Veille documentaire et informations N°45 - Décembre 2019

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Table des matières


1/LOGEMENT : ACTUALITES ET INFORMATIONS GENERALES

1.1         Discrimination et logement

Actualités générales

Le concept de « ghetto » appliqué à la situation des cités françaises : un point sur les débats sociologiques

Bidonvilles

Les élus locaux face à la résorption des squats et bidonvilles
Observatoire des expulsions collectives de lieux de vie informels : un premier bilan

Politique de la ville

Les Français portent un regard sombre sur les quartiers «sensibles»

Parc privé

Etude MICADO : les rappels au droit du Défenseur des droits réduisent significativement les discriminations dans l’accès à une visite de logement…mais leurs effets ne se maintiennent pas au-delà de 15 mois
Accompagnement et lutte contre les discriminations : un document de la Fapil

Parc social

Cotation des demandes de logement social : publication du décret

1.2         Actualités générales sur le logement

France

Informations générales

Panorama de la recherche en cours ou récente dans le domaine de l'habitat et du logement

Hébergement

Instruction sur les échanges d’informations entre les centres d’hébergement d’urgence et l’OFII: le Conseil d’Etat déboute les associations mais apporte des précisions
Le refus d’un département d'assurer l’hébergement d’une femme enceinte -déboutée du droit d’asile - et de ses enfants ne porte pas d'atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale, dès lors que la famille pouvait être accueillie dans un centre de préparation d'aide au retour
Développer le contentieux novateur en matière d'accès et de maintien en hébergement

2/ DISCRIMINATION : ACTUALITES ET INFORMATIONS GENERALES

France

Actualités générales

Un état des lieux des perceptions des discriminations et des agressions envers les musulmans de France
Face aux discriminations, les musulmans et les minorités demandent l’égalité
La fabrique de l’indésirable

Emploi

BTP : pour la première fois en France, une entreprise condamnée pour discrimination raciale et systémique
Testing sur le recrutement des emplois francs : une discrimination « significative et robuste » selon le critère de l’origine
Baromètre du Fait Religieux en Entreprise 2019 : un phénomène en constante augmentation depuis 2014 même si, très majoritairement, cela ne pose pas problème

Intégration

Comité interministériel sur l'immigration et l'intégration : 20 mesures concernant l’immigration, l’asile et l’intégration

Santé

Refus de soins discriminatoires : l’origine et la vulnérabilité économique testées dans trois spécialités médicales

Droits sociaux

Allocation de solidarité aux personnes âgées : inopposabilité aux ressortissants marocains, tunisiens et algériens de la condition d’antériorité de séjour régulier de dix ans

Education

Racisme et discrimination raciale, de l’école à l’université

 

 

1/LOGEMENT : ACTUALITES ET INFORMATIONS GENERALES

1.1 Discrimination et logement

France

Actualités générales

Le concept de « ghetto » appliqué à la situation des cités françaises : un point sur les débats sociologiques
B. Lippens cf. Veille doc&infos LCD et Logement n°44, doctorant en sociologie, propose une note visant à « faire un point sur les débats sociologiques autour du « ghetto » ». Le terme « ghetto » renvoie dans l’imaginaire collectif à un espace marginal, enclavé et en rupture avec le reste de la société. Depuis une dizaine d’années, le « ghetto » est associé aux « banlieues » françaises ou aux « quartiers défavorisés » dans les usages médiatiques, scientifiques et publics. Pourtant, le terme est lourd de sens historique. A travers cette note, l’auteur aborde plusieurs interrogations qui mettent à l’épreuve la pertinence de cette notion en sociologie : peut-elle s’appliquer aux banlieues françaises ? Est-elle généralisable à tous les habitants d’une même cité, de manière indifférenciée ? Et dans ce cas, sur quels critères sociologiques se fonde le « ghetto » ? Enfin, quelles sont les conséquences politiques de l’usage d’un tel concept ? («Éléments d’un débat sociologique autour de la notion de « ghetto », appliquée à la situation des cités françaises », B. Lippens, Millénaire 3, 04/12/19).

Bidonvilles

Les élus locaux face à la résorption des squats et bidonvilles
A l’occasion de la campagne des élections municipales, le CNDH Romeurope présente un travail d’investigation sur les meilleures pratiques de terrain pour résorber les bidonvilles et squats.
Il rappelle au préalable que plusieurs milliers de personnes vivent toujours en bidonville ou squat en France métropolitaine, dans des conditions parfaitement indignes et que « les politiques publiques ont jusqu’à présent échoué à résorber durablement ces habitats et à assurer aux personnes qui y survivent les conditions de l’insertion. »
Alors que le gouvernement a annoncé en septembre 2019 le doublement du budget réservé à la résorption des bidonvilles, la mobilisation des équipes municipales et intercommunales lui parait plus que jamais nécessaire pour trouver des solutions durables à l’habitat en bidonville et squat, notamment pour permettre l’implication concrète de l’État dans les différents territoires.
Le rapport propose des informations sur la réalité vécue par les personnes vivant dans des bidonvilles et squats en France; des études de cas de ce qui a marché ou pas dans des villes et agglomérations; des outils pour impulser une dynamique locale et au-delà ; des interviews d’acteurs engagés dans la résorption des bidonvilles (« Les élus locaux face à la résorption des squats et bidonvilles », CNDH Romeurope, 10/19).

Observatoire des expulsions collectives de lieux de vie informels : un premier bilan
L’observatoire des expulsions collectives de lieux de vie informels est porté par plusieurs associations actives dans le domaine de l’accompagnement et de la défense des droits de personnes en situation de précarité et mal-logées. Afin d’objectiver avec des données chiffrées la réalité de la politique d'expulsion des personnes en habitat informel, l’observatoire souhaite répertorier toutes les expulsions ou évacuations de personnes vivant dans un lieu de vie collectif et informel. Le 15/11/19, il a rendu public son premier rapport.
Entre le 01/11/18 et le 31/10/19, l’Observatoire a recensé 1 159 lieux de vie - où près de 63 000 personnes vivaient- expulsés par les forces de l’ordre en France métropolitaine. Près de 85% des expulsions ont été recensées dans les seules villes de Calais et Grande-Synthe, où « de nombreuses personnes exilées sont contraintes de vivre des semaines, voire des mois, dans des lieux de vie insalubres ». La grande majorité est constituée de ressortissants afghans, érythréens et soudanais. Dans ces villes, « la base juridique des expulsions est à 94% inconnue » et « les pouvoirs publics ne s’efforcent même plus de justifier ces pratiques ».
Les 181 autres expulsions recensées dans le reste du territoire métropolitain ont concerné au moins 15 400 personnes, originaires pour la plupart d’Europe de l’Est, Roms ou perçues comme telle. A l’inverse de Calais et Grande-Synthe, ces expulsions font le plus souvent suite à des procédures juridiques.
Selon l’Observatoire, « près de 90 % de ces expulsions n’ont donné lieu à aucune proposition de mise à l’abri, d’hébergement ou de relogement », provoquant retour à la rue, errance et reformation d’autres bidonvilles ou squats.
Les associations membres de l’Observatoire, dans leur communiqué, appellent les pouvoirs publics à « réagir de manière urgente » pour « la dignité des personnes et pour enrayer une des manifestations les plus dures de la crise du logement » (« Observatoire des expulsions
De lieux de vie informels-Note d’analyse détaillée-1er novembre 2018 / 31 octobre 2019  », Communiqué de presse, 15/11/19).

Politique de la ville

Les Français portent un regard sombre sur les quartiers «sensibles»
Le Commissariat général à l’égalité des territoires (CGET) vient de se voir remettre la troisième édition, après 2009 et 2014, d’une étude sur le sujet, réalisée par le Crédoc via l’Observatoire national de la politique de la ville (ONPV) sur des données de 2018.
Invités à décrire spontanément ce qui caractérise les quartiers « sensibles », les Français évoquent majoritairement (56% des habitants de France métropolitaine) et avant tout l’idée d’insécurité : ils estiment que ces quartiers se caractérisent par la prégnance de la criminalité, la délinquance, le trafic de drogues, la violence, le danger, voire qu’il s’agit de «zones de non droit ». Il est à noter que la terminologie de quartier « sensible » sous-entend une notion de difficulté et a pu  influencer les réponses vers des représentations négatives.
Si cette vision est donc globalement sombre, l’ONPV souligne des éléments positifs puisque ces quartiers seraient « également reconnus pour le dynamisme de leur société civile », notamment pour la « forte solidarité entre les habitants » (51% "plutôt d’accord") et les associations « nombreuses et dynamiques » (50%). Ces deux indicateurs liés à des représentations positives sont toutefois en recul de sept points par rapport en 2009.
La majorité des Français (51%) est convaincue que la situation dans les quartiers sensibles s’est plutôt dégradée au cours des dernières années et les attentes vis-à-vis des pouvoirs publics sont fortes pour endiguer la situation : 88% réclament un engagement accru de l’État.
Les journaux télévisés sont, de loin, le premier canal d’information sur ces quartiers (71%), devant la presse écrite et la radio. Les personnes qui s’informent sur ces quartiers principalement au travers des journaux télévisés ont, un peu plus que les autres, tendance à estimer que les quartiers « sensibles » se caractérisent par la prégnance de la délinquance. Au-delà du poids des discours médiatiques, les représentations sont aussi influencées par les liens personnels avec ces quartiers : l’image est généralement plus positive chez les personnes qui, outre des informations issues des médias, ont une expérience indirecte ou ponctuelle des quartiers « sensibles ».
En 2018, 8 % des habitants de France métropolitaine estiment vivre dans un quartier «sensible», près d’un tiers s’y rendent parfois pour des motifs professionnels ou personnels, et un sur deux indique n’avoir aucun lien avec ces quartiers («Les Français portent un regard sombre sur les quartiers « sensibles » », ONPV/CGET, 07/19).

Parc privé

Etude MICADO : les rappels au droit du Défenseur des droits réduisent significativement les discriminations dans l’accès à une visite de logement…mais leurs effets ne se maintiennent pas au-delà de 15 mois
Réalisée par une équipe de recherche TEPP-CNRS, l’étude « Mesurer l’impact d’un courrier d’alerte sur les discriminations selon l’origine » (MICADO) vise à mesurer l’impact d’une démarche de sensibilisation menée par le Défenseur des droits (DDD) auprès d’agences immobilières identifiées comme discriminantes vis-à-vis de candidats d’origine maghrébine. Elle repose sur un testing auprès de 343 agences immobilières « à risque discriminatoire». La moitié de ces agences a reçu un courrier du DDD, accompagné d’un guide, leur rappelant le cadre légal et les sanctions auxquelles elles s’exposent en discriminant des candidats à un logement. Ces agences ont fait l’objet de nouveaux tests, trois, neuf et quinze mois après réception du courrier afin de déterminer si leurs pratiques en matière de sélection des candidats ont évolué.
Lors du premier test, 3 mois après l’envoi du courrier du DDD, il est constaté une discrimination dans l’accès au logement entre les deux candidats à la location quel que soit le groupe des agences immobilières. Toutefois, la différence de traitement entre les deux candidats est beaucoup plus faible dans le groupe des agences ayant reçu le courrier.
Lors du deuxième test de correspondance, effectué 9 mois après l’envoi du courrier, le même constat qualitatif peut être posé.
En revanche, au bout de 15 mois, lors de la troisième opération de tests, les différences dans la manière de traiter les candidatures observées entre les deux groupes d’agences se sont atténuées. L’écart du taux de réponses positives entre le candidat d’origine française et celui d’origine maghrébine est de 9,68 points dans le groupe des agences ayant reçu le courrier d’alerte contre 11,2 dans le groupe ne l’ayant pas reçu.
Pour le DDD, « ce travail met en évidence les effets positifs à court terme d’un courrier d’alerte nominatif adressé aux agences de location sur les comportements des professionnels de l’immobilier à l’égard de candidats au logement présumés d’origine étrangère ». Cependant, « l’impact du courrier ne se maintient pas de façon durable dans le temps » et s’estompe à 15 mois. C’est la raison pour laquelle le DDD invite les acteurs concernés à rester vigilants sur leurs pratiques au quotidien et à s’engager contre les inégalités d’accès au logement en mobilisant tous les leviers d’actions à leur disposition (sensibilisation, formation, etc.) (« Mesurer l’impact d’un courrier d’alerte sur les discriminations selon l’origine » : rapport complet, synthèse, communiqué de presse, DDD, 08/10/19).

Accompagnement et lutte contre les discriminations : un document de la Fapil
La Fédération des Associations et des Acteurs pour la Promotion et l’Insertion par le Logement, dont l’AVDL est membre, a souhaité réaffirmer l’engagement de ses adhérents, inscrit dans sa charte,  «  pour qu’aucune discrimination directe ou indirecte (…) n’intervienne dans le choix des locataires ni dans le maintien dans le logement des ménages. ».
Pour la Fapil, « un bref état des lieux auprès de notre réseau les questionnant sur l’intégration de ce sujet dans leurs missions confirme sa dimension « prioritaire » pour les organismes » mais aussi qu’ils mettent peu d’actions en œuvre pour le traiter.
Le document proposé entend rendre compte des premiers jalons posés en 2018 par la Fapil en matière de lutte contre les discriminations. Les éléments présentés ont été compilés dans le cadre des séances de travail 2018 des groupes «  Accompagnement  » dans les territoires. Ils permettent  de connaître le cadre normatif des discriminations, de mieux se situer dans la chaine d’acteurs « coproducteurs » des discriminations et de mieux repérer celles-ci dans l’accès au logement (« Accompagnement et lutte contre les discriminations », Fapil, 04/19).

Parc social

Cotation des demandes de logement social : publication du décret
Le système de cotation constitue une aide à la décision tant pour la désignation des candidatures examinées en commission d'attribution que pour l'attribution des logements sociaux. Il consiste à attribuer des points au dossier des demandeurs de logement social, en fonction de critères objectifs et d’éléments de pondération établis préalablement, portant sur la situation du ménage rapporté à un logement donné ou à une catégorie de logement, ou à l’ancienneté de la demande. Il doit faciliter, mais aussi rendre plus transparent, le travail des commissions d'attribution des bailleurs sociaux.
Pris en application de la loi ELAN, le décret du 17/12/19 détermine les modalités de mise en œuvre de cette cotation, qui sera obligatoire, pour les EPCI tenus de se doter d’un Plan local de l’habitat (PLH) ou ayant la compétence habitat et au moins un Quartier prioritaire de la politique de la ville (QPV), à partir de septembre 2021.
Ce texte intervient près de sept ans après la mise en place par C. Duflot, à l'époque ministre du Logement, de quatre groupes de travail chargés de préparer les nouvelles modalités d'attribution des logements sociaux. L'objectif était alors de « réformer ce dispositif, afin qu'il gagne en efficacité, en transparence et en lisibilité pour le demandeur, en associant les partenaires locaux ».
Pour tenir compte du contexte local, les critères de cotation sont laissés à la discrétion de chaque bailleur social et collectivité, même si cette liberté est encadrée. Ainsi, les critères de cotation doivent comporter un critère ou un ensemble de critères mettant en œuvre les priorités les priorités d’attribution définies à l'article L.441-1 du CCH, notamment en faveur des personnes bénéficiant d'une décision favorable au titre du DALO.  Par ailleurs, le système de cotation doit être compatible avec les orientations adoptées par la Conférence intercommunale du logement (CIL).
Le système de cotation s'appliquera de manière uniforme, dans son principe comme dans toutes ses modalités, à l'ensemble des demandes de logement social sur le territoire concerné. Toutefois, le Plan partenarial de gestion de la demande (PPGD) peut prévoir un système de cotation spécifique aux demandes de mutation des locataires du parc social.
Le PPGD devra par ailleurs préciser le principe et les modalités du dispositif, notamment les critères choisis et leur pondération, ainsi que les conditions dans lesquelles le refus d’un logement adapté aux besoins et aux capacités du demandeur peut modifier la cotation de sa demande. Il devra également fixer les modalités d'évaluation périodique du système ainsi que les modalités et le contenu de l'information due au public et au demandeur. Cela devra permettre à ce dernier «d'apprécier le positionnement relatif de sa demande par rapport aux autres demandes, ainsi que le délai d'attente moyen constaté, pour une typologie et une localisation de logements analogues à celui demandé ». Dans le cadre du service d’accueil et d’information, le public et les demandeurs de logement social devront recevoir une information appropriée sur le système mis en place. Le caractère prioritaire de sa demande au regard des différents critères mentionnés plus haut devra également être accessible au demandeur (« Décret n° 2019-1378 du 17 décembre 2019 relatif à la cotation de la demande de logement social » ; « HLM / Cotation de la demande de logement social », Anil, 19/12/19 ; «Cotation des demandes de logement social : le décret est paru », Localtis, 18/12/19).

1.2 Actualités générales sur le logement

France

Informations générales

Panorama de la recherche en cours ou récente dans le domaine de l'habitat et du logement
Cette nouvelle édition, réalisée par l’Union sociale pour l’habitat et le Réseau des acteurs de l’habitat et le Réseau recherche habitat logement (REHAL) présente près de 200 travaux (opérations de recherche, thèses, autres formes de coopération entre acteurs et chercheurs) recensés au cours du premier semestre 2019 auprès de la communauté scientifique et des organismes Hlm ou des collectivités locales qui ont ouvert des coopérations avec les chercheurs. Il présente en outre 32 laboratoires travaillant dans ce domaine et implantés dans tous les territoires (Panorama de la recherche en cours ou récente dans le domaine de l'habitat et du logement, M-C Jaillet, P. Panegos, D. Belargent, USH-REHAL, 10/20).

Hébergement

Instruction sur les échanges d’informations entre les centres d’hébergement d’urgence et l’OFII: le Conseil d’Etat déboute les associations mais apporte des précisions
Plusieurs associations avaient saisi le Conseil d’Etat (CE) afin de contester l’instruction du 04/07/19  relative « à la coopération entre les services intégrés d’accueil et d’orientation (SIAO) et l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII) pour la prise en charge des demandeurs d’asile et des bénéficiaires d’une protection internationale ».
Pour mémoire, cette instruction vise à  mettre en œuvre les nouvelles dispositions prévues par la circulaire « Collomb » du 12/12/17 et s’inscrivent dans la volonté de recensement par l’OFII des personnes étrangères hébergées cf. Veille doc&infos LCD et Logement  n° 41 et n°42, via la transmission mensuelles d’informations nominatives relatives aux demandeurs d’asile.
Constatant que « ce texte illustre une nouvelle fois la confusion entre le droit à l’hébergement en tant que droit fondamental et les politiques migratoires », Le Défenseur des droits (DDD) avait également décidé de présenter ses observations à l’audience.
Si le CE rejette le recours des associations, il neutralise néanmoins certains points de l’instruction. En effet, le CE rappelle que les informations recueillies sur les demandeurs d’asile présents en centre d’hébergement ne peuvent être utilisées qu’à des fins précises, limitativement énumérées par l’instruction : orienter, calculer le montant de leur allocation (ADA), fluidifier l'hébergement d'urgence. A contrario, cela signifie que cette collecte ne saurait permettre l’éloignement du territoire français d’éventuels déboutés. En outre, les informations recueillies ne peuvent être communiquées qu’aux agents de l’Ofii spécialement habilités et pas aux autres services de l’Etat, préfectures notamment.
Par ailleurs, le CE rappelle que les informations communiquées sur les demandeurs d’asile et les réfugiés par le SIAO à l’OFII ne peuvent pas non plus justifier l’interruption de leur prise en charge. Le CE reconnaît ainsi à ces publics le droit de se maintenir au sein d’un hébergement d’urgence le temps qu’une orientation adaptée leur soit proposée, « invalidant ainsi certaines pratiques visant à remettre à la rue des demandeurs d'asile au motif qu’ils relèveraient d’un dispositif dédié »;
De même, les personnes interrogées peuvent librement refuser de répondre aux questions posées dans le cadre de cette collecte et doivent être informées de l’absence de conséquences d’un défaut de réponse.
Enfin, l'intervention des équipes mobiles OFII/préfecture/DDCS au sein des centres d'hébergement en vue de l'examen du droit au séjour des personnes de nationalité étrangères accueillies ne peut pas être imposée ni aux personnes, ni aux gestionnaires de ces centres.
Pour le DDD, le CE réaffirme ainsi « le respect du principe d'inviolabilité du domicile, qu’il reconnaissait déjà dans sa décision de février 2018 » (Conseil d'État, n° 434376 du 06/11/19, Communiqués de presse du DDD du 08/11/19 et de la FAS du 14/11/19, Décision n°2019-259 du DDD du 14/10/19).

Le refus d’un département d'assurer l’hébergement d’une femme enceinte -déboutée du droit d’asile - et de ses enfants ne porte pas d'atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale, dès lors que la famille pouvait être accueillie dans un centre de préparation d'aide au retour
Mme A., de nationalité albanaise, a présenté une 1ère demande d'asile dont le rejet a été confirmé par une ordonnance de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) du 14/09/18. Par la suite, elle a fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français. Elle a présenté une demande de réexamen à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) qui l'a rejetée comme irrecevable par une décision du 21/05/19. Mme A. a bénéficié, avec son mari et leurs deux filles, actuellement âgées de 4 et 10 ans, d'une prise en charge par l'Etat dans un centre d'accueil pour demandeurs d'asile, puis au titre de l'hébergement d'urgence, avant que ne leur soit notifiée la fin de leur prise en charge à compter du 19/08/19. Le juge des référés, par une ordonnance du 16/09/19, a enjoint au département des Pyrénées-Atlantiques d'attribuer à Mme A., qui était alors enceinte de sept mois, ainsi qu'à ses deux filles, une prise en charge au titre de ses obligations de l’aide sociale à l’enfance. Le département des Pyrénées-Atlantiques a souhaité faire appel de cette ordonnance.
Par une ordonnance du 10/10/19, le juge des référés du Conseil d'État annule l’ordonnance du 16/09/19. Il relève que l'Office français de l'immigration et de l'intégration (Ofii) avait formulé à plusieurs reprises une proposition permettant à la requérante d'être hébergée, avec ses enfants et son époux, dans un Centre de préparation de l'aide au retour, à la condition qu'elle sollicite cette aide.
Dès lors, le refus du département d'assurer l’hébergement de Mme A. et ses enfants ne porte pas d'atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale, puisque la famille pouvait être accueillie dans un centre de préparation d'aide au retour et qu’elle n’a pas souhaité se saisir de cette offre (CE, n° 434950, 10/10/19).

Développer le contentieux novateur en matière d'accès et de maintien en hébergement
A l'initiative du réseau Jurislogement a eu lieu, le 14/06/19, un séminaire intitulé : « Développer le contentieux novateur en matière d'accès et de maintien en hébergement ». Ce compte-rendu (et ses annexes) présente un certain nombre de contentieux (accès et maintien en hébergement, contentieux contre l’ASE, hébergement dédié aux personnes en demande d’asile…) et de pistes sur lesquels les praticiens, tant avocats que juristes associatifs, peuvent s’appuyer (« Développer le contentieux novateur en matière d'accès et de maintien en hébergement », Compte rendu du séminaire du 14/06/19, Jurislogement)

2/ DISCRIMINATION : ACTUALITES ET INFORMATIONS GENERALES

France

Actualités générales

Un état des lieux des perceptions des discriminations et des agressions envers les musulmans de France
Cette étude de l’Ifop pour la Délégation interministérielle à la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la haine anti-LGBT (DILCRAH) et la Fondation Jean-Jaurès a été réalisée par téléphone du 26/08 au 18/09/19 auprès d’un échantillon de 1 007 personnes, représentatif de la population de confession musulmane âgée de 15 ans et plus résidant en France métropolitaine.
Il en ressort que 42% des musulmans estiment avoir été victimes au moins une fois d’une forme de discrimination liée à leur religion.
Chez ceux ayant vécu ces situations potentiellement discriminantes, la discrimination la plus répandue est celle vécue lors de contrôle des forces de l’ordre (28%), devant celles rencontrées lors de la recherche d’un emploi (24%) ou d’un logement (22%).
Les services publics constituent également des lieux d’exposition aux discriminations avec des pratiques discriminatoires par les enseignants d’un établissement scolaire (18%), dans une administration publique (15%) ou chez des professionnels de santé (12%).
Ce sont les femmes qui apparaissent plus discriminées que les hommes : 46% l’ont été au cours de leur vie, contre 38% des hommes. Pour les auteurs, « cette survictimation féminine – qui se retrouve partout sauf lors des contrôles de police et des entrées en boîte de nuit – est tirée vers le haut par les taux de discriminations records observés chez les femmes voilées (60%, contre 44% des femmes non-voilées et 38% des hommes), ce qui confirme la corrélation entre la visibilité de sa religion et l’exposition à une forme de rejet ».
L’évaluation des agressions dont les musulmans peuvent faire l’objet en raison de leur religion montrent aussi qu’elles y sont plus répandues que dans le reste de la population : un quart des musulmans ont été insultés en raison de leur religion (24%) au cours de leur vie, soit une proportion deux fois supérieure à celle observée chez les non-musulmans résidant en France (9%). De même, ils sont 7% à avoir été victimes d’une agression physique à cause de leur religion, contre 3% des non-musulmans. L’exposition à des agressions apparaît là-aussi étroitement corrélée au degré de visibilité de l’Islam : 42% des femmes portant souvent le voile ont déjà été victimes d’une injure liée à la religion, contre 27% des femmes jamais voilées et 19% des hommes.
Il est à noter que la comparaison de ces données avec celles observées pour les juifs en 2015 montre que ce n’est pas chez les musulmans que les violences liées à la religion sont les plus répandues, et ceci qu’elles soient de nature verbale (24% chez les musulmans, contre 66% chez les juifs) ou physique (7% chez les musulmans, contre 34% chez les personnes de confession juive).
Par ailleurs, cette étude confirme la difficulté à isoler chez les musulmans la référence religieuse dans un processus discriminatoire plus large qui combine d’autres variables comme par exemple les origines culturelles, la nationalité ou la couleur de peau. Cependant, alors que dans la population générale, les discriminations et agressions liées à l'appartenance religieuse semblent marginales au regard des facteurs raciaux ou ethniques, ces « résultats montrent bien que les musulmans souffrent, indépendamment d’autres variables comme leur nationalité ou leur couleur de peau, de comportements de rejet spécifiques uniquement imputables à leur confession réelle ou supposée » (« Etat des lieux des discriminations et des agressions envers les musulmans de France » : synthèse et présentation PowerPoint, IFOP, 06/11/19).

Face aux discriminations, les musulmans et les minorités demandent l’égalité
Les sept  auteur.e.s de cet article participent à un projet de recherche, intitulé « Experiences des discriminations, participation et représentation » (EOPIDAR). Le projet EODIPAR vise à « saisir les conséquences civiques et politiques des discriminations », avec pour « hypothèse centrale (…) qu’il existe un décalage entre la demande sociale relative aux enjeux de discrimination et de racisme dans la société française (…) et l’offre politique et associative visant à la prendre en charge ».  
Les constats sont issus de la conduite de 165 entretiens biographiques dans plusieurs agglomérations de France. Selon les auteur.e.s, « plus de 90 % des personnes rencontrées déclarent avoir fait au moins une fois directement, ou comme témoin, l’expérience d’une discrimination ou d’un acte stigmatisant ». Ces traitements inégalitaires constituent un « traumatisme profond pour les individus » et construisent des « identités meurtries ». Ces expériences stigmatisantes ont également des conséquences pratiques et des effets sur la santé. Dans ce contexte, un nombre croissant de Français, membres de groupes minorisés, spécialement les musulman·e·s, envisagent de quitter le pays ou l’ont déjà fait pour se prémunir de cette « atmosphère étouffante ».
L’article aborde également la question « du retour du religieux » et les liens avec les « expériences de discrimination et de stigmatisation que subissent les minorités issues de l’immigration post-coloniale ».
Les auteur.e.s notent par ailleurs, que la revendication de l’égalité est centrale dans les discours « des dizaines de militants et bénévoles actifs au sein des quartiers populaires » rencontrés au cours de l’enquête. Pour répondre à cette demande, elles et ils appellent à la mise en place  de « politiques publiques reconnaissant le caractère systémique des discriminations et prenant à bras le corps ce problème qui mine la cohésion nationale  : inspecteurs du travail dédiés, testings généralisés, sanctions réelles contre les entreprises et les institutions discriminantes (y compris les institutions publiques et d’État), attribution anonyme des logements sociaux, réforme des contrôles d’identité par la police, respect égalitaire de la loi de 1905… » (« Face aux discriminations, les musulmans et les minorités demandent l’égalité », J. Talpin, A. Purenne, G. Roux, H. Balazard, S. Hadj Belgacem,  M. Carrel et K. Sümbül, Theconversation, 24/11/19).

La fabrique de l’indésirable
La revue « Sauf-conduit », est proposée par  l’ethnopôle « Migrations, Frontières, Mémoires» (Valence, 26000). Elle a vocation à « interroger la dynamique des mouvements migratoires passés et présents, qu’ils soient imposés ou choisis, temporaires ou définitifs, du village vers la métropole, au-delà des frontières nationales, et ce jusqu’à l’échelle intercontinentale ».
Pour ce premier numéro, le comité scientifique a pris comme prétexte le 80e anniversaire des décrets-lois Daladier pour engager une réflexion collective sur la fabrique des « étrangers indésirables » hier et aujourd’hui ainsi que sur « le processus de criminalisation des personnes migrantes par les autorités des différents états européens ».
Les contributions réunies émanent de jeunes chercheur.e.s d’horizons disciplinaires variés, invité·e·s à présenter leurs travaux lors des rencontres « Voix d’exils 2018 » : A. Audeval (« «Indésirable», une catégorie d’action publique internationale »), S.Bissonier (« Les décrets-lois Daladier de 1938 ou l’exclusion des étrangers indésirables à la fin de la IIIe République »), A. Boitel (« Le XXe siècle, siècle des camps et de la Cimade. Analyse synthétique d’une action dans l’enfermement auprès des «indésirables»), T. Ott (« Les Roms, ces éternels indésirables ») et L. Leneveler («Contrer la fabrique de l’indésirable par de nouvelles formes de solidarité en faveur des exilé·e·s ») (« La fabrique de l’indésirable », Sauf-conduit 01/19, 11/19). 

Emploi 

BTP : pour la première fois en France, une entreprise condamnée pour discrimination raciale et systémique
C’est une première en France : un jugement du Conseil de prud’hommes de Paris, du 17/12/19, condamne la société de construction MT BAT immeubles -désormais liquidée- pour discrimination systémique en raison des origines et de la nationalité.
Tout commence en 2016, lorsqu’un salarié malien chute depuis un échafaudage non sécurisé sur un chantier du BTP parisien. Alors que l’homme gît sans connaissance sur le sol, le représentant de son employeur, l’entreprise MT BAT, refuse d’alerter les secours. Les pompiers et l’inspection du travail, contactés par un autre salarié, se rendent sur les lieux, et constatent des conditions de travail déplorables.
Epaulés par la CGT, plusieurs salariés débutent ensuite un mouvement de grève qui leur permettra d’obtenir la régularisation administrative de leur situation et leur réembauche par le donneur d’ordres du chantier, l’entreprise Capron.
Quatre mois après le placement en liquidation judiciaire de la société MT BAT, 25 salariés concernés saisissent les prud’hommes en demandant le paiement de diverses sommes. L’inspection du travail, qui avait diligenté une vaste enquête, avait rédigé un procès-verbal dans lequel elle relevait de multiples infractions à la législation à l’égard de ces travailleurs en situation irrégulière employés dans des conditions particulièrement indignes et dangereuses à des travaux de démolition d’un immeuble.
Saisi de cette situation, le Défenseur des droits ((DDD) a mené une enquête approfondie, nourrie notamment par les constats de l’inspection du travail et des études sociologiques sur la place des travailleurs maliens dans le secteur du BTP.
En mai 2019, le DDD a présenté des  observations devant le conseil de prud’hommes de Paris, établissant que ces 25 travailleurs maliens, dépourvus d’autorisation de séjour et de travail avaient été victimes de discrimination « raciale et systémique ».
Selon le DDD, la discrimination systémique se définit comme «relevant d’un système, c’est-à-dire d’un ordre établi provenant de pratiques, volontaires ou non, neutres en apparence, mais qui donnent lieu à des écarts de rémunération ou d’évolution de carrière entre une catégorie et une autre ». Ce concept de discrimination systémique, au-delà de la somme des situations individuelles, permet d’analyser comment un groupe entier peut être particulièrement défavorisé par rapport à un autre.
En l’espèce, il ressortait de l’enquête du DDD que l’employeur considérait ce groupe de travailleurs sans papiers maliens comme homogène, invisible et interchangeable. Un système de hiérarchisation des tâches de chacun sur le chantier existait, non en fonction de ses compétences, mais en fonction de ses origines réelles ou supposées. Ainsi, le groupe de travailleurs sans papiers maliens était affecté et maintenu aux tâches les plus pénibles et dangereuses, à savoir les tâches de manœuvre dans les opérations de démolition, et ce sans équipement de protection.
De plus, pour le DDD, « la dépendance économique de ces salariés due à leur situation irrégulière sur le territoire a permis à l’employeur d’abuser de leur vulnérabilité induite par ce statut et de les faire travailler dans des conditions de travail contraires à la dignité ».
Le sociologue N. Jounin, cité comme témoin à l’audience,  a également contribué à mettre en lumière un système de domination fondé sur des considérations racistes.
Le jugement du Conseil de prud’hommes de Paris repose sur la même analyse. Pour Me Chanu qui représentait les travailleurs concernés ainsi que la CGT à l’instance, c’est une approche « extrêmement efficace sur ce type de dossier de discrimination » car «une approche individualisée classique aurait posé problème sur le terrain de la preuve, et, surtout, n’aurait pas permis d’appréhender le véritable problème dans sa dimension d’organisation, de système ».
L'entreprise, qui a « préféré privilégier l’état d’avancement des travaux à la sauvegarde de l’intégrité corporelle et de la vie des salariés, appréhendés comme de simples composants remplaçables », devait être condamnée à verser à chacun des requérants près de 18 000 euros à titre de dommages et intérêts pour discrimination raciale et systémique, et environ 9 000 euros pour travail dissimulé. Compte tenu de la liquidation de la société, c'est l'AGS (le Régime de garantie des salaires) qui s'en acquittera.
Les demandeurs devront également percevoir, entre autre, les sommes de 4 400 euros pour non-respect de son obligation de sécurité, et de 1 500 euros pour non-respect de son obligation de formation (« Le défenseur des droits salue la reconnaissance judiciaire de la discrimination systémique à l’égard de 25 travailleurs maliens dépourvus de titre de séjour », CP du 18/12/19, DDD ; « Travailleurs sans-papiers : un premier jugement reconnaissant la discrimination raciale systémique », CP du 18/12/19, CGT ; « Un employeur du BTP condamné pour discrimination raciale et systémique envers des salariés sans papier », Le Moniteur,  18/12/19 ; « Décision 2019-108 relative à la situation de 25 travailleurs en situation irrégulière s’estimant victimes de traitements discriminatoires de la part de leur employeur, une entreprise du secteur du bâtiment, en raison de leur origine et de leur nationalité », 19/04/19, DDD).

Testing sur le recrutement des emplois francs : une discrimination « significative et robuste » selon le critère de l’origine
Cette étude, menée par le TEPP pour le compte du Commissariat Général à l'Egalité des Territoires, présente les résultats de trois vagues de tests, espacées de six mois, permettant de mesurer l’évolution des discriminations dans l’accès à l’emploi selon l’origine et le lieu de résidence dans les trois départements d’Ile-de-France qui ont expérimenté le dispositif des emplois francs, mis en œuvre à partir d’avril 2018 dans près de 200 quartiers de la politique de la ville à titre expérimental. La première vague de test a été effectuée entre février et avril 2018, avant le déploiement des emplois francs, qui consistent en une aide financière aux entreprises en cas d’embauche d’un demandeur d’emploi résidant dans un quartier politique de la ville. La deuxième vague de test a eu lieu six mois après le démarrage du dispositif, entre octobre et décembre 2018. La dernière vague a eu lieu un an après la première, entre février et mai 2019. Les tests portent à chaque fois sur quatre candidats dans trois professions différentes, serveur, chargé de clientèle et comptable. Au total, il a été répondu à 2436 offres d’emploi, correspondants à 9744 candidatures envoyées entre février 2018 et mai 2019.
L’étude met en évidence une discrimination significative et robuste selon le critère de l’origine, à l’encontre du candidat français présumé maghrébin, dans tous les territoires de test et pour les trois professions testées. Elle démontre également une discrimination plus faiblement significative selon le lieu de résidence, pour une partie des tests. Pour les auteurs « le déploiement des emplois francs depuis avril 2018 n’a pas coïncidé avec un changement des discriminations dans l’accès à l’emploi, selon l’origine et selon le lieu de résidence, ni dans leur nature, ni même dans leur ampleur » (« Les effets des emplois francs sur les discriminations dans le recrutement : une évaluation par testing répétés », L. Challe, S. Chareyron, Y. L’horty, P. Petit, TEPP rapport de recherche n°2019-07).

Baromètre du Fait Religieux en Entreprise 2019 : un phénomène en constante augmentation depuis 2014 même si, très majoritairement, cela ne pose pas problème
La 7ème édition du Baromètre du Fait religieux en Entreprise, commandée par l’Institut Montaigne  et l’Observatoire du Fait Religieux en Entreprise (OFRE), est basée sur une  enquête d’opinion auprès de plus de 1 100 managers. Elle révèle que 70 % des répondants rencontrent régulièrement ou occasionnellement le fait religieux au travail. L’institut Montaigne rappelle que si le fait religieux en entreprise n’est pas un phénomène nouveau, celui-ci est en augmentation constante. Ainsi, en 2012 (date de lancement du baromètre,) c’était 44 % des encadrants qui déclaraient avoir à faire face à des faits religieux en situation de travail.
Par ailleurs, en 2019, plus de la moitié des faits religieux ont nécessité une intervention managériale, contre seulement un quart en 2014.
Pour autant, l’étude rappelle que les faits religieux ne sont pas observés plus fréquemment que les faits politiques ou philosophiques dans l’entreprise.
De même, une grande majorité des faits religieux en entreprise ne pose pas problème.
Parmi les cas de fait religieux nécessitant une intervention managériale (54 % en 2019), 81 % d’entre eux ne génèrent pas de blocage ou de conflit. Il est à noter néanmoins que cette proportion est en baisse par rapport à 2014 (94 %). Les demandes des salariés en lien avec leur religiosité sont donc majoritairement considérées comme raisonnables, et il n’y a que très peu « d’effets de groupe » : près de neuf sur 10 d’entre elles sont individuelles.
Bien que toujours minoritaires, la part des faits religieux qui créent conflits et blocages, parmi ceux nécessitant une intervention managériale, est en constante augmentation depuis 2013. Elle a ainsi triplé en 6 ans (de 6 à 19 %) et, aujourd’hui, près d’un manager sur 10 faisant face au fait religieux se considère débordé par ce dernier. C’est le cas, notamment, lorsque les demandes sont portées par plusieurs salariés (12 % des cas).
Ce sont bien souvent les managers de proximité qui doivent gérer, seuls, ces situations. Généralement, ils donnent la priorité au travail tout en étant ouverts à la recherche d’arrangements par la discussion afin de permettre aux salariés pratiquants d’articuler leur activité professionnelle et leur spiritualité. Peu d’entre eux ont à leur disposition des outils concrets pour gérer ces situations et 45 % des entreprises concernées occasionnellement ou régulièrement par le fait religieux ne mettent en place aucune action de gestion du fait religieux (« Religion au travail : croire au dialogue-Baromètre du Fait Religieux en Entreprise 2019 », L. Honoré, Institut Montaigne, 11/19 : Etude, Baromètre, Résumé).

Intégration

Comité interministériel sur l'immigration et l'intégration : 20 mesures concernant l’immigration, l’asile et l’intégration
Quatre semaines après le premier débat annuel sur l’immigration à l’Assemblée et au Sénat, le gouvernement, par le biais du Comité interministériel sur l'immigration et l'intégration, a entériné, le 06/11/19, 20 décisions. Selon le 1er ministre, elles devraient permettre d’atteindre « le juste équilibre entre les droits et les devoirs ». Si certaines mesures sont déjà mises en œuvre, d’autres nécessiteront des modifications législatives ou réglementaires. Surtout, elles touchent de nombreux pans de la politique migratoire et de l'accueil des primo-arrivants : accès aux soins, visas et titres de séjour, quotas d'immigration économique, étudiants internationaux, immigration familiale, maîtrise de la langue française, accueil des usagers en préfecture, campements, hébergement, répartition et traitement de la demande d'asile, mineurs non accompagnés…
Les mesures les plus contestées concernent le volet sanitaire et social et s'appuient pour partie sur le récent rapport de l'Inspection générale des affaires sociales (Igas) et de l'Inspection générale des finances sur l'aide médicale d'État (AME) : mise en place d’un délai de carence pour qu’un certain nombre de soins et traitements soient pris en charge, contrôles renforcés,  regroupement du traitement des demandes dans trois CPAM  et nécessité de faire sa demande d'AME en présentiel.
Les demandeurs d'asile qui, étant en situation régulière, ont aujourd'hui directement accès à la protection universelle maladie (PUMa) et à la couverture santé solidaire (CSS, qui remplace la CMU-C et l'ACS), font également l'objet de mesures. Ils pourraient en effet attendre trois mois pour bénéficier de ces prestations, sauf en cas de soins urgents. Une autre mesure est prévue pour éviter que d'anciens bénéficiaires de l'allocation pour demandeurs d'asile (ADA) bénéficient du RSA de façon rétroactive (à compter de la date de leur demande) à l'expiration de leurs droits à l'ADA. Il est à noter que cette mesure pourrait aller à l’encontre de l’aspect récognitif du statut de réfugié. Enfin, la durée de maintien de la PUMa après l'expiration d'un titre de séjour ou la notification d'un refus de droit d'asile devrait être ramenée d'un an à six mois.
Hors accès aux soins, une autre mesure concerne l'ADA. Elle consistera à remplacer la carte de retrait actuelle (qui permet au bénéficiaire de l'allocation mensuelle de retirer de l'argent liquide) par une carte de paiement.
Plus positive, une mesure prévoit de mettre en place, dans chaque région, un « parcours de santé » pour les primo-arrivants, avec un « rendez-vous santé » dans les quatre mois suivant l'entrée sur le territoire.
Par ailleurs, au niveau européen, la France prévoit de « proposer une refondation de Schengen et du régime d'asile européen » à ses partenaires de l'UE.
D'autres mesures annoncées concernent davantage la dimension régalienne de l'État (renforcement de l'aide publique au développement (APD) et amélioration du pilotage stratégique de la politique des visas). Le législateur sera associé à cette dimension régalienne, avec la confirmation de l'organisation d'un débat annuel au Parlement sur les objectifs (ou quotas non limitatifs) d'immigration professionnelle, par secteur d'activité et à partir d'une liste de métiers en tension qui sera rediscutée chaque année.
Est également confirmé le déploiement de la stratégie « Bienvenue en France », avec pour objectif un doublement du nombre d'étudiants internationaux d'ici à 2027, pour atteindre les 500.000 étudiants.
Au niveau des regroupements familiaux, il est  prévu de « renforcer la lutte contre la fraude en matière d'immigration familiale » et concernant la naturalisation, l'exigence sur le niveau de langue française des candidats sera renforcée.
Côté intégration, les mesures entendent notamment améliorer l'accueil des usagers en préfecture - grâce à la dématérialisation-  et de réduire le montant des taxes sur les titres de séjour.
Ce volet « d'intégration » inclue également la poursuite de l'évacuation des campements insalubres et la volonté de « consolider les capacités d'hébergement des demandeurs d'asile et en optimiser l'emploi ». L'objectif est de parvenir à une répartition plus équilibrée et homogène de la demande d'asile sur l'ensemble du territoire national. Une « orientation directive » sera ainsi mise en œuvre dans trois agglomérations en 2020, en fonction des capacités d'hébergement disponibles.
D’autres mesures sont déjà mises en œuvre : c’est le cas des échanges d'informations entre les Siao (services intégrés de l'accueil et de l'orientation) et l'Ofii (Office français de l'immigration et de l'intégration), issus de la circulaire Collomb de 2017 et vivement contestés par les associations. C'est le cas également des mesures concernant la prise en charge et l'orientation des MNA (mineurs non accompagnés). Sont toutefois prévues, dès janvier 2020, la mise en place d'un mécanisme incitant financièrement les conseils départementaux à utiliser le fichier AEM (aide à l'évaluation de minorité) et la diffusion d'une circulaire pour faciliter la délivrance d'un titre de séjour aux MNA devenus adultes, engagés dans un parcours professionnalisant.
En matière de lutte contre l'immigration clandestine, il est annoncé la création de trois nouveaux centres de rétention administrative (CRA), qui s'ajouteront aux 389 places ouvertes en 2019. Le gouvernement entend également renforcer la lutte contre l' « overstaying », autrement dit le maintien illégal sur le territoire ou le refus d'exécuter une OQTF (obligation de quitter le territoire français). Un nouveau système dit d'entrée/sortie, dont la mise en œuvre est prévue pour février 2022, devrait permettre de « détecter en temps réel les personnes ayant dépassé le temps de séjour autorisé ». Dans le même esprit, mais sans fixer d'objectifs quantitatifs, le gouvernement s'engage à « procéder à l'éloignement des déboutés de l'asile », notamment ceux provenant de pays d'origine sûrs, et à réaliser les transferts Dublin (« 20 décisions pour améliorer notre politique d’immigration, d’asile et d’intégration », Comité interministériel sur l’immigration et l’intégration, 06/11/19 ; «Introduction de M. Édouard PHILIPPE, Premier ministre, lors de la conférence de presse relative au comité interministériel sur l’immigration et l’intégration », 06/11/19 ;  « Immigration : entre durcissement et intégration, le gouvernement vise le « juste équilibre »», Localtis, 06/11/19).

Santé

Refus de soins discriminatoires : l’origine et la vulnérabilité économique testées dans trois spécialités médicales
Le Défenseur des droits (DDD) a publié les résultats d’un test de situation sur « Les refus de soins discriminatoires liés à l’origine et à la vulnérabilité économique dans trois spécialités médicales » réalisé, à la demande du Défenseur des droits et du Fonds CMU-C, par une équipe
de recherche du TEPP-CNRS.
Malgré l’existence de dispositifs visant à garantir un accès aux soins pour les plus démunis, tels que la Couverture maladie universelle complémentaire (CMU-C) ou l’Aide au paiement d’une complémentaire santé (ACS), l’étude démontre que les pratiques de certains professionnels de santé freinent la pleine effectivité de l’accès aux soins.
Cette enquête, qui s’appuie sur un testing téléphonique réalisé entre février et mai 2019, avait pour objectif de mesurer les différences de traitement dans l’accès aux soins auprès de chirurgiens-dentistes, gynécologues et psychiatres et selon deux critères : l’origine supposée de la patiente (identifiée à travers son nom) et la vulnérabilité économique (identifiée par le fait de bénéficier de la CMU-C ou de l’ACS).Plus de 1 500 cabinets de ces trois spécialités ont été testés, 4 500 demandes de rendez-vous et 3 000 tests ont été réalisés dans ce cadre.
Il en résulte que plus d’un cabinet sur dix a refusé de recevoir les personnes du fait qu’elles sont bénéficiaires d’une telle prestation : 9% des chirurgiens-dentistes, 11% des gynécologues et 15% des psychiatres. L’ACS apparaît plus pénalisante que la CMU-C dans les trois spécialités testées, avec jusqu’à deux fois plus de refus de soins discriminatoire pour les bénéficiaires de ce dispositif. Ces pratiques sont plus marquées chez les professionnels du secteur 2 par rapport à ceux du secteur 1.
L’étude révèle également, dans certaines régions seulement, des discriminations selon l’origine.
En conclusion, le DDD rappelle qu’un refus de soins discriminatoire à l’encontre d’un bénéficiaire d’une aide ciblée, du fait de sa situation de vulnérabilité économique ou de son origine, est un acte contraire à la déontologie et à l’éthique médicale, mais aussi un délit au regard de la loi (« Refus de soins : les plus démunis discriminés », communiqué de presse du DDD, 29/10/19 ; « Les refus de soins discriminatoires : tests multicritères et représentatifs dans trois spécialités médicales », S. Chareyron, Y. L’Horty, P. Petit, TEPP, 01/10/19).

Droits sociaux

Allocation de solidarité aux personnes âgées : inopposabilité aux ressortissants marocains, tunisiens et algériens de la condition d’antériorité de séjour régulier de dix ans
Le Défenseur des droits (DDD) avait été saisi d’une réclamation relative au refus d’allocation de solidarité aux personnes âgées (ASPA), opposé par la caisse de mutualité sociale agricole (MSA), à un ressortissant marocain, au motif qu’il ne remplissait pas la condition d’antériorité de séjour de dix années sous couvert d’un titre de séjour autorisant à travailler, requise par l’article L.816-1 du code de la sécurité sociale.
Or, en matière d’ASPA, les ressortissants marocains doivent, en application de l’article 65 de l’accord UE-Maroc, être traités comme s’ils étaient ressortissants d’un État membre de l’Union européenne, ce qui implique notamment l’exclusion de toute condition d’ancienneté de résidence ou d’antériorité de séjour. Le DDD souligne que d’autres nationalités se sont vues exemptées de la condition d’antériorité de séjour par la jurisprudence puis par la pratique des caisses en application d’engagements internationaux conclus par la France. Cependant, il constate que les pratiques des caisses qui versent l’ASPA ne sont pas harmonisées s’agissant notamment des Marocains mais également des Tunisiens et des Algériens.
Par conséquent, le DDD prend acte de la décision du directeur de la MSA de réexaminer la situation individuelle du réclamant à la suite de son intervention, lui permettant ainsi de percevoir le rappel des sommes qui lui étaient dues au titre de l’ASPA.
Il recommande également à la directrice de la sécurité sociale de rappeler par voie d’instruction publique adressée à l’ensemble des organismes amenés à verser l’ASPA, que la condition de justifier de la possession, depuis au moins dix ans, d’un titre de séjour autorisant à travailler, prévue par l’article L.816-1 du code de la sécurité sociale, n’est opposable ni aux ressortissants marocains et tunisiens, ni aux ressortissants algériens et ce, quel que soit leur régime de rattachement (DDD,  Décision n° 2019-231, 04/10/19).  

Education 

Racisme et discrimination raciale, de l’école à l’université
Ce colloque interdisciplinaire s’est déroulé du 27 au 29/09/18. Il  visait à ouvrir le débat sur la réalité du racisme et des discriminations raciales dans les champs scolaire et académique, à partir d’un état actualisé des connaissances. De portée internationale, bien que particulièrement centré sur l’analyse de la situation dans l’espace national français, il avait vocation à dresser une « cartographie » de ce que l’on sait ou non à ce jour sur les processus de racisme et de discrimination raciale à l’école et dans le monde académique, dans leurs articulations avec les autres systèmes de pouvoir et de hiérarchisation sociale, afin de pouvoir dégager des perspectives pour des programmes ultérieurs de recherche. D’autre part, il souhaitait contribuer à rendre visibles, audibles et discutables publiquement des questions controversées, des travaux peu visibles ou méconnus ainsi que des problématisations laissant leur place aux « savoirs assujettis ».
L’Université Nice Sophia Antipolis met désormais à disposition les vidéos des différent.e.s intervenant.e.s.