Macchi, chargée d’études à l’Observatoire du Samu social de Paris et N. Oppenchaim, sociologue à l’Université de Tours. Elle repose sur des entretiens répétés auprès d’une quarantaine d’adolescents âgés majoritairement de 11 à 18 ans vivant en hôtel social, à Paris (et dans son agglomération) et à Tours, réalisés entre avril 2017 et mai 2018.
L’étude souligne la constante progression, depuis une dizaine d’années, du recours à l’hébergement en hôtel, le nombre de nuitées étant passé de 20 727 en 2012 à 45 751 en 2017.
L’enquête vise à explorer les épreuves et les difficultés dans la vie quotidienne qu’implique la vie à l’hôtel, les empreintes que laissent ces épreuves sur la construction identitaire des adolescents et comment ceux-ci arrivent, ou non, à les surmonter à plus long terme. Les résultats mettent en évidence comment l’hébergement en hôtel social produit des effets délétères sur les relations familiales et amicales, la scolarité et la santé des adolescents (« Adolescents sans-logement. Grandir en famille dans une chambre d'hôtel », O. Macchi, et N. Oppenchaim, DDD-Observatoire du Samu Social de Paris, 02/19 : synthèse et étude complète).

Migrants

Accueil des personnes migrantes en milieu rural et péri-urbain : une étude sur des expériences de collaboration entre mairies et collectifs citoyens
Dans cette étude, C. Gourdeau, socio-anthropologue, se propose d’étudier les pratiques en matière d’accueil des migrants au niveau des communes. Certaines municipalités ont accueilli favorablement la mise en place d’un Centre d’Accueil et d’Orientation (CAO) tandis que d’autres ont volontairement organisé l’accueil d’une ou plusieurs familles migrantes. Comment expliquer cette implication des municipalités ? Comment s’organise cet accueil de personnes migrantes ? Quelles sont les modalités d’action des communes ? Comment s’articule cet engagement municipal au travail bénévole de citoyens ?
La recherche a été conduite dans des communes situées dans des territoires périurbains et ruraux en Normandie et en Bretagne.
Dans une première partie, elle s’intéresse aux compétences dévolues à l’Etat et aux municipalités en matière d’accueil des personnes migrantes. Dans une seconde partie, elle rend compte brièvement des travaux en sciences sociales qui ont été conduits sur cette thématique. Puis, dans une troisième partie, différents exemples de communes qui sont impliquées dans l’accueil de personnes migrantes sont exposés.
En s’appuyant sur ces exemples, il s’agit d’analyser les leviers de réussite ainsi que les obstacles dans l’accueil par les communes de personnes migrantes. L’étude vise également à identifier les informations et les appuis nécessaires aux équipes municipales ainsi que les outils dont les bénévoles ont besoin pour mener leurs actions. La recherche constitue ainsi un support pour mieux comprendre les dynamiques actuelles et participe d’un potentiel essaimage des pratiques les plus intéressantes («  Des communes d’accueil pour les personnes migrantes : expériences de collaboration entre mairie et collectif citoyen en Normandie et en Bretagne », C. Gourdeau, 11/18).

Expulsions

Délais applicables aux habitants de squats et bidonvilles menacés d’expulsion : deux notes du CNDH Romeurope
Suite à l'entrée en vigueur de la loi ELAN, le Collectif National Droits de l’Homme (CNDH) Romeurope propose deux notes :
- La note «  Loi Elan – squats et bidonvilles : quels changements pour la trêve hivernale et les délais ? » récapitule ces évolutions et leur impact sur les droits des personnes menacées d’expulsion. Elle s’adresse aux personnes concernées et à leurs accompagnant.e.s.
- La note «  La voie de fait opposée aux habitants de squats et bidonvilles », dresse un état des lieux de la jurisprudence en matière de qualification de la voie de fait. Elle s’adresse principalement aux juristes et aux avocat.e.s des habitant.e.s de squats et bidonvilles menacé.e.s d’expulsion («  Loi ELAN  - bidonvilles / squats : quels changement pour la trêve hivernale et les délais ? », «  La voie de fait opposée aux habitants de squats et bidonvilles », CNDH Romeurope, 12/18).

Décence du logement :

Accompagnement de locataires en logement non décent en situation de précarité énergétique : un guide pratique
Réalisé par le Réseau des Acteurs contre la Pauvreté et la Précarité Énergétique dans le Logement ( RAPPEL), ce guide est à destination des opérateurs chargés d'établir des « diagnostics décence ». Après un rappel des notions clés et du cadre réglementaire, il retrace les étapes du processus de traitement de ces situations y compris l’étape judiciaire. Pour ce faire, il s’appuie sur l’analyse d’une trentaine de décisions (2010-2019), retenues du fait du caractère central de la décence dans les débats, qui permettront aux opérateurs de « constituer un dossier fiable et robuste permettant d’orienter la décision du juge en faveur du locataire » («  Accompagner les locataires de logement non décent en situation de précarité énergétique : procédures et éléments jurisprudentiels - Guide pratique du réseau RAPPEL » et ses « Annexes», RAPPEL, 06/18).

Dalo

Une dette de loyer, suivie d'une expulsion, ne préjuge pas de la bonne foi du demandeur
Un arrêt du Conseil d'État (CE) du 13/05/19 apporte des précisions sur la notion de « bonne foi » attendue de la personne sollicitant une commission de médiation au titre du DALO.
En l'espèce, M. B. avait sollicité, le 10/02/16, la commission de médiation du Val-de-Marne en vue de reconnaître le caractère prioritaire et urgent de sa demande de logement. Le 24/03/16, la commission rejette sa demande au titre du Dalo, position confirmée en août après un recours gracieux et validée par un jugement du tribunal administratif (TA) de Melun du 05/10/17.
Pour motiver sa décision la commission de médiation avait considéré que M. B., locataire dans le parc privé, avait accumulé d'importants retards de loyers et, surtout, n'avait pas respecté le plan d'apurement de la dette conclu avec son propriétaire, créant ainsi « la situation qui a conduit à une mesure judiciaire d'expulsion rendant son relogement nécessaire ». L'article L.441-2-3 du CCH précise en effet que ne peut être regardé comme étant de bonne foi « le demandeur qui a délibérément créé par son comportement la situation rendant son relogement nécessaire ».
Le CE annule le jugement du TA de Melun, tout en réglant l’affaire sur le fond. Il considère en effet qu'« il ne ressort pas des pièces du dossier que M.B., [...] qui a certes laissé s'accumuler d'importants retards de loyers à partir de son licenciement, alors qu'il avait pour seule ressource le revenu de solidarité active pour un montant inférieur à celui du loyer, et qui n'a pas été en mesure d'honorer le plan d'apurement de cette dette conclu avec son propriétaire, ait cherché délibérément à échapper à ses obligations de locataire et créé ainsi la situation qui a conduit à une mesure judiciaire d'expulsion rendant son relogement nécessaire ». Il enjoint donc à la commission départementale de médiation du Val-de-Marne de réexaminer la situation de M. B. dans un délai d'un mois ( 417190, CE, 5ème et 6ème chambres réunies, 13/05/19).

Un manuel pratique pour l'application du DALO et du DAHO réactualisé
Ce manuel s’adresse aux associations œuvrant en faveur du droit au logement et  l’hébergement, qu’elles soient localisées en Ile-de-France ou non. Il est le fruit d’un travail inter-associatif entre la Fapil, l’Agence IDF de la Fondation Abbé Pierre, la Fédération des Acteurs de la Solidarité IDF et le Secours Catholique. Cette édition 2019 a fait l'objet de nombreuses mises à jour notamment d'un point de vue législatif et jurisprudentiel. Elle a également été alimentée par les nombreuses remontées de terrain issues des Comités de Veille associatifs DALO franciliens («  Manuel pratique pour l'application du DALO et du DAHO en Ile-de-France », Comité de veille Dalo Ile de France, 01/19).

Droits sociaux

Bénéficiaires de revenus minima garantis : les allocations logement réduisent de moitié le poids de leurs dépenses de logement
La Direction de la Recherche, des Etudes, de l’Evaluation et des Statistiques (DREES) a publié, le 27/03/19, une étude analysant l’impact des dépenses de logement et des aides au logement pour les bénéficiaires des minimas sociaux.
Les dépenses de logement représentent, avant déduction des éventuelles allocations logement, une proportion des revenus beaucoup plus élevée pour les bénéficiaires de revenus minima garantis que pour l’ensemble des ménages vivant en logement ordinaire et disposant de leur propre logement. En effet, la médiane du taux d’effort brut (c’est-à-dire le ratio des dépenses de logement avant déduction des allocations logement sur le revenu), est de 46 % pour les bénéficiaires de revenus minima garantis contre 23 % pour l’ensemble des ménages. Par ailleurs, les bénéficiaires de revenus minima garantis qui sont locataires du parc privé et ceux vivant seuls sont ceux dont l’effort est le plus important.
Cependant, les allocations logement réduisent fortement les inégalités d’effort financier pour se loger entre les bénéficiaires de revenus minima garantis et l’ensemble des ménages. Ainsi, en 2012, 77 % des bénéficiaires de revenus minima garantis ont perçu des allocations logement, contre 17 % de l’ensemble des ménages en 2013, pour un montant mensuel moyen de 290 euros contre 220 euros. L’écart de taux d’effort net – c’est-à-dire après déduction des allocations – médian n’est alors plus que de 4 points (25 % contre 21 %).
Il est à noter qu’une baisse des montants de  l’Allocation personnalisée au logement a été votée en 2017 et que son impact reste donc à évaluer (« Bénéficiaires de revenus minima garantis : les allocations logement réduisent de moitié le poids des dépenses de logement », A. D’Isanto, Études et Résultats, n°1111, Drees, 03/19).

2/ DISCRIMINATION : ACTUALITES ET INFORMATIONS GENERALES

A/ International

Intégration

Politiques d'intégration des immigrés : malgré des améliorations, des difficultés subsistent
Cette publication, réalisée conjointement par l’OCDE et la Commission européenne, présente une comparaison internationale détaillée des résultats des immigrés et de leurs enfants, ainsi que leur évolution au fil du temps, pour l’ensemble des pays de l’Union européenne et de l’OCDE mais aussi pour certains pays du G20. Au travers de 74 indicateurs, il examine les dimensions clés de l’intégration, notamment l’emploi, l’éducation, le logement, la santé, l’engagement civique et l’inclusion sociale. Une attention spéciale est accordée aux jeunes descendants d'immigrés et aux disparités entre les femmes et les hommes.
Il ressort du rapport que l’intégration des immigrés et de leurs enfants sur le marché du travail s’est améliorée dans de nombreux pays ainsi que leurs conditions de vie. Cependant de nombreuses difficultés persistent et les compétences que les immigrés apportent avec eux restent largement inexploitées, entravant à la fois la croissance économique et l’inclusion sociale.
La pauvreté relative des immigrés est également plus répandue aujourd'hui qu’il y a dix ans, creusant ainsi davantage l’écart avec les personnes nées dans le pays.
Dans le même temps, dans l’ensemble des pays, la plupart des immigrés expriment leur attachement à leur pays d’accueil avec plus de 80 % d’entre eux déclarant se sentir proches voire très proches de ce pays.
Dans l’UE, 14 % environ des personnes nées à l’étranger déclarent appartenir à un groupe victime de discrimination fondée sur l’origine ethnique ou la nationalité. Le rapport fait également observer que près d’un tiers des immigrés non originaires de l’UE qui appartiennent aux plus grands groupes issus de l'immigration dans leurs pays respectifs en Europe indiquent être de la même origine ethnique que la plupart des habitants de leur quartier («  Trouver ses marques 2018 : Les indicateurs de l’intégration des immigrés »,OCDE/UE, 2019).

B/France

Actualités générales

Lutte contre les discriminations ethniques à Villeurbanne : un site internet pour accéder à 10 ans d’actions  municipales et suivre l’actualité
La lutte contre les discriminations a été initiée par la ville de Villeurbanne (69100) en 2002 dans le cadre d’une commission municipale devenue depuis 2009, le Conseil consultatif de lutte contre les discriminations ethniques. L’action est depuis portée par une délégation à la lutte contre les discriminations depuis 2008, enrichie depuis 2014 de l’égalité femmes hommes.
A travers ce site, la ville de Villeurbanne met à disposition l’ensemble des outils, engagements et méthodes qu’elle et ses partenaires ont conçus et mis en œuvre : plans d’action, testings, bilans, mise en réseau, compte rendus d’assises, mise en place d’un observatoire….
Ce site très riche apporte également des informations aux potentielles victimes de discrimination et propose de nombreuses ressources pour se documenter sur les discriminations (études, rapports, articles…) et des supports de sensibilisation (expositions, films ou émissions de radio).  

Polémiques et controverses autour de la question raciale
Pour apporter quelques clés de compréhension face à la complexité des discussions scientifiques et à l’éventail des positions des chercheurs et chercheuses qui traitent des questions de race, la  Vie des Idées a fait appel à cinq chercheurs et chercheuses en sciences humaines et sociales, ayant chacun abordé les questions de race et de racisme dans leurs travaux. M. Bessone (philosophe), R. Brahil (sociologue), G Calves (juriste), A Gordien (anthropologue) et N Mayer (politiste) ont répondu tour à tour aux six mêmes questions. Retranscrite sous forme de 3 articles, la diversité de leurs réponses rappelle « qu’il n’y pas une ni même deux, mais bien de multiples façons d’aborder la question raciale en France, en fonction des disciplines, des méthodes et des positionnements » («  Polémiques et controverses autour de la question raciale » : «  Race et intersectionnalité » , « Racisme structurel et privilège blanc », « L’idéologie républicaine et les limites de la neutralité scientifique » ; dossier coordonné par J. Galonnier & J. Naudet, La Vie des Idées, 11/06/19).

Origine et Immigration

L’impact faible de l’immigration sur le marché du travail, les finances publiques et la croissance
Le Comité d’évaluation et de contrôle de l’Assemblée nationale a engagé un travail sur les coûts et bénéfices de l’immigration en matière économique et sociale. Dans ce cadre, il a été demandé à France Stratégie de réaliser une étude afin d’établir un diagnostic de l’état des connaissances en la matière.
Le périmètre d’analyse retenu se limite à trois domaines, toutefois déjà vastes et jamais utilisé en France : le marché du travail, les finances publiques et la croissance économique. Ce rapport procède à une revue de littérature concernant les domaines précités et souligne en premier lieu les enjeux et limites méthodologiques de l’exercice.
En 2018, un résident français sur dix est immigré. Un tiers des titres de séjour délivrés en France par le ministère de l’Intérieur (265 000 en 2018) est relatif à l’immigration étudiante. Au-delà des titres de séjour, environ 80 000 personnes rejoignent la France chaque année au titre de la libre circulation au sein de l’Union européenne.
Les personnes immigrées sont moins souvent en emploi que les non-immigrés. Cet écart est dû au moindre taux d’activité des femmes (inférieur de 20 points à celui des femmes non immigrées), et à un taux de chômage nettement plus élevé, y compris à niveau de diplôme équivalent. Barrière linguistique, problème de reconnaissance des qualifications ou encore discriminations expliquent aussi la surexposition au chômage et le déclassement des personnes immigrées.
D’après les études existantes, l’impact économique de l’immigration sur les non-immigrés   serait  de faible ampleur en France : un accroissement de 1 % de la main-d’œuvre dû à l’immigration se traduirait, selon les études empiriques, par une variation de l’emploi des non-immigrés comprise entre -0,3 % et +0,3 %, et une variation des salaires comprise entre -0,8 % et +0,5 %.
Quant à l’évaluation de l’impact de l’immigration sur les finances publiques elle pose « de redoutables problèmes méthodologiques ». Ces difficultés expliquent sans doute la rareté des études sur le sujet. Néanmoins, celles existantes  évaluent à -0,3 point de PIB le différentiel de contribution nette aux finances publiques vis-à-vis des non-immigrés. Cet impact s’explique essentiellement par une moindre contribution aux prélèvements obligatoires, compte tenu d’un niveau de vie moyen plus faible.
En revanche, les dépenses de prestations sociales en direction des personnes immigrées ne sont pas plus élevées. En effet, le niveau moyen moins élevé des retraites compense le surcroit de dépense en matière de logement et de lutte contre l’exclusion.
Enfin concernant l’analyse d’impact de l’immigration sur la croissance, si les études se heurtent également à des écueils méthodologiques, elles concluent pour la plupart à un effet positif de l’immigration sur la croissance par habitant.
Par ailleurs, le rapport liste quatre principales améliorations méthodologiques possibles : améliorer le suivi des trajectoires de la population immigrée, notamment en termes d’insertion professionnelle ; estimer l’apport de la population immigrée aux métiers en tension ; évaluer l’impact de l’immigration sur les finances publiques à intervalles réguliers, en s’inspirant de la méthodologie utilisée par le Cepii et l’OCDE ; évaluer les politiques d’intégration, « l’impact de l’immigration dépendant de l’existence et de la qualité de ces politiques » (« L’impact de l’immigration sur le marché du travail, les finances publiques et la croissance revue de littérature » : dossier de présentation et rapport, France Stratégie, 07/19).

Descendants d’immigrés de deuxième génération en France : une importante surmortalité chez les hommes d’origine nord-africaine
La France compte une importante population de descendants d'immigrés de deuxième génération, c’est à dire les personnes nées en France de parent(s) immigré(s). Si les disparités socioéconomiques selon les pays d’origine sont bien identifiées, les inégalités de santé, et plus particulièrement en matière de mortalité, demeurent méconnues.
M. Guillot et M. Khlat, de l’Ined, et M. Wallace, post-doctorant à l’Université de Stockholm, ont analysé les niveaux de mortalité entre 1999 et 2010 d’adultes nés en France de deux parents immigrés.
Ces travaux, réalisés pour la première fois en France, révèlent une importante surmortalité chez les hommes d’origine nord-africaine. En effet, alors que la probabilité estimée de décès entre 18 et 65 ans s’élève à 162 pour 1 000 pour les hommes de la population de référence, elle est 1,7 fois plus élevée pour les hommes nés en France de deux parents immigrés d’Afrique du Nord (276 pour 1 000). Elle est en revanche plus faible pour ceux de la deuxième génération d'origine sud-européenne (106 pour 1 000), ainsi que pour les hommes immigrés de première génération toutes origines confondues.
Les raisons de la surmortalité chez les hommes d'origine maghrébine de deuxième génération sont à ce stade difficiles à identifier en raison du manque de données notamment sur les comportements liés à la santé et les causes de décès. Mais, en ce qui concerne les facteurs tels que le statut socio-économique, les résultats suggèrent que cette surmortalité ne s'explique pas simplement par les différences de niveau d'éducation, mais par un vaste ensemble de désavantages, notamment sur le marché du travail et sur le niveau des revenus. A ce propos les auteurs notent que « des études ont montré que la perception de la discrimination sur le marché du travail est plus répandue dans la deuxième génération que dans la première génération d'immigrés de même origine, ce qui peut avoir un impact négatif sur la santé ».
Ces premiers résultats en matière de mortalité montrent que les nombreux désavantages auxquels font face les hommes d'origine nord-africaine de deuxième génération en France comportent une dimension de santé publique importante et inconnue jusqu'ici («  Adult mortality among second-generation immigrants in France: Results from a nationally representative record linkage study », M.Guillot, M. Khlat, M.Wallace, Demographic research Vol 40, article 54, 27/06/19 ; «  La première étude sur la mortalité des descendants d’immigrés de deuxième génération en France révèle une importante surmortalité chez les hommes d’origine nord-africaine », INED, Communiqué de presse, 25/06/19) .

Soutien aux personnes âgées immigrées : un recueil de bonnes pratiques
Ce recueil de bonnes pratiques a pour but d’apporter des repères méthodologiques aux responsables des associations et collectivités territoriales concernées par l’accompagnement social des personnes âgées immigrées. Il est issu d’une étude menée par l’Observatoire national de l’action sociale (ODAS). Pour des raisons qui tiennent à la singularité de leur histoire et de leur parcours, ce public rencontre des difficultés particulières dans l’accès au droit commun. Or l’ODAS estime que « cette réalité n’a pas été suffisamment prise en considération par les pouvoirs publics, alors que l’on pourrait mettre en place des solutions innovantes ». Il propose donc de mieux appréhender les difficultés particulières des personnes âgées immigrées, de s’inspirer d’initiatives adaptées et tout particulièrement de certaines expériences qui ont fait leurs preuves (« Soutien aux personnes âgées immigrées - recueil de bonnes pratiques », ODAS, 12/18).

Intégration

Renforcer le parcours d’intégration des primo-arrivants  sur le territoire Grand Est : retours sur une journée d’échanges de pratiques
Le réseau RECI, dont l’AVDL est membre, a organisé une journée d’échanges de pratiques pour renforcer le parcours d’intégration des primo-arrivants sur le territoire Grand Est. Il met à disposition un certain nombre d’éléments statistiques et la présentation de différentes expériences, en particulier dans le champ linguistique («  Retour sur la « Journée d’échanges de pratiques pour renforcer le parcours d’intégration des primo-arrivants », Réseau RECI, 31/01/19).

Un point d'actualité sur la politique d'immigration et d'intégration
Ce point d'actualité, réalisé par l'Observatoire Régional de l’Intégration et de la Ville ( ORIV), présente de manière chronologique et synthétique les différentes étapes de la politique d'immigration et d'intégration du gouvernement actuel, depuis l'annonce par le Président de la République, en juillet 2017, de sa volonté d'une refonte de la politique d’intégration («  Point d'actualité sur la politique d'immigration et d'intégration », ORIV, 04/19).

Accès aux droits

Une bibliographie « Discriminations et accès au droit »
Cette bibliographie sur « Discriminations et accès au droit », publiée par le réseau Ressources pour l'Egalité des Chances et l'Intégration (RECI) -dont l’AVDL est membre- vous propose des références sur la lutte contre les discriminations, l’expérience des discriminations, l’accès au droit et l’accompagnement des victimes («  Bibliographie Discriminations et accès au droit », Réseau RECI, 12/18).

Santé

Personnes malades étrangères : des droits fragilisés, des protections à renforcer
Trois ans après avoir publié un rapport dénonçant les entraves à l'accès des étrangers aux droits fondamentaux Cf. Veille doc&infos LCD et Logement n° 38, le Défenseur des droits (DDD) estime, dans un nouveau rapport, que « des réformes législatives ont introduit de nouveaux obstacles, année après année, à l’accès aux droits des personnes malades étrangères ».
Le DDD souligne tout d’abord que les statistiques et chiffres officiels vont à l’encontre des idées reçues selon lesquelles le système de santé français serait à l’origine d’un « appel d’air » : sur les 225 500 titres de séjour délivrés à l’issue d’une première demande en 2018, 4310 l’étaient pour raisons médicales, soit moins de 2%. Par ailleurs, moins de 1% des dossiers présentés aux médecins de l’Office français de l’Immigration et de l’Intégration (OFII) en vue de l’obtention d’un titre de séjour pour soins sont concernés par la fraude.
Concernant la réforme de l’Assurance maladie, dite « PUMa », le DDD estime qu’elle a conduit à une régression des droits des étrangers en situation régulière tandis que les étrangers en situation irrégulière demeurent exclus du système de protection universelle.
Le DDD estime également que le droit au séjour des personnes gravement malades s’est détérioré : fréquence des demandes de pièces non prévues par les textes ou contraires au secret médical, mise en place d’un régime dérogatoire retardant considérablement, pour les seuls étrangers malades, l’accès à un récépissé...
S’agissant de l’évaluation de la situation médicale des étrangers sollicitant leur admission au séjour pour soins, le transfert de compétence opéré au bénéfice des médecins de l’OFII s’est accompagné d’un allongement notable des délais d’instruction, faute notamment d’effectifs suffisants et d’une baisse drastique des avis médicaux favorables au maintien sur le territoire.
En dépit d’une meilleure formalisation des procédures, l’interdiction d’éloigner du territoire les étrangers gravement malades peine également à trouver sa pleine effectivité et la prise en charge sanitaire des étrangers placés en centres de rétention présente, dans un contexte d’allongement de la durée maximale de rétention et d’augmentation des placements, « des carences particulièrement préoccupantes ».
Le DDD recommande, notamment, l’adoption de mesures visant à garantir l’accès à l’Assurance maladie de tous les étrangers régulièrement installés en France; la fusion des dispositifs Assurance maladie / AME; la modification des textes pour garantir à tous les étrangers, y compris demandeurs d’asile ou déboutés, la possibilité de solliciter une admission au séjour pour soins à tout moment ainsi que l’obtention d’un récépissé dès l’enregistrement de la demande ; l’ouverture d’une voie de recours dédiée permettant aux étrangers de contester les avis médicaux rendus par l’OFII dans un cadre respectueux du secret médical ; le renforcement de la présence médicale et infirmière au sein des centres de rétention ainsi que des moyens alloués à la prise en charge psychiatrique des étrangers retenus («Personnes malades étrangères : des droits fragilisés, des protections à renforcer » : Rapport, Synthèse, Communiqué de presse ; DDD ; 13/05/19).

Refus de soins : le DDD publie deux outils d’information pour les prévenir
Dans le cadre de son activité, le Défenseur des droits (DDD) traite de nombreuses saisines relatives à des refus de soins discriminatoires. Il a créé deux outils d’information pour prévenir les refus de soins en collaboration avec différents acteurs dont trois ordres de professionnels de la santé.
Le premier outil est un dépliant qui s’adresse aux bénéficiaires d’une prestation santé susceptibles d’être victimes de refus de soins afin de les aider à faire valoir leurs droits.
Le second outil est une fiche à destination des professionnels de santé leur rappelant leurs obligations légales tout en faisant des recommandations pour l’amélioration de leurs pratiques (Source : DDD, 18/12/18).

Accueil et accompagnement des Mineurs Non Accompagnés par les établissements de santé : points de repères juridiques et recommandations
Un guide «Accueil et accompagnement des Mineurs Non Accompagnés - Points de repères juridiques et recommandations » a été rédigé à la suite d’un groupe de travail pluri-professionnel au sein de l’AP-HP (Assistance publique - Hôpitaux de Paris).
Il vise à répondre aux interrogations des équipes médicales qui se sont exprimées au cours des derniers mois sur cette problématique complexe et évolutive. Il prend en compte les dispositions récentes de la circulaire du 08/06/18 relative à la mise en place du parcours de santé de migrants primo-arrivants.
En 6 fiches pratiques sont abordés des points essentiels du sujet : prise en charge en urgence d’un MNA, modalités d’admission, consentement aux soins, sortie de l’hôpital, problématique de la reconnaissance de la minorité et de l’isolement et enfin, prise en charge de ces mineurs dans un service de pédiatrie au regard des critères d’âge en vigueur au sein de l’AP-HP (« Accueil et accompagnement des Mineurs Non Accompagnés par les établissements de santé : points de repères juridiques et recommandations », AP/HP 12/18).

Droits sociaux

Le Conseil constitutionnel censure la disposition qui prévoyait de renforcer la durée de séjour nécessaire aux étrangers pour bénéficier du RSA en Guyane
A l’occasion de sa saisine sur la constitutionnalité de la loi de finances pour 2019, le Conseil constitutionnel a censuré une disposition qui prévoyait de renforcer la durée de séjour pour bénéficier du RSA en Guyane pour certains non-nationaux.
Le texte d'origine prévoyait en effet, dans le cas de la Guyane, de porter de cinq à quinze ans la durée de résidence préalable, pour les seuls étrangers venant de pays non membres de l'Union européenne. L'objectif était de freiner l'attrait exercé par le RSA sur l'immigration en provenance d'États voisins, comme le Brésil et le Surinam.
En l’espèce, les dispositions critiquées instituaient, entre les étrangers résidant régulièrement sur le territoire national, une différence de traitement pour l’obtention du RSA selon qu’ils résident en Guyane ou sur une autre partie du territoire national (hors Mayotte dont le délai de résidence préalable est de 15 ans).
Sur ce point, le Conseil a recherché si la différence de traitement instituée était en lien avec l’objet du RSA. Ainsi, reprenant partiellement les termes de sa décision de 2011 (qui avait légitimé la durée de séjour préalable de 5 ans à l’obtention du RSA pour les étrangers sur le territoire métropolitain cf. Veille doc&infos LCD et Logement n° 22) , le Conseil a rappelé que « le revenu de solidarité active a pour principal objet d’inciter à l’exercice ou à la reprise d’une activité professionnelle » et que « le législateur a pu estimer que la stabilité de la présence sur le territoire national était une des conditions essentielles à l’insertion professionnelle et, à ce titre, imposer aux étrangers un délai de détention d’un titre de séjour les autorisant à travailler pour obtenir le bénéfice de celle-ci ». En revanche, en l’espèce, le législateur ne mettait en avant aucune raison justifiant, au regard de l’insertion professionnelle, une durée de détention d’un titre de séjour plus longue en Guyane que sur le reste du territoire national pour l’obtention du RSA. Le Conseil a donc jugé qu’en « imposant un délai de détention plus long en Guyane que sur le reste du territoire national, aux seules fins de lutte contre l’immigration irrégulière, le législateur a introduit une condition spécifique pour l’obtention de cette prestation sans lien pertinent avec l’objet de celle-ci ».Dès lors, le Conseil constitutionnel a jugé que « la différence de traitement instituée pour l’accès au revenu de solidarité active ne saurait être regardée comme justifiée au regard de l’objet de la loi » et que « En outre, elle dépasse la mesure des adaptations susceptibles d’être justifiées par les caractéristiques et contraintes particulières de la collectivité de Guyane » (décision n° 2018-777DC, Conseil Constitutionnel, 28/12/18).

RSA et continuité de la régularité de séjour antérieur : les interruptions liées à l’étude par la préfecture des demandes de renouvellement de titre de séjour n’ont pas à être opposées au demandeur
Par décision en date du 22/10/18, le Conseil d’Etat (CE) a apporté une précision importante concernant la possibilité de demander le RSA pour les étrangers. En effet, le bénéfice du RSA pour les étrangers est subordonné, sauf exceptions, à la condition d’avoir eu, de manière continue et préalable, un titre de séjour autorisant à travailler depuis au moins cinq ans.
En l’espèce, M D. avait été titulaire du 21/02/07 au 19/09/14 de titres de séjour mention «  étudiant » (lesquels donnent droit à l'exercice, à titre accessoire, d'une activité professionnelle salariée) puis d'un titre de séjour mention « profession libérale » valable du 03/12/14 au 26/03/16.  Du 20/09/14 au 02/12/14, période où la préfecture étudiait sa demande de changement de statut, il ne lui avait pas été délivré de titre de séjour.
A l’occasion d’une demande d’ouverture de droits RSA, par un courrier du 05/09/15, confirmé le 25/05/16 par une décision du président du conseil de Paris, la CAF de Paris l'a informé  qu’il n‘ouvrait pas droit à cette allocation car il n'était pas titulaire depuis au moins cinq ans d'un titre de séjour l'autorisant à travailler.
Après annulation de cette décision par le tribunal administratif, le conseil de Paris avait saisi le CE qui a estimé que « si M. D... n'établissait pas avoir été titulaire d'un titre de séjour l'autorisant à travailler entre le 20 septembre et le 2 décembre 2014, cette interruption correspondait à la durée nécessaire à l'examen de sa demande de changement de statut, en vue de l'exercice d'une activité non salariée, à laquelle il a été fait droit ». Dès lors, cette interruption ne pouvait lui être opposée et ne remet pas en cause la continuité de la régularité de son séjour sur 5 ans, nécessaire à l’obtention des droits au RSA (CE, Département de Paris, n° 413592, 22/10/18).

Refuser le RSA à un ressortissant européen, sur la seule circonstance que l'intéressé avait conclu un CDD d'une durée inférieure à un an avant son inscription en qualité de demandeur d'emploi est une interprétation erronée des règles régissant le droit au séjour des ressortissants de l’UE
M. X, ressortissant espagnol, entré en France en septembre 2008 pour y effectuer un stage, a bénéficié d'un contrat d'avenir de juin 2009 à juin 2011. Il a ensuite conclu plusieurs contrats à durée déterminée de moins d'un an, au terme desquels il s'est, en janvier 2012, inscrit à Pôle emploi en qualité de demandeur d'emploi.
Saisi à l'occasion du déménagement de l'intéressé, qui était allocataire du revenu de solidarité active depuis décembre 2012, le président du conseil départemental du Gard a refusé, par une décision du 11/09/15 de lui accorder le bénéfice du revenu de solidarité active au motif qu'il ne satisfaisait pas à la condition de droit au séjour prévue pour les ressortissants des Etats membres de l'Union européenne à l'article L. 262-6 du code de l'action sociale et des familles.
Par jugement du 25/07/17 le tribunal administratif (TA) de Nîmes avait rejeté la demande du réclamant, sur la seule circonstance que l'intéressé avait conclu un contrat à durée déterminée d'une durée inférieure à un an avant son inscription en qualité de demandeur d'emploi. De ce fait, il aurait cessé de bénéficier, au-delà de la durée de six mois prévue au II de l'article R. 121-6 du CESEDA, du maintien en qualité de travailleur de son droit au séjour au titre de l'article L. 121-1 de ce code et que, n'ayant pu en bénéficier en une autre qualité, il n'aurait pas davantage pu acquérir un droit au séjour permanent au titre de l'article L. 122-1 du même code.
Dans sa décision du 18/02/19, le Conseil d’État (CE) a annulé le jugement du TA et précise à cette occasion que le droit au séjour de plus de trois mois acquis à l’occasion d’une activité professionnelle de plus d’un an est maintenu sans limitation de durée à la condition que l’intéressé soit inscrit sur la liste des demandeurs d’emploi. Il ajoute que la seule circonstance que le dernier contrat de travail précédant l’inscription sur la liste des demandeurs d’emploi soit inférieure à un an n’est pas de nature à limiter le maintien du droit au séjour à six mois. L’affaire est renvoyée au TA (CE, N°417021, 18/02/19).

Considérer qu’une activité professionnelle salariée d’une durée mensuelle inférieure à 60 heures ne confère pas de droit au séjour en qualité de travailleur est une appréciation erronée des CAF de la condition de régularité du séjour des ressortissants européens
Le Défenseur des droits (DDD) avait été saisi d’une réclamation relative aux suspensions de droits à l’allocation personnalisée au logement (APL), au revenu de solidarité active (RSA) et à la prime d’activité opposées à une ressortissante roumaine au motif qu’elle ne remplissait pas les « conditions minimales d’activité », requises selon la caisse, pour bénéficier d’un droit au séjour en tant que travailleuse ressortissante de l’Union européenne. Se fondant sur la circulaire CNAF n°2009-022 du 21 octobre 2009 ayant pour objet l’appréciation des conditions de la régularité du séjour des ressortissants européens pour le bénéfice des prestations familiales, les CAF considèrent en effet qu’une activité professionnelle salariée d’une durée mensuelle inférieure à 60 heures ne confère pas de droit au séjour en qualité de travailleur.
Or, pour le DDD, « cette analyse résulte, d’une part, d’une interprétation erronée du règlement (CEE) n°1408/71 du Conseil du 14 juin 1971, et d’autre part, d’une conception restrictive et contraire à la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne, de la notion d’activité professionnelle conférant un droit au séjour ».
Il estime que cette « interprétation restrictive des conditions du droit au séjour pour le bénéfice de prestations sociales place l’ensemble des travailleurs européens dont la durée mensuelle de travail est inférieure à 60 heures, dans une situation constitutive d’une discrimination fondée sur la nationalité prohibée tant par l’article 18 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne que par la combinaison des articles 14 et 1er du 1er protocole additionnel de la CEDH ».
La situation de la réclamante ayant été réexaminée favorablement à la suite de son intervention, le DDD prends acte de la décision de la CAF, laquelle a permis à l’intéressée de percevoir le rappel de l’ensemble des prestations qui lui étaient dues au titre des périodes litigieuses.
Constatant cependant le caractère exceptionnel de cette issue favorable et compte tenu de l’existence de la circulaire précitée, le DDD recommande :
- à la Caisse nationale des allocations familiales de modifier la circulaire litigieuse, afin « qu’elle précise que toute période de travail accomplie en France, y compris pour une durée mensuelle inférieure à 60 heures, confère un droit au séjour en qualité de travailleur » ;
- à la Direction de la Sécurité sociale de rappeler cette même règle à l’ensemble des caisses amenées à étudier le droit au séjour des ressortissants européens et assimilés que toute activité professionnelle (DDD, Décision 2019-080, 09/04/19).

Refus opposé par des agences de Pôle Emploi, de verser leurs prestations sur un compte ouvert par l’allocataire dans un établissement bancaire étranger : discrimination en raison de la domiciliation bancaire
Le Défenseur des droits (DDD) avait été saisi de réclamations relatives aux difficultés rencontrées par des demandeurs d’emploi pour obtenir le paiement de leurs allocations de chômage sur leur compte bancaire étranger. Suite à une intervention du DDD, la direction générale de Pôle Emploi avait diffusé, au sein de son réseau, un mémo réglementaire rappelant l’obligation pour les conseillers, de prendre en compte les RIB des allocataires correspondant à des comptes ouverts dans des banques établies dans la zone SEPA.
Le Défenseur des droits prend acte de cette mesure, et, suite à la lecture de ce mémo et à de nouveaux échanges avec Pôle Emploi, il lui adresse des recommandations complémentaires visant à renforcer l’effectivité et l’étendue du droit des allocataires de percevoir leurs allocations chômage sur un compte bancaire ouvert dans un établissement domicilié à l’étranger. Il lui recommande en outre de ne plus recourir au procédé du paiement par délégation sur compte de tiers, et de diffuser des instructions en ce sens à ses agents (DDD, Décision n° 2019-063, 27/02/19).

Education

Droit à l’école pour tous les enfants : un petit guide « juridique et militant »
À l’initiative de la FSU, un collectif pour le droit à la scolarisation de tous les enfants et notamment des élèves migrant·es (FSU, UNSA Education, SGEN-CFDT, SUD Education, FERC CGT, Romeurope, FCPE, RESF, LDH, Solidarité Laïque) a été mis en place. Ce collectif a rédigé un guide « juridique et militant »  pour apporter des réponses aux situations auxquelles peuvent être confrontées  le personnel éducatif et/ou les bénévoles accompagnant ces enfants (« Le droit à l’école pour tous les enfants : petit guide juridique et militant », collectif, 04/19).

Contrôles d’identité

Contrôle au faciès : trois lycéens déboutés en 1ere instance
Le 01/03/17, trois lycéens avaient été contrôlés en pleine gare du Nord sous les yeux de leurs camarades et dans des circonstances jugées par eux « humiliantes », alors même qu’une de leurs accompagnatrices, leur professeure d’histoire-géographie, assurait aux agents de police que ses élèves revenaient d’une sortie scolaire à Bruxelles. L’affaire avait fait l’objet d’une forte médiatisation et ils avaient assigné l’Etat et le ministre de l’intérieur en justice.
Leurs camarades de classe, ainsi que l’accompagnateur du voyage, avaient quasi tous rédigé des attestations pour appuyer les dires des trois plaignants quant au caractère discriminatoire du contrôle.
Par une décision en date du 17/12/18, le tribunal de grande instance les a néanmoins déboutés. En effet, les juges ont estimé que « le contrôle effectué dans un objectif légitime de maintien de l’ordre, sans discrimination fondée sur l’origine, ne peut pas être considéré comme ayant été discriminatoire ».
Il est à noter que dans une autre affaire, la Cour de cassation, en 2016, avait estimé qu’en matière de contrôle d’identité, si la personne qui a fait l’objet d’un contrôle d’identité doit apporter au juge des éléments qui laissent présumer l'existence d'une discrimination, c’est ensuite à l'administration de démontrer, soit l'absence de discrimination, soit une différence de traitement justifiée par des éléments objectifs cf. Veille doc&infos LCD et Logement n° 39.
Pour fonder sa décision, le TGI de Paris estime que « la discrimination ne peut pas être fondée sur l’appartenance raciale ou ethnique, réelle ou perçue (des trois plaignants) dès lors que tous les élèves de la classe sont décrits par la professeure comme étant d’origine étrangère. » et que seuls trois ont été contrôles.
Par ailleurs, dans son rapport, le brigadier avait expliqué que le contrôle était en partie motivé par le fait que ces jeunes gens détenaient des sacs volumineux, dans un contexte de risque terroriste et de trafic de stupéfiants. Un argument retenu par les juges, alors que l’avocat des trois lycéens, Me Slim Ben Achour, avait souligné que le fait de porter un gros sac à la sortie d’un train était chose commune…
Enfin, le défenseur des droits, qui avait apporté son soutien aux trois jeunes gens, avait demandé à la préfecture de police de Paris (dont dépendaient les fonctionnaires de police) de fournir la liste des personnes contrôlées ce jour-là. De même, la défense avait demandé à pouvoir consulter les enregistrements vidéo pris dans la gare du Nord. Mais ces éléments n’ont pas été fournis par l’administration…
Soutenus par leur enseignante de l’époque et par de nombreuses associations, les trois plaignants ont fait appel («Le combat contre les contrôles au faciès de trois ex-lycéens d’Epinay », Seine Saint Denis, le magazine, 20/12/18 ; «Contrôle au faciès : trois lycéens qui assignaient l’Etat en justice ont été déboutés », Le Monde, 17/12/18).

Des consignes discriminatoires pour contrôler l’identité de « bandes de noirs et nord-africains » ainsi que pour évincer systématiquement les  « roms et sdf »
Le Défenseur des droits (DDD) a été saisi d’ordres, de consignes et de mentions de service émanant du commissariat de sécurité publique d’un arrondissement de Paris, entre 2012 et 2018, qui laissent présumer d’interventions de police par la brigade de police secours et de protection (BPSP) dans cette circonscription qui seraient discriminatoires. Leur sont enjoint de procéder, dans un secteur, à des contrôles d’identité de « bandes de noirs et nord-africains » (consigne en 2012) et sur tout l’arrondissement, à des « évictions systématiques de SDF et de Roms » (pratique de 2012 à 2018).
A l’issue de ses investigations, le DDD relève, d’une part, la nature discriminatoire de ces ordres et consignes qui reposent, en l’absence de tout comportement objectif en lien avec les troubles de la voie publique, sur un profilage social et racial à partir de critères exclusivement discriminatoires liés à l’apparence physique, à l’origine, à l’appartenance vraie ou supposée à une ethnie ou une race, ou à la particulière vulnérabilité économique. Il relève d’autre part l’exécution d’ordres manifestement illégaux par les fonctionnaires de police de la BPSP pour y avoir obéi. Le Défenseur des droits n’est pas en mesure de vérifier en revanche les mises à l’abri des personnes vulnérables évincées comme invoquées, à défaut d’informations en ce sens.
Le DDD constate également que, malgré le retrait des consignes litigieuses depuis octobre 2017, la pratique des évictions des personnes d’origine rom, déjà mise en cause dans un autre commissariat parisien et ayant donné lieu à une décision du DDD, est pleinement justifiée par la préfecture de police de Paris comme utile à la lutte contre la délinquance. Or, l’existence et la persistance de ces évictions, illégales, caractérisent une faute lourde et engagent nécessairement la responsabilité du Préfet de police de Paris.
Il demande en outre l’inspection de l’ensemble des commissariats parisiens du ressort de la préfecture de police de Paris pour évaluer l’étendue des pratiques d’éviction discriminatoires et leur impact sur les personnes en situation d’itinérance.
Le Défenseur des droits recommande d’intégrer à l’article 78-2 du code de procédure pénale que les contrôles d’identité ne doivent pas être fondés sur les critères légaux de discrimination, et de sensibiliser chacun des fonctionnaires de police du commissariat à ces critères et aux stéréotypes pouvant conduire à des pratiques discriminatoires pour pouvoir les reconnaître (DDD, décision n°2019-90, 02/04/19).

Loisirs :

Refus d’inscription d’une femme musulmane portant un foulard opposé par un centre sportif en raison d’un règlement intérieur interdisant tous les couvre-chefs : discrimination indirecte fondée sur la religion
Le Défenseur Des Droits (DDD) avait été saisi, par le biais du Collectif Contre l’Islamophobie en France (CCIF), d’une réclamation de Mme X au sujet du refus d’inscription qui lui a été opposé par un centre sportif. Mme X est musulmane et porte un foulard noué sous forme de turban couvrant ses cheveux et ses oreilles mais pas son cou. Elle se présente le 11/10/17 dans les locaux de la société Y afin de s’y inscrire et prendre un abonnement à des cours de sport. Mais le règlement intérieur du centre sportif prévoit que tout « couvre-chef [est] strictement interdit (casquette, bonnet, capuche, etc) ». Dans sa décision du 21/12/18, le DDD estime que le règlement intérieur du centre sportif Y, bien qu’apparemment neutre, est susceptible d’être indirectement discriminatoire pour des motifs religieux.  En effet, il entraine le refus systématique et absolu de l’accès aux services du centre sportif Y à toutes les personnes qui portent un couvre-chef religieux. Par ailleurs, ce refus systématique et absolu de l’accès aux services du centre sportif Y à toutes les personnes qui portent un couvre-chef pour des motifs religieux semble disproportionné pour atteindre l’objectif de sécurité allégué. Le Défenseur des droits recommande donc à la direction de Y de modifier son règlement intérieur de manière à accepter les couvre-chefs religieux adaptés à la pratique sportive et de modifier ses pratiques à l’égard notamment des femmes musulmanes portant un couvre-chef religieux et donc Mme X. ( Décision n°2018-290, DDD, 21/12/18).

Port du burkini et refus d’accès à une piscine : discrimination fondée sur la religion et le genre
Par deux décisions, rendues le 27/12/18, le Défenseur des droits (DDD) a considéré que le refus d’accès à une piscine, que celle-ci soit publique ou privée, constituait une discrimination fondée sur la religion et le genre.
A titre préliminaire, le DDD rappelle que le terme de burkini est une contraction de burqa et de bikini. Il s'agit d'un vêtement composé de deux ou trois éléments, et couvrant l'ensemble du corps de la femme, à l'exception du visage, des mains et des pieds. Mise à part la proportion de tissu utilisé, le burkini est constitué de la même matière que les maillots de bain classiques d’une ou de deux pièces. Il est donc conçu pour le milieu aquatique et élaboré afin de se conformer aux normes d’hygiène des piscines. Par ailleurs, la face d’une personne portant un burkini reste visible, contrairement à la burqa ou au niqab.
Il convient également de rappeler que les faits se passent au cours de l’été 2016 où l’accès aux plages aux femmes portant un burkini avaient été interdits dans diverses municipalités Cf. Veille doc&infos LCD et Logement n° 39.
Dans la première affaire, le DDD a été saisi d’une réclamation relative au refus d’accès de deux femmes musulmanes souhaitant porter un burkini dans un aquaclub lors d’un séjour de vacances. En février 2016, Mesdames X et Y décident d’organiser leurs vacances avec leurs enfants. Madame Y réserve, via son comité d’entreprise, un hébergement pour 8 personnes. Avant de réserver ce séjour incluant l’accès à un centre aquatique, Madame X a contacté téléphoniquement le prestataire W en février 2016 afin de s’assurer qu’elle pouvait y accéder avec son amie en portant un burkini. Il lui a été répondu que cela ne posait pas de difficulté à partir du moment où cette tenue était en lycra. Arrivées sur le lieu de villégiature en aout 2016, Mesdames X et Y décident de se baigner mais sont informées que l’Aquaclub de Z, établissement public régi par la commune, refuse son accès aux femmes en burkini depuis les vacances de Pâques à la suite de plaintes de vacanciers. Elles se voient contraintes de quitter de manière anticipée leur lieu de vacances, l’accès à l’aquaclub étant déterminant, notamment pour leurs enfants qu’elles n’auraient pas pu accompagner et surveiller.
Dans la seconde affaire, le DDD était saisi d’une réclamation relative au refus opposé à une femme musulmane de nager en burkini dans la piscine d’un village de vacances où elle séjournait pendant 15 jours. La réclamante avait pu se baigner en burkini la première semaine de son séjour mais avait subi l’hostilité d’autres vacanciers prononçant à son encontre des propos à caractère islamophobe. La deuxième semaine de son séjour, le règlement intérieur de l’établissement était modifié et interdisait expressément le port du burkini.
Dans les deux affaires, le DDD, s’appuyant sur la jurisprudence européenne et administrative applicable en la matière ainsi que d’autres jurisprudences nationales au sein de l’Union européenne, conclut à une discrimination fondée sur sa religion et le genre ou le sexe. Par ailleurs, sollicité par le DDD, le ministère des sports n’a pas relevé a priori d’incompatibilité de principe ou de risques majeurs et/ou spécifiques au port du burkini en matière d’hygiène et de sécurité. Le DDD recommande donc la modification des règlements intérieurs litigieux ainsi que la réparation des préjudices subis par les réclamantes (Décisions n° 2018-301 et 2018-297, DDD, 27/12/18).

Religion/laïcité

Visibilité et expression religieuses dans l’espace public
L’Observatoire de la laïcité, dans sa mission d’information, s’est autosaisi le 29/05/18 de la thématique de la visibilité et de l’expression religieuses dans l’espace public aujourd’hui en France.
Pour l’Observatoire, le regain du religieux apparaît davantage le fait d’une visibilité publique et d’une pratique accrues chez certains croyants que celui d’une multiplication des fidèles se déclarant appartenir à une religion donnée. Comme le résume le sociologue P. Portier, « une partie de la population, croissante, s’éloigne du religieux, quand l’autre au contraire réactive ses appartenances », y compris de façon visible et publique.
En effet, si l’augmentation de la visibilité et de l’expression religieuses ne concerne en réalité que certains croyants de toutes les religions (en particulier de l’islam pour la visibilité, et du protestantisme évangélique pour la pratique et le prosélytisme), elles donnent une impression plus générale de regain du religieux.
Or, les études quantitatives confirment au contraire, encore ces dernières années, une hausse constante du nombre de personnes se déclarant « athées », « agnostiques » ou « indifférentes », en parallèle d’une baisse des fidèles se déclarant appartenir à une religion donnée.
Cette sécularisation qui continue ne doit pas empêcher de répondre aux crispations suscitées par l’augmentation de la visibilité et de l’expression religieuses qui, elle, s’est confirmée durant ces trente dernières années.
Les causes de cette augmentation sont nombreuses et souvent croisées. Néanmoins, l’observatoire estime qu’il y en a six principales : l’installation en France métropolitaine de religions auparavant « étrangères » à l’hexagone (islam, bouddhisme ou certaines nouvelles formes du protestantisme évangélique) ; le redéploiement des religions dans une société profondément sécularisée, celles-ci n’hésitant pas à « faire étalage d’un certain nombre de signalétiques visant à capter l’attention des pouvoirs publics et/ou de l’opinion » ; les multiples modes d’expressions religieuses en réponses à différentes constructions identitaires personnelles; l’affaiblissement d’idéologies séculières ; concernant les populations qui ont migré, les emprunts et répudiations entre société d’origine et société d’accueil qui ont une influence directe sur certaines pratiques religieuses ; le refuge sécurisant de la religion face aux incertitudes de demain (écologiques, économiques, sociales et politiques).
Cet ensemble de causes pousse l’Observatoire à affirmer que nous ne sommes pas confrontés à un « retour du religieux », mais plus exactement à « un recours au religieux » (« Étude sur l’expression et la visibilité religieuses dans l’espace public aujourd’hui en France », Observatoire de la Laïcité, 07/19 : synthèse, rapport, compte rendu des auditions).

Une bibliographie « laïcité »
Cette bibliographie sur la laïcité, publiée par le réseau Ressources pour l'Egalité des Chances et l'Intégration (RECI) -dont l’AVDL est membre- vous propose des références sur ce sujet en France et à l’international, ainsi que par thématique (emploi, éducation, santé, collectivités locales….), (« Bibliographie laïcité », Réseau RECI, 12/18).