Veille documentaire et informations N°46 - Juillet 2020

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Table des matières


1/LOGEMENT : ACTUALITES ET INFORMATIONS GENERALES

1.1        Discrimination et logement

France

Actualités générales
Des quiz pour tester ses connaissances sur la question des discriminations au logement

Bidonvilles
CEDH : la France condamnée pour ne pas avoir correctement pris en compte les conséquences de l’expulsion d’un campement de « Roms », ni la situation particulière des requérants
Les bénévoles, artisans institutionnalisés des politiques migratoires locales ?
Bidonville, sortir, s’en sortir

Demandeurs d’asile :
CEDH : laisser à la rue des demandeurs d'asile, sans prise en charge matérielle et financière, relève d’un traitement inhumain et dégradant

Ségrégation
Evolution de la ségrégation résidentielle sur 25 ans : les immigrés d’origine extra-européenne sont nettement plus ségrégés que les autres catégories de population, mais moins en 2015 qu’en 1990

Mixité sociale
Les Conventions Intercommunales d’Attribution : une opportunité pour concilier la mixité sociale et l’égalité de traitement ?
Parc privé

Capitalisation des connaissances sur les discriminations dans le parc privé et les instruments d’action publique pour les combattre
Des fiches pratiques pour lutter contre les discriminations dans le secteur du logement d’insertion

Parc social
Les difficultés d’accès au parc social des ménages à faibles ressources
Recherche « Attribution des logements sociaux, politiques de peuplement et intercommunalités : quelles recompositions ? » - Actes du séminaire
La cotation de la demande et la location voulue
Politique sous contrainte et genèse de discriminations ethno-raciales (1950-1990) : une histoire des hlm en banlieue populaire

Dalo
Les décisions de  refus réitérées d’une commission de médiation fondées sur l’irrégularité du séjour peuvent constituer une discrimination directe

1.2        Actualités générales sur le logement

Europe

Informations générales
Instruments pour le plaidoyer et le contentieux stratégique sur le droit au logement en Europe

Coronavirus
La Fondation Abbé-Pierre et la Feantsa tirent les leçons de la pandémie

France

Coronavirus
Sans logis : Le Conseil d’État rejette les demandes des associations attaquant les carences de l’État pendant la crise sanitaire
Migrants dans l'épidémie : un temps d'épreuves cumulées
Politique de la ville : panser le présent, penser les futurs
Le covid-19, la guerre et les quartiers populaires

Hébergement
Le Département tenu de prendre en charge l'hébergement des femmes enceintes et des mères isolées accompagnées d'enfants de moins de trois ans, même dans une structure habilitée seulement par l’Etat

Parc social
Comprendre les mécanismes conduisant aux refus des attributions par les demandeurs
La numérisation de la demande de logement social : une procédure simplifiée pour les demandeurs, une gestion à fiabiliser

Dalo
Douze ans après la promulgation de la loi, le DALO en péril

2/ DISCRIMINATION : ACTUALITES ET INFORMATIONS GENERALES

International

Coronavirus
Inégalités ethno-raciales et coronavirus

France

Actualités générales
Discriminations et origines : l’urgence d’agir
Inégalités d’accès aux droits et discriminations en France

Accueil et séjour
Procédure d’admission au séjour : pour le DDD, la dématérialisation accroît les difficultés et n’est pas conforme aux garanties dont sont en droit de bénéficier les usagers des administrations
Entrée, séjour et premier accueil des personnes étrangères : le regard sévère porté par la Cour des comptes
Pour des politiques migratoires conformes à toutes les exigences de la République

Demandeurs d’asile
Modalités de versement de l’allocation pour demandeur d’asile (ADA) : le  DDD estime que la mise en place d’une carte de paiement fait naître de nouvelles difficultés pour les demandeurs d’asile

Contrôle au faciès
Relations police-population : une synthèse des points de vue d’experts européens

Emploi
Discriminations à l’embauche : sept grandes entreprises, épinglées par un testing, en contestent la méthodologie
Le port de la barbe, malgré sa taille,  ne peut être regardé, en l’absence  d’autres éléments, comme la manifestation d'une revendication ou d'une appartenance religieuse
Port d’une barbe : en cas de licenciement, l’employeur doit justifier son appréciation
Refuser l’accès aux formations au motif que le titre de séjour du demandeur d’emploi expire au cours de celle-ci est discriminatoire
Faire vivre l’égalité au travail

Droits sociaux

Droits sociaux liés à l’habitat : des fiches pratiques pour donner des moyens d’action 

Education
La prévention des discriminations ethno-raciales dans le champ scolaire
Laïcité et religion au sein de l’école et dans la société

1/LOGEMENT : ACTUALITES ET INFORMATIONS GENERALES

1.1 Discrimination et logement

France

Actualités générales

Des quiz pour tester ses connaissances sur la question des discriminations au logement
Notre association vous propose, à travers une série de trois quiz mise en ligne sur notre site, de tester vos connaissances sur la question des discriminations. Si le premier questionnaire a vocation à donner des éléments de définition, de cadrage juridique et de mise en contexte, les deux autres quiz abordent respectivement la question des discriminations dans le logement social et dans le logement privé.

Bidonvilles

CEDH : la France condamnée pour ne pas avoir correctement pris en compte les conséquences de l’expulsion d’un campement de « Roms », ni la situation particulière des requérants
Le 29/03/13, le préfet de Seine-Saint-Denis met en demeure « les gens du voyage installés illégalement » sur la commune de La Courneuve de quitter les lieux dans un délai de 48 heures, sans quoi il sera procédé à une « évacuation forcée ». L’ensemble des recours formés contre cet arrêté, demandant un délai supplémentaire pour trouver un hébergement stable, a été déclaré irrecevable. Sans solution, ces ressortissants roumains décident finalement de s’installer quelques rues plus loin, dans la commune voisine de Bobigny. Quelques mois plus tard, une autre mise en demeure de quitter les lieux sous 48 heures intervient, cette fois non pas du préfet, mais du maire de la commune. Là encore, les juridictions administratives internes rejettent les recours.
Sept des personnes concernées saisissent la Cour Européenne des Droits de l’Homme (CEDH) qui condamne les autorités françaises pour ne pas avoir pris en compte les conséquences de cette mesure d’expulsion et leur situation particulière. Elle conclue qu’il y a eu violation des articles 8 (droit au respect de la vie privée et familiale) et 13 (droit à un recours effectif) de la Convention européenne des droits de l’homme.
Sur le terrain de l’article 8, appliquant sa jurisprudence, la Cour considère qu’une mesure d’évacuation d’un campement comme en l’espèce constitue une ingérence dans le droit au respect de la vie privée et familiale. Elle reconnaît que les autorités avaient en principe le droit d’expulser les requérants, puisqu’ils occupaient illégalement un terrain communal et, en tant qu’occupants sans titre, ne pouvaient prétendre avoir une espérance légitime d’y rester - d’autant plus qu’ils n’y étaient installés que depuis six mois.
Cependant, la CEDH constate que, vu le bref délai entre l’adoption de l’arrêté préfectoral, sa notification et l’évacuation elle-même, aucune des mesures préconisées par la circulaire interministérielle de 2012 relative à l’anticipation et à l’accompagnement des opérations d’évacuation des campements illicites n’avait été mise en place (diagnostic des familles et personnes concernées, accompagnement en matière scolaire, sanitaire et d’hébergement). Elle ajoute qu’en raison de la procédure de mise en demeure appliquée, le recours prévu par le droit interne est intervenu après la prise de décision par l’administration, alors que dans d’autres cas, le juge judiciaire examine la proportionnalité de la mesure avant de prendre sa décision. Enfin, les recours introduits par les requérants, déclarés irrecevables, ne leur ont pas permis ultérieurement de faire valoir leurs arguments devant une juridiction.
Or, d’une part, la CEDH rappelle que la communauté « Rom » constitue un groupe socialement défavorisé et vulnérable. A ce titre, ses besoins particuliers doivent être pris en compte dans l’examen de proportionnalité que les autorités nationales sont tenues d’effectuer, non seulement lorsqu’elles envisagent des solutions à l’occupation illégale des lieux, mais encore, si l’expulsion est nécessaire, lorsqu’elles décident de sa date, de ses modalités et, si possible, d’offres de relogement.
D’autre part, au titre des garanties procédurales de l’article 8, toute personne victime d’une ingérence dans les droits que lui reconnaît cette disposition doit pouvoir faire examiner la proportionnalité de cette mesure par un tribunal indépendant à la lumière des principes pertinents qui en découlent. Au regard de l’ensemble de ces éléments, la CEDH conclut à la violation de l’article 8 de la Convention.
Sous l’angle de l’article 13 de la Convention, la CEDH constate que ni le recours suspensif spécifique à la mesure d’évacuation du campement (prévu par la loi du 5 juillet 2000), ni le recours en référé liberté n’ont permis un examen juridictionnel des arguments des requérants sous l’angle des articles 3 et 8 de la Convention, en première instance, ni au fond, ni en référé. Elle conclut ainsi à la violation de l’article 13 (Affaire Hirtu et autres c. France, Requête n° 24720/13, CEDH, 14/05/20 : décision et communiqué de presse; Suivi de la « Décision MLD-MDE-MSP-MDS-2014-111 » du Défenseur des Droits ; « Expulsion d’un campement de roms : l’acharnement de la France condamnée par la CEDH », ASH, 18/05/20).

Les bénévoles, artisans institutionnalisés des politiques migratoires locales ?
Cette contribution, rédigée par L.Bourgois et M. Lièvre met en lumière de nouvelles relations entre État et société civile dans les politiques migratoires locales et, plus particulièrement, dans les politiques d’insertion sociale et économique. À partir d’enquêtes de terrain ethnographiques menées dans trois agglomérations françaises, les auteurs mettent à jour un mouvement d’institutionnalisation progressive de l’action bénévole au sein de l’action publique. Les terrains d’enquête sont des « dispositifs d’insertion » initiés par l’État et confiés à des associations, visant à l’insertion sociale de migrants européens précaires identifiés comme « Roms », vivant en habitat précaire. L’article propose une analyse en deux temps. Un premier temps revient sur le choix des services de l’État de confier à des tiers « opérateurs » la mise en oeuvre de « dispositifs d’insertion », en fixant des orientations notamment en matière de mobilisation de bénévoles. Un second temps concerne les modalités pratiques de cette institutionnalisation du bénévolat dans la réponse publique. L’hypothèse développée en filigrane est celle d’une politique migratoire qui se construit en partie sur des stratégies de canalisation, de mise à distance et d’institutionnalisation d’une action bénévole dépolitisée (« Les bénévoles, artisans institutionnalisés des politiques migratoires locales ? », L.Bourgois et M. Lièvre, Lien social et Politiques n°83, 2019).

Bidonville, sortir, s’en sortir
Trajectoires, association spécialisée dans la prise en compte de populations migrantes, la Fondation Abbé Pierre et la Dihal (Délégation interministérielle à l’hébergement et à l’accès au logement des personnes sans abri ou mal logées) s’associent à nouveau pour suivre les parcours d’accès au logement des personnes sorties des bidonvilles. Parue en 2016, la première étude Trajectoires cf. Veille doc&infos LCD et Logement n° 38montrait, à travers l’analyse d’une cinquantaine de cas particuliers, que l’insertion des habitants des bidonvilles était possible en s’appuyant notamment sur des stratégies territoriales et partenariales. Quatre ans après, cette nouvelle étude fait le point sur la situation des personnes rencontrées lors de la première étude : que sont-elles devenues ? Leur situation est-elle devenue stable ? Qu’en est-il de leur entourage ? Des enfants et leur scolarisation ? Bien que tous soient spécifiques, les parcours individuels ont néanmoins des difficultés communes, souvent d’ordre administratif (titres de séjours), qui induisent d’autres difficultés dans la vie quotidienne comme par l’exemple l’ouverture d’une ligne de téléphone, l’obtention d’un prêt bancaire…L’accès au logement, à la santé, à la formation et à l’éducation pour les enfants apparaissent essentiels à l’insertion et par conséquent à la résorption des bidonvilles (« Bidonvilles, sortir, s’en sortir : 4 ans après – parcours et stratégies d’insertion à partir du logement », A. Leclève, G. Lardanchet, O.Peyroux, Trajectoires, 11/19).

Demandeurs d’asile 

CEDH : laisser à la rue des demandeurs d'asile, sans prise en charge matérielle et financière, relève d’un traitement inhumain et dégradant
C’est le sens de la décision prise contre la France par la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) concernant le sort de trois demandeurs d'asile qui avaient été contraints de vivre dans la rue en 2013. En l'espèce, les trois requérants – demandeurs d'asile respectivement afghan, iranien et russe – estimaient n'avoir pas pu bénéficier d'une prise en charge matérielle et financière prévue par le droit national et avoir, dès lors, été contraints de dormir dans la rue dans des conditions inhumaines et dégradantes pendant plusieurs mois. Deux d'entre eux n'ont ainsi perçu l'allocation temporaire d'attente (ATA) qu'après des délais de 185 et de 133 jours. De plus, avant de pouvoir faire enregistrer leur demande d'asile, tous trois ont été soumis à des délais pendant lesquels ils n'étaient pas en mesure de justifier de leur statut de demandeur d'asile (durant respectivement 95, 131 et 90 jours).
La CEDH a considéré que les autorités françaises avaient manqué à leurs obligations prévues par le droit interne. Elles doivent donc être tenues pour responsables des conditions dans lesquelles les requérants se sont trouvés pendant des mois, vivant dans la rue, sans ressources, sans accès à des sanitaires, ne disposant d’aucun moyen de subvenir à leurs besoins essentiels et dans l’angoisse permanente d’être attaqués et volés. La Cour estime que « les requérants ont été victimes d’un traitement dégradant témoignant d’un manque de respect pour leur dignité et que cette situation a, sans aucun doute, suscité chez eux des sentiments de peur, d’angoisse ou d’infériorité propres à conduire au désespoir. Elle considère que de telles conditions d’existence, combinées avec l’absence de réponse adéquate des autorités françaises qu’ils ont alertées à maintes reprises sur leur impossibilité de jouir en pratique de leurs droits et donc de pourvoir à leurs besoins essentiels, et le fait que les juridictions internes leur ont systématiquement opposé le manque de moyens dont disposaient les instances compétentes au regard de leurs conditions de jeunes majeurs isolés, en bonne santé et sans charge de famille, ont atteint le seuil de gravité requis par l’article 3 de la Convention ».De ce fait, les requérants ont été victimes d’un traitement dégradant témoignant d’un manque de respect pour leur dignité. La France est donc condamnée à verser à chacun des requérants au titre du préjudice moral, une somme de 10 à 12 000€, en fonction de ce qu’ils avaient individuellement subi (N.H. & autres c. France dont Requête N° 28820/13, Communiqué de Presse, CEDH, 02/07/20 ; Pour aller plus loin : « Peur, attentes et dénuement. La France est condamnée pour traitement dégradant des demandeurs d’asile », M-L Basilien-Gainche,  La Revue des droits de l’homme, 14/07/20).

Ségrégation

Evolution de la ségrégation résidentielle sur 25 ans : les immigrés d’origine extra-européenne sont nettement plus ségrégés que les autres catégories de population, mais moins en 2015 qu’en 1990
La ségrégation résidentielle désigne l’inégale répartition dans l’espace urbain de di­fférentes catégories de population. Elle peut résulter de choix individuels, motivés par la recherche d’un entre soi, ou de phénomènes de relégation, liés notamment au prix des logements. Comment a-t-elle évolué sur le long terme ? Cette note de France Stratégie passe au crible les 55 unités urbaines de France métropolitaine de plus de 100 000 habitants entre 1990 et 2015, à partir de données du recensement.
Les auteurs observent d’abord que les cadres et chefs d’entreprise sont une fois et demie plus inégalement répartis que les ouvriers et employés. Dans l’agglomération parisienne, cette ségrégation résidentielle a augmenté pour les uns comme pour les autres. Ailleurs, elle a baissé en moyenne pour les cadres et est restée stable pour les ouvriers et employés. Moins nombreux, ces derniers vivent moins souvent dans un quartier où ils sont majoritaires (un sur deux en 1990, un sur trois en 2015) ; à l’inverse, une part croissante de cadres vit dans un quartier à majorité de cadres (0,1 % en 1990, 14 % en 2015). Par ailleurs, les 10 % des ménages les plus aisés sont répartis de manière aussi peu homogène que les 10 % les plus pauvres − sauf à Paris où les plus riches sont particulièrement ségrégés. Les immigrés d’origine européenne ont un indice de ségrégation faible et stable dans le temps. Ceux d’origine extra-européenne, et surtout leurs enfants, sont nettement plus ségrégés, mais moins en 2015 qu’en 1990. Du fait de la hausse de leurs e­ffectifs, les enfants vivant avec au moins un parent immigré extra-européen résident plus souvent dans des quartiers où ils sont majoritaires parmi les moins de 18 ans (38 % en 2015, contre 17 % en 1990). Mais ceux qui vivent avec deux parents immigrés non-européens − dont la part est stable dans le temps − résident rarement et de moins en moins souvent dans un quartier où ils sont majoritaires (4 % en 2015, contre 10 % en 1990). Enfin, le parc HLM apparaît moins inégalement réparti sur le territoire en 2015 qu’en 1990, avec un indice de ségrégation qui baisse de dix points de pourcentage en moyenne. Toutefois, l’eff­et du parc HLM sur la ségrégation résidentielle est incertain : le parc s’est un peu diff­usé sur le territoire, tout en restant inégalement réparti, et a accueilli sur la période une part croissante des ouvriers/employés et des immigrés. Ainsi l’âge joue de façon marginale, la catégorie sociale davantage que l’âge, et l’origine migratoire davantage que la catégorie sociale… (« Quelle évolution de la ségrégation résidentielle en France ? », H. Botton, P.-Y.Cusset, C. Dherbécourt et A. George, La note d’analyse n°92, France Stratégie, 06/20).

Mixité sociale

20 ans après, la loi SRU a produit une « mixité de façade(s) »
L'Institut Des Hautes Etudes pour l'Action dans le Logement, nouvellement créé et soutenu par Action Logement, se veut un lieu d'échange, dédié à la recherche et à la formation sur le logement. Le 04/02/20 il a présenté les résultats d’une première étude menée par K. Beaubrun-Diant et T.-P. Maury : « 20 ans après, la loi SRU a produit une « mixité de façade(s) ».
Les auteurs rappellent que la loi SRU, Solidarité et Renouvellement Urbain, visait à augmenter le parc de logements sociaux et à rééquilibrer sa répartition géographique sur le territoire pour favoriser la mixité sociale et faciliter des parcours résidentiels. 20 ans après sa mise en œuvre, ils estiment qu’une partie de l’objectif est atteinte : les HLM sont de plus en plus mélangés aux autres logements et leurs occupants moins stigmatisés.
En effet, depuis la mise en place de la loi SRU, la ségrégation selon le statut d’occupation (HLM ou privé) a nettement baissé par rapport à la référence nationale qu’ils établissent comme suit : si toutes les communes possédaient 15% de locataires HLM dans leur parc résidentiel, la ségrégation serait nulle. Si les villes ne comprenaient que des logements sociaux ou aucun, la ségrégation serait maximale. En partant de ce barème, ils estiment qu’entre 1999 et 2015, la ségrégation a baissé de 7 % à l’échelle de la commune et de 11 % à l’échelle de la section cadastrale.
Cependant, les résultats qu’ils obtiennent en étudiant la ségrégation en fonction des revenus indiquent une toute autre évolution : les écarts de revenu entre les 20% de ménages les plus pauvres et le reste de la population ont augmenté de 1999 à 2015 de 9% à l’échelle des communes et 10% à l’échelle des sections cadastrales. Par ailleurs, les enclaves de pauvreté sont plus nombreuses  et plus pauvres en 2015 qu’en 1999…
Ainsi, le parc privé (locataires et propriétaires-occupants) d’un côté, le parc social de l’autre sont de plus en plus homogènes. En revanche, et malgré une proximité spatiale qui a progressé, ils sont de plus en plus différents l’un de l’autre en termes de revenus. La concentration de pauvreté augmente dans les logements sociaux, tandis que les ménages les plus modestes sont de moins en moins présents dans le parc privé…
Autrement dit, les résultats montrent qu’en 15 ans, et pour différentes raisons, les ménages les plus pauvres sont davantage entre eux et isolés du reste de la population.
Pour les auteurs, cela est dû au fait que certaines communes ou quartiers déjà pauvres accueillent de plus en plus de ménages modestes, alors que d’autres communes, déjà riches, ont continué à se « spécialiser » en attirant des familles aisées. Pour les auteurs, il est donc probable que les communes «bonnes élèves», celles qui ont construit des logements sociaux pour rattraper leur retard et se mettre en conformité avec la loi n’ont pas choisi les logements sociaux destinés aux plus modestes mais privilégié ceux dont les loyers se rapprochent dans certaines villes, de ceux des logements intermédiaires ou du parc privé.
Par ailleurs, l’essentiel de la ségrégation qu’ils ont mesuré est imputable aux disparités observées à l’intérieur des communes (intra-municipales ou entre les sections d’une même commune). C’est-à-dire que les écarts entre sections cadastrales d’une même commune sont en moyenne plus importants que les écarts entre deux communes prises au hasard (« Présentation des résultats de recherche : 20 ans après, la loi SRU a produit une « mixité de façade(s) », IDHEAL, 04/02/20).

Les Conventions Intercommunales d’Attribution : une opportunité pour concilier la mixité sociale et l’égalité de traitement ?
Cette note technique fait suite à des travaux engagés par le Réseau RECI, dont l’AVDL est membre,  en 2015 avec la note « Les discriminations liées à l’origine réelle ou supposée dans le logement : état des savoirs cf. Veille doc&infos LCD et Logement n° 37». Cette dernière abordait ce sujet par le biais d’une approche documentaire afin de cerner l’état de la réflexion. Dans ce cadre, l’objectif de « mixité sociale » avait été pointé comme présentant un risque discriminatoire, alors que nos politiques nationales et locales de l’habitat sont structurées depuis plusieurs dizaines d’années autour de cette notion.
Compte tenu des orientations prises depuis, prônant ou renforçant les objectifs de mixité sociale dans les politiques d’habitat, le Réseau RECI a souhaité étudier en 2018 – 2019 comment les risques de discriminations étaient pris en compte dans la déclinaison opérationnelle des quatre lois publiées depuis 2014, particulièrement dans les Conventions Intercommunales d’Attribution.
S’appuyant sur l’analyse d’une dizaine de Conventions Intercommunales d’Attribution, le Réseau RECI dresse ici un bilan provisoire des impacts de la réforme, qui appelle à la mobilisation de l’ensemble de la chaîne de décision – services de l’Etat, collectivités territoriales, bailleurs sociaux et privés -, pour porter de manière partagée l’enjeu de la lutte contre les discriminations et trouver, dans le dialogue avec les représentants des populations concernées, notamment le secteur associatif, de nouvelles modalités qui garantissent une plus grande égalité de traitement, porteuses ainsi d’une cohésion sociale renforcée (« Les Conventions Intercommunales d’Attribution : une opportunité pour concilier la mixité sociale et l’égalité de traitement ? », Réseau RECI, 01/20).

Parc privé

Capitalisation des connaissances sur les discriminations dans le parc privé et les instruments d’action publique pour les combattre
A la demande du Commissariat général à l'égalité des territoires (CGET), le sociologue T. Kirszbaum a procédé, en 2018, à un examen de la littérature sociologique et économique existante sur les discriminations dans le parc privé. Ce travail de capitalisation est désormais en accès libre et permet d’éclairer l’ampleur, les mécanismes et les conséquences des discriminations dans l’accès au secteur privé du logement.
L’analyse porte également sur les outils de lutte et de prévention sur les différents volets – recours au droit des victimes, changement des pratiques des propriétaires et des professionnels, territorialisation – d’une stratégie publique qui, selon l’auteur, reste à affirmer et à consolider. Un détour par les États-Unis fournit également un contrepoint intéressant.
Pour T Kirszbaum, les instruments du CGET, comme ceux d’autres institutions publiques, ont été souvent conçus pour combattre les discriminations sur le marché du travail et apparaissent aujourd'hui sous dimensionnés pour « juguler les discriminations dans le secteur privé du logement ». Or, « apporter des réponses à ces discriminations apparaît crucial car, outre le sentiment d’injustice qu’elles alimentent, ces discriminations ont de possibles répercussions en chaîne sur la mobilité résidentielle et sociale des habitants, sur la demande de logement social et sur les dynamiques de ségrégation spatiale ».
Plaidant pour  une politique spécifique de lutte contre les discriminations, il propose plusieurs pistes d’action : renforcer l’effectivité du droit de la non-discrimination ; donner    une plus grande visibilité aux discriminations ; créer des systèmes locaux de recueil, d’analyse et de traitement des plaintes ; appréhender de façon systémique        les pratiques et représentations des professionnels de l’immobilier ; encourager la structuration d’un réseau associatif dédié ; agir sur les discriminations indirectes liées aux caractéristiques de l’offre  de logements abordables dans les territoires (« Capitalisation         des connaissances sur les discriminations dans le parc privé et les instruments d’action publique pour les combattre » ; T. Kirszbaum, CGET, 04/18).

Des fiches pratiques pour lutter contre les discriminations dans le secteur du logement d’insertion
La Fédération des Associations et des Acteurs pour la Promotion et l’Insertion par le Logement, dont l’AVDL est membre,  a lancé un ensemble d’initiatives visant à lutter contre les discriminations dans le secteur du logement d’insertion cf. également Veille doc&infos LCD et Logement n° 45Parmi elles, un groupe de travail réunissant plusieurs associations réalise des fiches pratiques à partir de situations réelles que peuvent rencontrer les adhérents dans leurs activités. Ce travail est animé par un cabinet spécialisé, Concept RSE et une dizaine de fiches seront réalisées, énumérant les bonnes pratiques et bons comportements. Les 3 premières fiches sont désormais en ligne :
- Le propriétaire refuse de loger certains types de public
- Le refus d’attribution dans l’idée de « protéger » le demandeur
- Le refus d’attribution à un ménage à cause de l’historicité de la copropriété

Parc social

Les difficultés d’accès au parc social des ménages à faibles ressources
Engagé à l’initiative de six associations (ATD Quart monde, Fondation Abbé Pierre, Secours Catholique, Habitat et humanisme, Solidarités nouvelles pour le logement et Association DALO ), un travail de recherche met en évidence « l’existence de mécanismes d’exclusion dans le système d’attribution du logement social qui ont tendance à freiner et limiter l’accès au parc social d’une partie des ménages au regard de l’insuffisance de leurs ressources ». Ainsi, un demandeur disposant de 700€ par mois a 20% de chances de moins d’obtenir un logement social que celui qui dispose de 1700€.
Cependant, l’ampleur des difficultés diffère selon les caractéristiques des demandeurs (l’âge, la composition familiale, le motif de la demande, la situation résidentielle etc.) et surtout la localisation demandée (la moyenne nationale masquant de très fortes disparités selon la tension des marchés immobiliers).
C’est au moment de la désignation des candidats à présenter à la CAL du bailleur social qu’une part importante des ménages à faibles ressources est évincée de l’accès au parc social à travers une série de mécanismes d’exclusion à la fois intentionnels et non-intentionnels.
Dans tous les cas, les ménages à faibles ressources sont soumis à des délais d’attente plus longs et sont plus contraints que les autres demandeurs dans leurs choix de localisation et de type de logement. Les phénomènes d’exclusion, de concentration de population et de discrimination liés à la vulnérabilité économique des ménages résultent donc simultanément d’un effet des pratiques plus ou moins intentionnelles des acteurs et d’un effet structurel qui renvoie aux caractéristiques du parc social et du niveau des loyers et des charges.
Pour les auteurs, plusieurs raisons expliquent cette situation : des loyers de plus en plus chers du fait de la diminution des aides de l’État, les coupes opérées dans les APL (aides personnelles au logement), un appauvrissement des demandeurs, mais aussi un système d’attribution complexe et qui ne respecte pas suffisamment les priorités fixées par la loi.
Ils rappellent également que « les travaux universitaires sur les attributions démontrent que les discriminations dans l’accès au logement social, loin d’être des cas isolés ou des accidents de parcours, s’expliquent par les ambiguïtés du cadre national. La sélection des futurs locataires se structure autour des deux principes d’action publique que sont le droit au logement et la mixité sociale. La loi affirme donc conjointement la nécessité d’accueillir dans le parc social des individus aux ressources modestes et en situation précaire, voire de grande précarité, tout en maintenant une certaine diversité des profils afin d’éviter les concentrations susceptibles d’aboutir à des situations de ségrégation résidentielle ».
Pour remédier, à cette situation, 15 propositions sont faites à quatre niveaux : celui de l’accessibilité économique de l’offre de logement social, qui relève à la fois du niveau de solvabilité exigé pour accéder au parc, du niveau des loyers pratiqués et du niveau des charges ; celui du volume de l’offre et de la nécessaire croissance du parc HLM ; celui des conditions d’accès au parc social et du fonctionnement du système attribution, dans le but de garantir un système d’attribution qui ne soit pas défavorable aux ménages à faibles ressources et enfin au niveau de l’évaluation des progrès accomplis (« Les difficultés d’accès au parc social des ménages à faibles ressources », P. Portefaix, 06/20 : le rapport intégral, le résumé, les 15 propositions, le communiqué de presse).

Recherche « Attribution des logements sociaux, politiques de peuplement et intercommunalités : quelles recompositions ? » - Actes du séminaire
Ce séminaire en date du 14/06/19 a été consacré aux premiers résultats de la recherche « Attribution de logements sociaux, politiques de peuplement et intercommunalités : Quelles recompositions ? cf. Veille doc&infos LCD et Logement n° 43 » réalisée par une équipe de recherche pluridisciplinaire. La recherche vise à étudier les recompositions du pouvoir intercommunal et de ses relations avec les différents acteurs (communes, organismes Hlm, services de l'Etat...) à l'aune des évolutions en cours dans le domaine des politiques de peuplement et d'attribution des logements sociaux.
Elle se déroule sur trois ans (2018-2021) et s'appuie sur une série de travaux au sein des métropoles et agglomérations de Bordeaux, Dunkerque, Saint-Etienne, Mulhouse, Grenoble et Meaux. L’un des partis-pris de ce projet est d’associer le plus étroitement possible la communauté professionnelle, afin de nourrir les connaissances et le débat dans le champ scientifique, comme dans le champ des praticiens. Aussi, il est prévu l’organisation d’un séminaire annuel pour permettre aux personnes impliquées de suivre le déroulement des travaux et d’enrichir les réflexions sur les problématiques d’attribution des logements sociaux, de politiques de peuplement et d’intercommunalités.
Ce premier séminaire a permis la restitution des résultats intermédiaires des enquêtes de terrain ainsi que la réflexion concernant trois axes transversaux : marchés tendus/ marchés détendus : enjeux communs ou hétérogénéité des problématiques territoriales ? ; Que change le passage à l’intercommunalité ? ; Espaces et populations : quelles sont les catégories mobilisées par les acteurs ? Que signifie-t-elle sur le plan de la justice socio spatiale ? (« Attribution de logements sociaux, politiques de peuplement, intercommunalités : quelles recompositions ? Actes du séminaire du 14 juin 2019 », USH, 20/03/20).

La cotation de la demande et la location voulue
Dans le prolongement de la réforme de la gestion de la demande, la loi ELAN impose la mise en place du dispositif de cotation par certains EPCI d’ici le 1er septembre 2021. Les bailleurs sociaux vont être amenés à contribuer à l’élaboration de ces dispositifs, et à faire évoluer leurs procédures internes de gestion des attributions. Dans cette perspective ce cahier rédigé par l’Union sociale de l’habitat (USH) a pour objectif d’apporter un éclairage sur ce qu’est la cotation et de rappeler quelques principes de son élaboration et de sa mise en œuvre. Un éclairage est également apporté sur la location voulue qui permet au demandeur d’être acteur de sa demande tout en étant informé de ses chances de succès grâce à la cotation (« La cotation de la demande et la location voulue ; Gestion de la demande et des attributions dans le cadre de la loi ELAN », Repères n°65 livret 1, USH 02/20).

Politique sous contrainte et genèse de discriminations ethno-raciales (1950-1990) : une histoire des hlm en banlieue populaire
Historien de l’immigration, C. David est l’auteur d’une thèse sur les politiques du logement social à Saint-Denis (1950-1990). Il analyse dans cet entretien l’émergence des catégorisations et des discriminations ethno-raciales dans les HLM, en lien avec les contraintes politiques et économiques qui pèsent sur les bailleurs sociaux. Il a pu définir trois séquences historiques : de 1945 à 1965, il s’agit de l’élaboration d’une politique sociale municipale idéale axée sur le logement et sa confrontation aux incertitudes de la modernisation urbaine ; entre 1965 et 1974, s’ouvre une période charnière pour la problématisation du peuplement « immigré » et de façon concomitante une intensification de la construction de HLM à Saint-Denis ; enfin, jusqu’au milieu des années 1990, les réformes de gestion imposées à un office municipal en crise ont des conséquences sur les modalités de gestion du peuplement.
Son enquête historique montre que « le logement des familles d’immigrants avait déjà été construit comme un problème pour le secteur HLM bien avant la crise économique du milieu des années 1970 ». Il souligne aussi combien les contraintes pratiques et financières ont compté dans la genèse de pratiques discriminatoires dans l’accès au logement. Or, dans la période actuelle, les institutions locales dédiées au logement social font face à des contraintes encore redoublées… Il estime donc qu’en l’absence de débat contribuant à repenser les modes de gestion publics du logement, il est à craindre que des logiques de minorisation ethno-raciale soient reproduites, volontairement ou non, pour gérer la pénurie de logements sociaux et « équilibrer » leur peuplement (« Une histoire des HLM en banlieue populaire. Politique sous contrainte et genèse de discriminations ethno-raciales (1950-1990) », Entretien avec C. David, Métropolitiques, 07/05/20).

Dalo

Les décisions de  refus réitérées d’une commission de médiation fondées sur l’irrégularité du séjour peuvent constituer une discrimination directe
Le Défenseur des droits (DDD) avait été saisi par deux réclamantes des refus opposés par la commission de médiation aux recours présentés dans le cadre du droit à l’hébergement opposable (DAHO). La commission de médiation avait, selon les cas, refusé leurs recours au motif que les intéressées étaient en situation irrégulière sur le territoire français et/ou a déclaré leurs demandes dépourvues d’objet au motif qu’elles bénéficiaient déjà d’un hébergement d’urgence.
Saisies par les requérantes, le DDD a, dans un premier temps, argumenté et sollicité un réexamen en droit de ces dossiers auprès de la commission de médiation concernée. La commission de médiation a toutefois décidé de maintenir sa position.
Dans cette décision en date du 15/01/20, le DDD rappelle donc que le fait qu’un demandeur se trouve en situation irrégulière sur le territoire français ne peut, à lui seul, justifier le rejet de sa demande d’hébergement dès lors que la commission de médiation a la possibilité de préconiser l’accueil dans une structure d’hébergement. Il estime également que la circonstance que le demandeur bénéficie, au moment de son recours, d’un hébergement temporaire ne fait pas obstacle à ce qu’il sollicite, dans le cadre du recours DAHO, un hébergement stable et adapté à sa situation familiale.
Il estime par ailleurs que le refus persistant opposé aux intéressées par la commission de médiation en méconnaissance des dispositions du code de la construction et de l’habitation est susceptible de constituer une discrimination directe, ces personnes ayant été traitées de manière moins favorable qu'une autre dans une situation comparable, sur le fondement de leur origine (…),appartenance ou non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation, une prétendue race ou une religion déterminée.
Enfin, s’agissant de la situation d’une des requérantes, l’absence de prise en compte des besoins spécifiques de ses enfants mineurs apparaît au DDD contraire aux stipulations de l’article 3 de la Convention internationale des droits de l'enfant selon lesquelles « dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ». Le DDD recommande donc à la commission de médiation de donner une suite favorable aux recours présentés par les intéressées en vue de leur accueil dans une structure d’hébergement pérenne. (Décision n°2020-01, DDD, 15/01/20).

1-2 Actualités générales sur le logement

Europe

Informations générales

Instruments pour le plaidoyer et le contentieux stratégique sur le droit au logement en Europe
L’objectif de ce guide, proposé par Housing Rights Watch et la Fédération Européenne des Associations Nationales Travaillant avec les Sans-Abri (FEANTSA) est de permettre aux professionnels non-juridiques travaillant sur les plaidoyers dans le domaine du logement ou le secteur de l’aide aux sans-abri de découvrir les mécanismes juridiques existants au niveau européen et au niveau international qui peuvent être utilisés pour mettre les États face à leurs obligations positives en matière de droits humains en vue de protéger et promouvoir le droit au logement et d’autres droits connexes. Ce guide se divise en trois grandes sections : la première offre un aperçu institutionnel des domaines pour lesquels les dispositions juridiques régissant le logement s’inscrivent dans le travail de l’ONU, du Conseil de l’Europe et de l’UE sur les droits fondamentaux et sociaux. La deuxième section explique qui peut utiliser le contentieux, et dans quel contexte. La troisième section établit le lien avec le plaidoyer, démontrant la façon dont le plaidoyer et le contentieux stratégique sont interdépendants (« Instruments pour le plaidoyer et le contentieux stratégique sur le droit au logement en Europe », FEANTSA et Housing Rights Watch, 02/20).

Coronavirus

La Fondation Abbé-Pierre et la Feantsa tirent les leçons de la pandémie
A l’occasion de la sortie de leur rapport « 5e regard sur le mal-logement en Europe », le 23/07/20, la Fondation Abbé-Pierre et la Fédération européenne des associations nationales travaillant avec les sans-abri (Feantsa) relèvent les opportunités politiques et financières générées par la crise sanitaire dans la lutte contre le sans-abrisme. Alors que 750 milliards d’euros vont être dédiés au plan de relance européen, les auteurs du rapport indiquent « qu’en mobilisant 3 % des subventions prévues par le budget du plan de relance post-Covid, l’Union européenne et les Etats membres peuvent reloger immédiatement et dignement l’ensemble des 700 000 personnes sans abri sur leur territoire pour un an ».
En dix ans, au sein de l’Union, l’augmentation du nombre de personnes qui dorment dans la rue ou qui font appel à l’hébergement d’urgence s’élève à 70 %, avec un pic de demandeurs d’asile évalué à 1,3 million en 2015. « Les politiciens ont bien conscience de l’augmentation du sans-abrisme ces dernières années, cela devient visible. Une tension existait donc déjà à l’arrivée de la crise sanitaire. Le fait que le logement soit la première solution préconisée par les Etats pour parer la maladie a renforcé cet élan politique », explique F. Spinnewijn, directeur de la Feantsa. L’instauration de moratoires sur les expulsions locatives dans une majorité de pays et les mises à l’abri massives témoignent également de cette volonté. 
L’enjeu aujourd’hui est de voir perdurer cet élan. La Feantsa souhaite donc que les Etats membres s’accordent pour éradiquer le sans-abrisme à l’horizon 2030, en capitalisant ce qui a été mis en place durant la crise. Le recueil de données sur le sans-abrisme, le pilotage par l’Union européenne des politiques développées ainsi que leur financement sont également préconisés, tout comme une généralisation du modèle « Logement d’abord », qui éxiste déjà en France, Finlande et Espagne (« 5e regard sur le mal-logement en Europe », FEANTSA/FAP, 07/20).

 

France

Coronavirus

Sans logis : Le Conseil d’État rejette les demandes des associations attaquant les carences de l’État pendant la crise sanitaire
Face aux carences de l’État dans la protection des personnes les plus précaires à la rue ou mal logées, neuf associations avaient saisi en urgence le juge des référés du Conseil d’État (CE). Cette requête visait notamment la réquisition des appartements en location meublée touristique et chambres d’hôtels vacants ainsi que la protection des personnels encadrant via l’accès à des masques, du gel hydro alcoolique, des gants et des blouses.
Après avoir octroyé un délai de 48 heures au gouvernement pour répondre aux questions, le CE a estimé qu’aucune atteinte grave et manifestement illégale n’était portée au droit à la vie et à la protection de l’intégrité physique et psychique des personnes sans hébergement en raison des mesures déjà adoptées par l’État : report de la trêve hivernale et de la fermeture des places d’hébergement ouvertes pendant l’hiver,  recours à des nuitées d’hôtel et à des structures d’hébergement touristique, utilisation de structures d’accueil provisoires telles que des gymnases ou des salles polyvalentes ainsi que par la réquisition d’immeubles vacants. Au total,  les capacités d’hébergement pour les personnes sans domicile s’élevaient à la fin du mois de mars à près de 170 000 places contre 157 000 avant la crise, auxquelles s’ajoutent près de 200 000 places en logement adapté. Le CE note par ailleurs, « que les capacités d’hébergement ainsi mobilisées n’ont jamais été aussi importantes » et que, « l’administration fait valoir qu’elle poursuit ses efforts pour les accroître encore à brève échéance, notamment par les négociations en cours avec les professionnels des secteurs de l’hôtellerie et des centres de vacances afin d’identifier le plus rapidement possible les disponibilités supplémentaires, sans exclure de recourir à des réquisitions si cela s’avérait nécessaire » (CE, n° 439763, 02/04/20).

Migrants dans l'épidémie : un temps d'épreuves cumulées
Ce numéro spécial de De facto donne à voir ce que font aux immigrés le confinement et les bouleversements liés à l’épidémie de Covid-19 : inégalité des vies en temps d’épidémie (D. Fassin), hébergement groupé dans les centres de rétention et les campements de rue qui multiplie les risques sanitaires pour les migrants (M. Agier), angoisse et inconfort des femmes immigrées vivant en hôtel sociaux et en centres d’hébergement (A.Desgrées du Loû)…. (« Les migrants dans l'épidémie : un temps d'épreuves cumulées », revue De Facto, n°18, 04/20).

Politique de la ville : panser le présent, penser les futurs
Dans son dernier avis, le Conseil National des Villes (CNV) recommande une attention particulière à propos des enfants, jeunes et familles monoparentales des quartiers de la politique de la ville. En effet ces publics ayant été plus durement touchés par la crise sanitaire, des mesures rapidement efficientes sont proposées par le CNV. L’instance alerte également sur la situation de violences intrafamiliales et des victimes de discriminations, que la crise a amplifiées. …
A propos des victimes de discriminations, il rappelle que, toutes choses égales par ailleurs, les personnes d’origine étrangère et perçues comme telles sont désavantagées dans l’accès à l’emploi, au logement et à l’éducation. Dans les QPV s’y ajoute la discrimination à l’adresse. Pour le CNV et en écho aux positions du DDD, la part des institutions dans la production de ces discriminations est loin d’être négligeable et ces discriminations entament le rapport de confiance des individus à la société française et aux institutions. Considérées comme inéluctables, elles mettent en cause leur place dans la société et alimentent le sentiment de ne pas être reconnu,  d’une recherche d’identité douloureuse et « un sentiment de désaffiliation nationale, qui du reste ne se trouvent pas contrebalancés par des discours politiques forts ».
Pour le CNV, les pouvoirs publics pourraient exiger des organisations - publiques comme privées - qu’elles s’engagent pleinement dans la lutte contre les discriminations liées à l’origine au travers de plans d’action structurés, précisant un calendrier, des objectifs clairs.
Cela passe aussi par un renouveau du soutien public au secteur associatif directement en prise avec les situations de discriminations et les victimes. Il s’agit d’appuyer les acteurs existants, d’en inciter d’autres à s’investir sur cet enjeu et de susciter la création de nouveaux réseaux à même d’écouter, d’orienter les victimes, de mener des enquêtes et des actions de groupes, d’interpeller les diverses organisations et institutions concernées (« Covid-19 : panser le présent, penser les futurs » avis du CNV, 22/06/20 : rapport et tableau de synthèse des recommandations).

Le covid-19, la guerre et les quartiers populaires
Accusés d’avoir aggravé la pandémie en raison de leur supposée « incivilité », les habitants des quartiers populaires sont montrés du doigt par des discours réactivant le fantasme du ghetto urbain. Cependant, selon P. Gilbert, de nombreuses inégalités – de logement, santé, travail et transport – ont rendu pourtant le confinement particulièrement difficile dans les cités HLM, et exposé davantage leurs habitants au coronavirus (« Le Covid-19, la guerre et les quartiers populaires », P. Gilbert, Métropolitiques, 16/04/20).  

Hébergement

Le Département tenu de prendre en charge l'hébergement des femmes enceintes et des mères isolées accompagnées d'enfants de moins de trois ans, même dans une structure habilitée seulement par l’Etat
Dans une décision du 01/07/20, le Conseil d'État (CE) précise et élargit les obligations des départements en matière d'hébergement et de prise en charge des femmes enceintes et des mères isolées. Cette décision s'inscrit dans le prolongement d'autres jugements du même type encadrant les obligations des départements, tout particulièrement en matière d'aide sociale à l'enfance cf., entre autre, Veille doc&infos LCD et Logement n° 39
En l'espèce, l'Aidaphi (Association interdépartementale pour le développement des actions en faveur des personnes handicapées et inadaptées) avait obtenu du tribunal administratif d'Orléans, par un jugement de juin 2017, la condamnation du département du Loiret à lui verser une somme de 980.752€, majorée des intérêts légaux et de leur capitalisation, « en réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi du fait de l'illégalité du refus de ce département de prendre en charge financièrement l'accueil des femmes enceintes et des mères isolées accompagnées d'enfants de moins de trois ans au sein de quatre centres d'hébergement et de réinsertion sociale au titre des années 2009 à 2011 ». En septembre 2018, la cour administrative d'appel de Nantes avait rejeté l'appel formé par le département contre ce jugement. Dans sa décision, le CE saisi par le département, confirme à son tour cette position.
En l'espèce et pour les années considérées, les CHRS concernés n'avaient été autorisés que par le seul préfet et le président du conseil départemental n'avait fixé aucun tarif les concernant. Mais le CE considère que s'il résulte des dispositions de l'article L.312-1 et L.313-6 du code de l'action sociale et des familles (CASF) que sont en principe à la charge de l'État les mesures d'aide sociale relatives à l'hébergement des personnes qui connaissent de graves difficultés, notamment économiques ou de logement, ainsi que l'hébergement d'urgence des personnes sans abri en situation de détresse médicale, psychique ou sociale, la prise en charge, qui inclut « l'hébergement, le cas échéant en urgence, des femmes enceintes et des mères isolées avec leurs enfants de moins de trois ans qui ont besoin d'un soutien matériel et psychologique, notamment parce qu'elles sont sans domicile, incombe au département ».
L'État ne pouvait donc légalement refuser aux femmes mentionnées ci-dessus un hébergement d'urgence « au seul motif qu'il incombe en principe au département d'assurer leur prise en charge, l'intervention de l'État ne [revêtant] qu'un caractère supplétif, dans l'hypothèse où le département n'aurait pas accompli les diligences qui lui reviennent ». Dans ces conditions, « l'accueil à ce titre de ces personnes par les centres d'hébergement et de réinsertion sociale, titulaires d'une autorisation du représentant de l'État et participant au dispositif de veille sociale, ne saurait être subordonné à l'habilitation par le président du conseil général de ces établissements. Par ailleurs, la circonstance que les personnes mentionnées ci-dessus soient accueillies par des centres d'hébergement et de réinsertion sociale à la demande de l'État, suppléant la carence du département, est sans incidence sur la responsabilité de ce dernier pour la prise en charge du coût résultant de l'accueil par ces centres des personnes qui relèvent de l'aide sociale à l'enfance » (décision n°425528 , CE 1e et 4e chambres réunies, 01/07/20 ; «Le département tenu de prendre en charge l'hébergement des mères isolées, même dans une structure non habilitée », J-N Escudié, Localtis, 07/07/20).    

Parc social

Comprendre les mécanismes conduisant aux refus des attributions par les demandeurs
Dans le cadre de la réforme des attributions de logements sociaux dans l'Eurométropole de Strasbourg, l'Agence de développement et d'urbanisme de l'agglomération strasbourgeoise (Adeus) a publié une étude intitulée « Comprendre les mécanismes conduisant au refus des attributions par les demandeurs ». En effet, sur 7 393 demandeurs ayant reçu au moins une proposition en 2017 sur le territoire de l'Eurométropole, si 50% l’ont acceptés acceptées, 47% avaient opposé un refus, 2% avaient été refusés par la CAL (Commission d'Attribution des Logements) et 1% de propositions étaient encore en cours.
Les objectifs de cette étude visent donc à améliorer la connaissance de ce phénomène, identifier les blocages et les difficultés, analyser le processus d'attribution par les bailleurs et évaluer ses éventuels impacts sur le nombre de refus.
L'un des premiers enseignements de l'étude est que le refus par les demandeurs constitue « un fait mal renseigné » : les descriptions sur les refus dans le fichier partagé sont trop souvent inexploitables et faute de définitions communes, ces descriptions utilisent un trop grand nombre de motifs (32 dénombrés par l’Adeus). En essayant de regrouper les motifs avancés, l'étude répartit les 47% de propositions non abouties en 36% de refus motivés, 9% de non réponses et 2% de demandes caduques (obtention d'un autre logement, changement de situation, décès...). L'Adeus observe aussi que la non réponse est souvent liée à la non réception du courrier par le demandeur, soit parce qu'il s'agit de publics précaires sans logement propre, soit parce que le courrier est arrivé durant la période estivale.
L'étude apporte également des informations sur le profil des personnes qui refusent une proposition d'attribution. Les taux de refus exprimés sont, derrière cette moyenne de 36%, très variables en fonction de la situation du ménage : plus celle-ci sera précaire moins il y a de refus. Ainsi le taux de refus est de 51% chez les retraités, de 40% chez les cadres, de 37 à 39% chez les chômeurs, employés et ouvriers, mais seulement de 22% chez les étudiants et 18% chez les professions intermédiaires. De même, les plus de 51 ans affichent les taux de refus motivés les plus élevés (43%), devant la tranche d'âge 31-50 ans (38%) et les 16-30 ans (30%). En termes de situation familiale, les taux de refus sont plus élevés chez les familles (44%) et les couples (41%) que chez les personnes seules (29%). Enfin, au regard du logement antérieur, ce sont les locataires HLM qui refusent le plus (49%), devant les locataires du parc privé (36%), les personnes logées chez un particulier (26%) et celles logées chez leur parents ou leurs enfants (24%).
Par ailleurs, l’étude pointe le fait que ce sont les caractéristiques physiques (logement trop petit) et la localisation des logements qui sont les principales raisons de refus.
La dernière partie de l'étude s'interroge sur l'impact éventuel du processus d'attribution sur le taux de refus. Pour l'Adeus, l'impact des refus « reste maîtrisé et déjà pris en compte », grâce à la proposition systématique de trois candidats. Ainsi, 80% des logements proposés et refusés n'ont nécessité qu'une seule CAL pour être reloués, tandis que 11% ont nécessité plusieurs CAL et que 9% ne sont toujours pas reloués. L'Adeus a également mené treize entretiens avec neuf bailleurs, ainsi que des entretiens complémentaires avec des associations et des travailleurs sociaux. Il en ressort un lien étroit entre les pratiques des bailleurs sociaux avant la CAL et le taux de refus : les bailleurs qui n'assurent ni prospection, ni contact avec les demandeurs connaissent un taux de 61% de propositions non abouties, dont 49% de refus motivés. En revanche, ces taux sont respectivement de 11% et 8% chez les bailleurs qui assurent une prospection et une visite avant la CAL...
Pour l’Adeus, s'il existe une part de refus sur laquelle il n'est pas possible d'agir, il y a en revanche des marges réelles de progression pour les bailleurs. Dans ce cadre, elle préconise notamment d'améliorer la connaissance du phénomène pour mieux identifier les leviers d'action, de travailler le rapprochement entre l'offre et la demande, mais aussi de « mener une réflexion sur les pratiques des bailleurs » et de « penser leur articulation » (« Réforme des attributions des logements sociaux dans l’Eurométropole de Strasbourg : Comprendre les mécanismes conduisant aux refus des attributions par les demandeurs », Adeus, 12/19 ; « Pourquoi les candidats retenus pour un logement social le refusent-ils ? », J-N. Escudié, Localtis, 03/03/20).

La numérisation de la demande de logement social : une procédure simplifiée pour les demandeurs, une gestion à fiabiliser
Dans le cadre de son rapport annuel 2020, la Cour des Comptes consacre un chapitre à la mise en œuvre de la numérisation de la demande de logement social. Selon la Cour, la numérisation de la gestion de la demande de logement social constitue un progrès utile, tant pour les demandeurs, qui bénéficient ainsi de formalités plus simples, que pour l’État et la collectivité, qui peuvent espérer mieux connaître la réalité des besoins et déterminer des priorités.
Cependant, les avancées liées à la numérisation ne sauraient reposer seulement sur l’État et les bailleurs sociaux doivent s’impliquer et utiliser de façon plus rigoureuse et plus intense ce système d’enregistrement mis à leur disposition pour le rendre réellement efficace.
L’objectif de généralisation ne pourra être atteint que si le déploiement de ce système numérique national parvient au préalable à garantir le respect du droit à la protection des données personnelles, améliorer l’information des usagers sur l’avancement de leur demande et, si nécessaire, organiser au mieux l’accompagnement des publics les plus éloignés du numérique. Il faudra pour cela que l’État et les acteurs du logement social garantissent que le recours à la voie numérique ne défavorise aucune demande et maintiennent, lorsque c’est indispensable, un accueil physique adapté aux publics fragiles.
C’est seulement si ces conditions sont respectées, que la numérisation de la demande de logement social permettra à l’État et à ses partenaires de mieux comprendre et anticiper cette donnée essentielle de la politique du logement.
Ces constats conduisent la Cour à formuler les recommandations suivantes, adressées au ministre chargé du logement : fiabiliser et sécuriser les données enregistrées dans le SNE et mettre ce dernier en conformité avec le règlement général sur la protection des données personnelles ; mettre en œuvre dans les meilleurs délais le numéro unique national prévu depuis 2017, tant pour faciliter les démarches des usagers que pour fiabiliser les données du SNE ; indiquer aux demandeurs, sur le portail grand public, l’état d’avancement de leur dossier ; assurer l’égalité de traitement des demandes de logement social quelle que soit la modalité de leur dépôt ; modifier l’article R. 441-9 du Code de la construction et de l’habitat pour imposer l’exploitation des données issues du SNE lors de l’examen des demandes par les commissions d’attribution de logement («La numérisation de la demande de logement social : une procédure simplifiée pour les demandeurs, une gestion à fiabiliser », Cour des Comptes, Rapport public annuel 2020).

Dalo

Douze ans après la promulgation de la loi, le DALO en péril
Le 03/03/20, le Comité de suivi de la loi DALO (Droit Au logement Opposable)  a exprimé ses plus vives inquiétudes sur la situation du DALO en France. En effet, après plusieurs années de stagnation, le nombre de recours DALO déposés repart à la hausse depuis 2 ans (94 240 en 2018 et 99 799 en 2019). Le nombre de décisions prises par les commissions de médiation a dépassé la barre significative de 100 000 décisions. Cependant, malgré l’augmentation du nombre de recours, le taux de reconnaissance reste seulement 34,2%. Pire encore, pour le comité de suivi : le nombre de ménages à reloger au titre du droit au logement opposable a augmenté de plus de 10 000. Le constat est alarmant : 71 713 ménages prioritaires et urgents restent à reloger.
Quant aux recours pour la reconnaissance au titre du Droit à l’hébergement opposable (DAHO), il se trouve de moins en moins employé du fait d’un très faible niveau de proposition d’hébergements (seulement 550 bénéficiaires accueillis suite au DAHO en 2019 sur 7629 ménages reconnus DAHO). Pour le comité de suivi, « le droit, à l’hébergement opposable, à l’image du principe d’inconditionnalité, est en péril » et il « reste 71 713 naufragés du DALO en attente d’un logement depuis 1 à 11 ans ». M. A. Carlotti, Présidente du Comité de suivi souligne que « l’absence de réponse de relogements à la hauteur est un échec de l’effectivité de la loi, inacceptable à l’heure du Logement d’Abord. En conséquence, le comité de suivi de la loi DALO demande au gouvernement de mettre en place un plan d’urgence d'accès au logement et à l’hébergement des ménages reconnus au titre du DALO sous le contrôle du comité de suivi.» (« Le droit au logement en péril » : Communiqué de presse et Motion du Comité de suivi du DALO, 03/03/20).

2/ DISCRIMINATION : ACTUALITES ET INFORMATIONS GENERALES

International

Coronavirus

Inégalités ethno-raciales et coronavirus
Alors que la pandémie qui frappe désormais le monde entier connaissait une progression spectaculaire, le caractère universel de la maladie a été rapidement démenti. Non seulement les personnes vulnérables, en particulier les plus de 70 ans, sont massivement sur-représentées parmi les cas graves, mais les inégalités sociales se traduisent également par des écarts de morbidité et de mortalité. Par ailleurs, la classe et le genre ont un rôle déterminant dans l’exposition au virus, l’état de santé des personnes et l’accès aux soins. Qu’en est-il alors des inégalités ethno-raciales, tant au sujet des représentations de la maladie et de sa diffusion que des conditions objectives d’exposition et de santé que connaissent les minorités ? Ce numéro spécial de la revue De Facto , dont les contributions portent sur la situation aux États-Unis, au Royaume-Uni et en France, apporte des premiers éléments pour comprendre comment l’épidémie affecte et renforce les inégalités ethno-raciales, mais également comment ces dernières ont elles-mêmes des effets sur la gestion – sanitaire et politique – de la pandémie (« Inégalités ethno-raciales et coronavirus », De Facto, n°19, 05/20).

France

Actualités générales

Discriminations et origines : l’urgence d’agir
Dans ce rapport, le Défenseur Des Droits (DDD) rappelle que la prévalence des discriminations fondées sur l’origine, qui affectent la vie de millions d’individus, met en cause leurs droits les plus fondamentaux, ainsi que la cohésion sociale. En effet, les données officielles et de nombreux rapports publics confirment l’ampleur de ces discriminations dans la société française et leur dimension systémique. Les résultats des études statistiques sont également sans appel : les personnes d’origine étrangère ou perçues comme telles sont désavantagées dans l’accès à l’emploi ou au logement et plus exposées au chômage, à la précarité, au mal logement, aux contrôles policiers, à un état de santé dégradé et aux inégalités scolaires. Les discriminations liées à l’origine ou un critère apparenté représentent par ailleurs 1/3 des saisines du DDD en matière de discriminations.
Pourtant, ces discriminations liées à l’origine ne bénéficient pas de la dynamique positive observée depuis quelques années dans la lutte contre les discriminations fondées sur le genre ou l’orientation sexuelle….
Pour le DDD, la lutte contre les discriminations fondées sur l’origine doit devenir une priorité politique, au même titre que ce qui a été entrepris ces dernières années en faveur de l’égalité entre les femmes et les hommes. Pour ce faire, elle doit sortir du giron de la politique de la ville et, au-delà du contentieux, l’enjeu est de développer une politique publique globale de lutte contre les discriminations. En effet, une telle stratégie ne saurait se limiter au seul champ de l’emploi et des ressources humaines. Des plans d’action doivent donc être développés par les organisations elles-mêmes dans tous les domaines afin de prévenir et lutter contre les discriminations, non seulement comme employeur, mais aussi dans le cadre des services qu’elles assurent.
En s’appuyant sur les travaux de l’institution depuis sa création, il formule plusieurs recommandations :
- Rendre visibles et mieux documenter les discriminations fondées sur l’origine en développant la statistique publique, en mettant en place des campagnes nationales de testing (emploi, logement, biens et services), en obligeant les entreprises à publier des indicateurs non-financiers et en créant un observatoire des discriminations ;
- Exiger un engagement des organisations, publiques comme privées, au travers de plans d’action pluriannuels et d’audits qui prévoient l’identification des risques de discrimination ;
- Revoir les textes encadrant les contrôles d’identité ;
- Faciliter la preuve de la discrimination en matière pénale en inscrivant dans la loi des modalités facilitant le recours aux présomptions de faits ;
- Garantir des sanctions judiciaires proportionnées et réellement dissuasives contre les auteurs de discriminations fondées sur l’origine en allégeant la preuve exigée en matière pénale et en permettant au juge civil d’accorder des dommages punitifs en cas de discrimination directe et de harcèlement ;
- Rendre plus effective l’action de groupe contre les discriminations en permettant notamment aux associations d’y recourir en matière d’emploi et de biens et services et en autorisant la création de groupes ad hoc («Discriminations et origines : l'urgence d'agir », DDD, 06/20 : synthèse et rapport complet).

Inégalités d’accès aux droits et discriminations en France
Pour éclairer et alerter sur la situation de l’accès aux droits en France, le Défenseur Des Droits (DDD) a publié cet ouvrage, constitué de deux tomes, qui rassemble les analyses de l’enquête « Accès aux droits » réalisée en 2016. L’enquête « Accès aux droits », menée auprès de 5117 personnes, avait pour objectif de réaliser un «état des lieux » des difficultés rencontrées par la population en matière d’accès aux droits afin de permettre de disposer de données fiables à l’échelle de la France métropolitaine. Pour chaque thème (droits de l’enfant, harcèlement et discriminations, relations avec les services publics, relations avec les forces de l’ordre lors d’un contrôle), l’enquête recueillait auprès des personnes leur perception de la fréquence des atteintes aux droits dans la société française et leur connaissance des recours possibles. Elle permettait également de documenter leur expérience en qualité de victime ou témoin de telles situations.
Au-delà des premières publications donnant à voir, de façon descriptive, les résultats marquants de l’enquête pour chacun des différents champs de compétence du DDD (compilés dans le 2e tome), il est apparu utile de la placer sous le regard de chercheurs reconnus (contenus dans le 1er tome).
Ce 1er tome s’organise autour de quatre chapitres thématiques, introduits par une analyse des domaines de l’enquête du DDD. Sur les «Relations entre les services publics et leurs usagers», trois contributions explorent le profil des personnes rencontrant des difficultés pour remplir des démarches administratives et/ou résoudre des problèmes dans leurs relations avec l’administration. Concernant les «Droits de l’enfant », l’article proposé part d’une contextualisation historique, juridique et philosophique de «l’enfance» pour analyser les perceptions différenciées des droits de l’enfant (droits attachés à la «protection» versus ceux ayant trait aux « libertés »), et les types d’atteintes aux droits de l’enfant rapportés par les enquêtés. Deux contributions de H. McAvay et P. Simon portent sur les discriminations. Le premier article explore la façon dont l’enquête «Accès aux droits » contribue à documenter la perception et les expériences de discrimination en France. Les données de l’enquête permettent ici d’éclairer les contextes et les déterminants des populations qui y sont exposées, avec un regard porté sur les conséquences de ces discriminations (autocensure) et les recours. Le second article traite de façon spécifique de l’expérience du racisme et du harcèlement au travail et identifie dans quels cas, et pour quelles populations, ces expériences entretiennent ou non un lien avec les discriminations. Ce chapitre est complété par la publication des résultats, encore inédits, du volet de l’enquête portant sur les discriminations à raison de la religion. Le dernier chapitre, avec l’article de F.Jobard et J. de Maillard, revient sur le volet «déontologie de la sécurité» à travers l’étude des relations
police/populations à l’occasion des contrôles d’identités. À partir d’une contextualisation juridique et scientifique des contrôles d’identité, les auteurs analysent leur spécificité dans le contexte français, du fait de leur fréquence et des caractéristiques des personnes contrôlées.
Pour le DDD, outre la persistance de l’actualité des enjeux d’accès aux droits et de non-discrimination en France, l’un des enseignements des contributions rassemblées dans cet ouvrage est de montrer que, pour certaines catégories de population, le «parcours du combattant » et les différences de traitement ne se limitent pas à leurs relations avec les services publics (ou avec les forces de l’ordre) mais sont susceptibles de concerner, dans une logique de continuum, la plupart de leurs interactions sociales et professionnelles (« Inégalités d’accès aux droits et discriminations en France », Tomes 1 et 2, DDD, 2019).

Accueil et séjour

Procédure d’admission au séjour : pour le DDD, la dématérialisation accroît les difficultés et n’est pas conforme aux garanties dont sont en droit de bénéficier les usagers des administrations
Depuis deux ans, le Défenseur des droits (DDD) a été saisi de nombreuses réclamations émanant de personnes étrangères rencontrant des difficultés importantes pour déposer une première demande de titre de séjour ou une demande de renouvellement du fait des procédures dématérialisées imposées par certaines préfectures. En effet, un nombre croissant de préfectures a fait le choix de subordonner certaines démarches en matière de séjour des étrangers à la prise d’un rendez-vous via une plateforme dédiée intégrée à leur site internet.
Mais, dans certains départements, en raison de la saturation des plannings mis en ligne, il arrive fréquemment que des personnes soient contraintes de se connecter chaque semaine pendant plusieurs mois avant d’obtenir un rendez-vous. Elles se voient ainsi exposées au risque d’être interpellées et éloignées du territoire à tout moment et peuvent en outre subir des ruptures de droits ou perdre leur emploi.
Le DDD redoute que cette situation ait été aggravée par les mesures prises pour faire face à la situation sanitaire - fermeture des guichets préfectoraux, puis accès restreint à ceux-ci - et craint que cette situation ait des conséquences durables en matière d’examen du droit au séjour des étrangers. Il constate par ailleurs que la crise sanitaire a incité les préfets et le ministre de l’Intérieur à mettre en place de nouvelles procédures dématérialisées qui risquent de poser de nouvelles difficultés.
Le DDD considère que les décisions d’organisation des services prises par certains préfets entrent en contradiction avec les normes encadrant la saisine de l’administration par voie électronique et déterminant les garanties dont sont en droit de bénéficier les usagers dans le cadre de leurs échanges avec l’administration, mais aussi avec les grands principes régissant les services publics que sont la mutabilité, la continuité et l’égalité, ainsi qu’avec le droit au respect de la vie privée et familiale.
Le DDD décide donc d’adresser plusieurs recommandations au ministre de l’Intérieur et lui demande de rendre compte des suites données à celles-ci (« Décision 2020-142 relative aux difficultés résultant de procédures dématérialisées rencontrées par des personnes étrangères pour déposer leur demande d’admission au séjour », DDD, 10/07/20).

Entrée, séjour et premier accueil des personnes étrangères : le regard sévère porté par la Cour des comptes
La Cour des Comptes a publié  un rapport analysant les politiques d’entrée, de séjour et de premier accueil des personnes étrangères en France. Elle constate qu’en 2019, la France a délivré 276 576 premiers titres de séjour à des ressortissants non européens. En augmentation de plus de 30 % depuis le début de la décennie, ces chiffres placent toutefois la France parmi les plus restrictifs en termes de séjour (3,72 titres accordés pour 1 000 habitants en 2016, contre 12,18 en Allemagne ou 7,65 en Espagne). À l’inverse, avec 154 620 demandes d’asile enregistrées, la France se place dans la fourchette haute des pays de l’Union européenne et son système d’asile sous forte tension.
La Cour rappelle que la moitié des titres de séjour attribués et la totalité des demandes d’asile reposent sur des procédures relevant de droits individuels protégés par la Constitution et les conventions internationales ratifiées par la France, comme celui de déposer une demande d’asile à son arrivée sur le territoire. L’État, qui ne peut donc pas les limiter quantitativement, dispose d’un pouvoir de sélection restreint. Pour la Cour, « à défaut de maîtriser les entrées, il a durci le régime du séjour en imposant le renouvellement fréquent d’une majorité de titres courts. Les relations entre l’administration et les usagers, qui n’ont pas fait l’objet d’une modernisation suffisante, en sont d’autant plus difficiles ».
Depuis le début des années 2000, trois objectifs généraux ont été réaffirmés par huit lois successives en 15 ans : maîtriser l’immigration, garantir l’exercice du droit d’asile, améliorer l’intégration des nouveaux arrivants. Cependant, « faute de précision sur leur signification concrète et de cibles chiffrées, il n’est pas possible de déterminer si ces objectifs ont été atteints ».
Par ailleurs, faute de modernisation des procédures, les conditions de travail et la qualité de l’accueil et du service rendu en préfecture se sont dégradées. Alors qu’aucun enjeu de sélection ou de contrôle ne s’y attache vraiment, la complexité et la fréquence des renouvellements de titres opèrent une confusion entre maîtrise de l’immigration et régime du séjour.  Pour la Cour, « les files d’attentes devant les préfectures et la saturation des guichets sont trop fréquentes. La simplification des procédures et la réduction des délais sont dès lors des enjeux majeurs. Y répondre permettrait aussi de porter un regard plus apaisé sur l’immigration ».
La Cour note par ailleurs que « le dispositif de premier accueil apparaît sous-dimensionné au regard des ambitions affichées en matière d’intégration ».Compte tenu de la croissance continue depuis dix ans de la demande d’asile, les moyens budgétaires alloués s’avèrent chaque année insuffisants. Malgré cela, l’important effort consenti par l’État ne permet toujours pas de respecter les objectifs fixés en matière d’hébergement (moins d’un demandeur d’asile sur deux est hébergé compte tenu de la saturation du parc) ou de délais de décision (dépassés de plusieurs mois).
Pour la Cour, la priorité donnée à l’asile depuis plusieurs années a ralenti la modernisation, devenue urgente, des procédures d’immigration régulière. Les longs délais ou l’approche procédurale guidant l’instruction des demandes et le renouvellement des titres contrastent avec la faible valeur ajoutée des vérifications opérées, les taux de refus étant très bas. Par ailleurs, la tentative de recentrer les arrivées sur les « talents », amorcée il y a dix ans, n’a pas fait ses preuves. De même, le régime des « métiers en tension », qui détermine pour quelles professions un titre de séjour peut être accordé, ne correspond plus du tout à la réalité des secteurs économiques en difficulté de recrutement. Pour moderniser cette immigration professionnelle, la Cour recommande de s’inspirer du modèle canadien, un système de cibles quantitatives annuelles adossées à un schéma de sélection individuel sur critères. La procédure de regroupement familial serait enfin à simplifier et à moderniser pour éviter qu’un grand nombre de décisions soient prises dans des délais indus.
Pour la Cour, la réussite de l’intégration à la société française des personnes étrangères relève essentiellement des politiques de droit commun. Les premiers dispositifs qui leur sont spécifiquement consacrés reposent surtout sur le contrat d’intégration républicaine (CIR), mais celui-ci ne bénéficie qu’à moins d’un arrivant sur deux, les étudiants internationaux en étant dispensés. Enfin, la Cour observe que la naturalisation s’est substituée de facto à un régime de résident permanent, aujourd’hui quasiment inaccessible aux non-européens.
Concernant la gestion du départ des personnes en situation irrégulière, la Cour relève que son exécution, au besoin par la contrainte, se heurte à des difficultés objectives, au premier rang desquelles figure la souveraineté des pays d’origine. Bien que le nombre de départs forcés ait progressé au cours des trois dernières années, celui-ci ne représente pas plus de 15 % des mesures prononcées, chiffre qui paraît ne pas pouvoir significativement progresser. Pour la Cour, le dispositif des aides au retour volontaire, beaucoup moins coûteux, mériterait donc d’être amplifié. Au total, la Cour formule 14 recommandations portant sur les titres de séjour, l’asile, les procédures d’immigration régulière, les dispositifs d’intégration et la naturalisation, le départ des personnes en situation irrégulière et la situation particulière de Mayotte (« L’entrée, le séjour et le premier accueil des personnes étrangères », Cour des comptes, 04/20 : Synthèse et Rapport intégral).

Pour des politiques migratoires conformes à toutes les exigences de la République
Onze experts - syndicalistes, universitaires, chefs d'entreprises, responsables associatifs - se sont constitués en collège afin de partager des constats et des propositions sur la politique de l’asile et de l’immigration. Plusieurs mois de travail collectif ont abouti à la publication, le 21/1/20, d’un rapport intitulé « Pour une politique migratoire conforme à toutes les exigences de la République », qui a été remis au gouvernement et au président de la République.
Le rapport fait le constat des réussites de l’asile et de l’immigration, dans l’État comme dans la société civile, mais aussi des dysfonctionnements et des impasses, souvent anciens, qui affectent la dignité des personnes étrangères en France comme la mobilisation des professionnels et des bénévoles. « En dépit des mobilisations, des engagements et des réussites, nombreux, dans l’État comme dans la société civile, notre système de l’asile et de l’immigration est désormais largement mis en échec. Il accueille, protège ou reconduit mal. Les politiques d’intégration peinent à se déployer ». Pour les auteurs, « les situations d’indignité, de «non-droit» se multiplient, parce que la règle de droit n’est pas adaptée ou parce que, le plus souvent, les conditions de sa mise en œuvre ne conviennent pas ».
Selon les auteurs, cette situation génère une sensation d’impuissance et de désordre qui progresse dans l’esprit public, facilitant les instrumentalisations de tous ordres. Le rapport contient 24 principales propositions, réparties en 4 axes : construire une approche nouvelle pour les politiques migratoires, garantir le plein respect du droit d’asile, construire une protection environnementale et humanitaire complémentaire et avoir une ouverture dynamique et concertée à la migration de travail (« Pour des politiques migratoires conformes à toutes les exigences de la République,  Faire reculer les situations de non-droit», Collège de praticiens
du droit des étrangers, 21/01/20 : le rapport et sa synthèse).

Demandeurs d’asile

Modalités de versement de l’allocation pour demandeur d’asile (ADA) : le  DDD estime que la mise en place d’une carte de paiement fait naître de nouvelles difficultés pour les demandeurs d’asile
Depuis sa création, le Défenseur des droits (DDD) est très régulièrement saisi de réclamations mettant en lumière les défaillances des conditions matérielles d’accueil (CMA) des demandeurs d’asile en France, tant en ce qui concerne la saturation du dispositif national d’accueil (DNA) que l’effectivité de la perception de l’allocation pour demandeur d’asile (ADA).
Aujourd’hui, la modification des modalités de paiement de l’ADA, par la mise en place d’une carte de paiement en lieu et place d’une carte de retrait, fait naître, selon le DDD, de nouvelles difficultés pour les demandeurs d’asile. Auparavant, l’ADA était versée sur une carte de retrait, permettant au bénéficiaire de retirer des espèces, or avec la nouvelle carte cela n’est plus possible…
Sur la base des réclamations dont il est saisi, le DDD relève que la réforme de la carte ADA, alors qu’elle est présentée comme étant réalisée dans l’intérêt des demandeurs d’asile leur est en réalité très préjudiciable, au point d’affecter lourdement leur quotidien alors que des solutions alternatives moins attentatoires à leurs droits existent.
Survenant dans un contexte de défaillance de l’ensemble des CMA – et particulièrement de défaillances graves dans la perception de l’ADA - elle ne fait par conséquent qu’accentuer les difficultés déjà nombreuses auxquelles ils sont confrontés tout au long de la procédure.
Face à ce constat, le DDD recommande au ministère de l’Intérieur de modifier ces dispositions en vue de la mise en place d’un système mieux adapté à la situation des demandeurs d’asile, à savoir une carte mixte ou la possibilité de versement sur le compte bancaire du demandeur s’il en détient un ou en espèces à défaut. Il demande par ailleurs au ministre de l’Intérieur de rendre compte des suites données à cette recommandation dans un délai de deux mois à compter de la date de notification de la présente décision. Il est à noter que la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) avait également alerté sur ce sujet en janvier dernier (« Décision 2020-147 relative à la réforme de la carte bancaire sur laquelle est versée mensuellement l’allocation pour demandeurs d’asile »,DDD, 10/07/20 ; «Déclaration relative à nouvelle carte de paiement de l'allocation pour demandeur d'asile (carte ADA) », CNCDH, 28/01/20) .

Contrôle au faciès

Relations police-population : une synthèse des points de vue d’experts européens
A la suite du séminaire IPCAN (Indépendant Police Complaints Authorities’ Network), organisé par le Défenseur des droits(DDD) et l’Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne(FRA) fin 2019, le DDD publie le compte-rendu de deux journées d’échanges sur les relations police-population. Faisant état des dernières recherches, études et de nombreux exemples de pratiques nationales, le document synthétise le propos de plus d’une centaine de praticiens de France et d’Europe.
Réunissant 150 experts, cette rencontre avait pour objectif d’analyser les moments d’interaction entre police et population, les situations pouvant aboutir à des tensions, ainsi que les actions mises en œuvre pour renforcer les relations entre police et population.
Trois thématiques ont été privilégiées : les discriminations et le profilage, en particulier au cours des contrôles d’identité ; la gestion des manifestations publiques, l’accueil et la protection des victimes, en particulier des publics vulnérables.
Les travaux de recherche évoqués ont insisté sur la notion de la légitimité de la police : « pourquoi les gens obéissent-ils à la police ? » et en ont identifié quatre piliers : l’intégrité de la police, l’égalité de traitement des citoyens devant la police, la minimisation de la quantité de violence utilisée au cours des actions de police, la qualité de service de la police.
Pour le DDD, mettre les agents de police en capacité d’expliquer pourquoi ils agissent comme ils le font et de répondre aux questions du public a été relevé comme l’un des principaux moyens d’améliorer la légitimité de la police, dont les Etats mesurent peu la satisfaction auprès de la population.
Rendue publique le 05/06/20, la déclaration de Paris, commune à onze membres du réseau IPCAN, recommande une vingtaine d’actions à mettre en œuvre en matière de contrôles de police, de gestion des manifestations et d’accueil des publics, afin d’améliorer les relations entre la police et la population (« Synthèse 5e séminaire IPCAN, Relations police-population : enjeux et pratiques », DDD, 06/20 ; « Déclaration de Paris », IPCAN, 06/20).

Emploi

Discriminations à l’embauche : sept grandes entreprises, épinglées par un testing, en contestent la méthodologie
E.Macron s’était engagé - à l’occasion de sa campagne présidentielle mais également après - à lutter contre les discriminations dans l’accès à l’emploi en généralisant le testing et en commençant par les entreprises du SBF 120, c’est-à-dire  celles ayant les plus grandes capitalisations à̀ la bourse de Paris. Il s’engageait à ce que  40 entreprises soient testées par an et 120 en 3 ans.
C’est l’équipe de la fédération Théorie et évaluation des politiques publiques (TEPP) du CNRS qui a été missionnée pour effectuer ce testing. L’étude présente les résultats de 5 329 tests de discrimination dans l’accès à l’emploi, correspondants à plus de 10 000 messages envoyés entre octobre 2018 et janvier 2019 à 40 entreprises du SBF 120, selon deux critères, l’origine et le lieu de résidence. L’entreprise la plus testée l’a été 232 fois, la moins testée l’a été 32 fois.
Le TEPP a utilisé plusieurs méthodes de tests, en combinant des candidatures et des demandes d’information, à la fois en réponse à des offres d’emploi publiées ou de façon spontanée. Pour le TEPP, cela permet de produire des indices de discrimination représentatifs des recrutements au niveau d’une entreprise donnée et comparables d’une entreprise à une autre.
Pour l’ensemble des entreprises testées, l’étude met en évidence une discrimination significative et robuste selon le critère de l’origine, à l’encontre du candidat français présumé maghrébin, dans tous les territoires de test. En effet, sur l’ensemble des entreprises testées, il est estimé que le taux de succès du candidat dont le nom a une consonance maghrébine est de 9,3%, contre 12,5% pour le candidat avec un nom à consonance européenne, soit un écart de 25% en moyenne entre les deux profils. S’agissant du critère du lieu de résidence, le différentiel entre les candidats est moins significatif.
Au-delà de ces résultats globaux, sept grandes entreprises - Air France, Accor, Altran, Arkema, Renault, Rexel et Sopra Steria - sont identifiées comme statistiquement discriminantes sur les 40 entreprises testées.
Le TEPP avait rendu son rapport en mars 2019. Cependant, celui-ci ne sera rendu public qu’en février 2020…Officiellement, ces 11 mois ont été consacrés à discuter entre chercheurs, Exécutif et entreprises concernées pour échanger sur les résultats et la méthode.
La prudence du gouvernement se retrouve d’ailleurs dans la « note d’avertissement » qui accompagne le rapport mis en ligne : « A ce stade de l’étude, aucune conclusion ne peut être consolidée ni des enseignements par entreprise définitivement tirés». Sont également soulignées deux limites méthodologiques particulières. En premier lieu, le fait que la grande majorité des tests repose sur l’envoi de demandes spontanées directement aux managers avec de faibles taux de réponses alors que « les échanges avec les entreprises ont montré que la plupart ont désormais recours à̀ des bases centralisées par les directions RH et à des ATS (applicant tracking system), c’est-à-dire une application ou une solution web qui assiste les RH dans les étapes du recrutement ». En second lieu, « les postes testés ne sont pour certaines entreprises pas dans leur cœur de cible (technicien de maintenance et hôtesse d’accueil) avec le recours de plus en plus fréquent par les grands groupes à la sous-traitance. Cela a pu conduire à̀ ce que les candidatures ne soient pas traitées par les services de recrutement ».
Six des sept entreprises incriminées ont d’ailleurs réagi par un communiqué conjoint pour contester les conclusions de l’étude dont elles dénoncent le « manque de rigueur ». Conscient de ces « biais méthodologiques », le gouvernement va lancer une seconde vague de testing en associant les parties prenantes à l’élaboration du cahier des charges, « afin d’obtenir des résultats reflétant mieux les pratiques réelles des entreprises testées ».
Sans rentrer dans un débat technique sur la méthodologie et ses faiblesses, on peut néanmoins noter que cela n’explique pas, pourquoi en cas de demandes spontanées ou sur des emplois « en dehors du cœur de cible », ces 7 entreprises ont des écarts significatifs dans leurs modalités de réponse en fonction de la consonance du nom supposée maghrébine ou non des candidats. Ni pourquoi, elles ont des résultats divergents par rapport aux 33 autres entreprises testées.
On peut également rappeler, qu’en 2016, un premier testing auprès de 40 grandes entreprises avait été effectué. Sur les  40 entreprises testées, les résultats de 12 d’entre elles – dont Accor-  présentaient déjà des écarts statistiquement significatifs en défaveur des candidatures « maghrébines » ….cf. Veille doc&infos LCD et Logement n° 39 (« Discrimination dans le recrutement des grandes entreprises : une approche multicanal, Rapport final pour le CGET», D. Anne, S. Chareyron, L. Challe, Y. L’Horty, P.Petit, L. du Parquet, TEPP, 03/19 ; «Discriminations à l’embauche : sept grandes entreprises pointées du doigt »,  E. Chaudieu, Localtis, 07/02/20).

Le port de la barbe, malgré sa taille,  ne peut être regardé, en l’absence  d’autres éléments, comme la manifestation d'une revendication ou d'une appartenance religieuse
M. A. avait été accueilli en qualité de praticien stagiaire associé au sein d’un service du centre hospitalier de Saint-Denis à compter du 30/09/13. Lors de son arrivée dans l'établissement, le directeur lui avait demandé de tailler sa barbe « pour en supprimer le caractère ostentatoire ». M. A. ayant refusé de le faire, le directeur du centre hospitalier avait résilié sa convention de stage par une décision du 13/02/14 qui se fondait aussi sur une insuffisante maîtrise de la langue française mais n'opposait aucun motif tenant aux exigences particulières de fonctionnement d'un bloc opératoire. M. A. s’est pourvu en cassation contre l'arrêt du 19/12/17 par lequel la cour administrative d'appel (CAA) de Versailles avait rejeté l'appel qu'il avait formé contre le jugement du tribunal administratif de Versailles du 25/09/15 rejetant sa demande d'annulation de cette décision cf. Veille doc&infos LCD et Logement n° 42. Pour juger que le requérant avait manqué à ces obligations, la CAA s'était fondée sur ce que, alors même que la barbe qu'il portait ne pouvait, malgré sa taille, être regardée comme étant par elle-même un signe d'appartenance religieuse, il avait refusé de la tailler et n'avait pas nié que son apparence physique pouvait être perçue comme un signe d'appartenance religieuse.
Le Conseil d’Etat (CE) annule cette décision estimant qu’en « se fondant sur ces seuls éléments, par eux-mêmes insuffisants pour caractériser la manifestation de convictions religieuses dans le cadre du service public, sans retenir aucune autre circonstance susceptible d'établir que le requérant aurait manifesté de telles convictions dans l'exercice de ses fonctions, la cour a entaché son arrêt d'erreur de droit » (CE, n° 418299, 12/02/20).

Port d’une barbe : en cas de licenciement, l’employeur doit justifier son appréciation
Un salarié, consultant sûreté d’une société assurant des prestations de sécurité et de défense pour des gouvernements, ONG ou entreprises privées, avait été licencié pour faute grave, l’employeur lui reprochant le port d’une barbe « taillée d’une manière volontairement signifiante aux doubles plans religieux et politique ».
La chambre sociale de la Cour de Cassation, reprenant les règles énoncées par son arrêt de principe du 22/11/17 cf. Veille doc&infos LCD et Logement n° 42, rappelle que les restrictions à la liberté religieuse doivent être justifiées par la nature de la tâche à accomplir, répondre à une exigence professionnelle essentielle et déterminante et proportionnées au but recherché. Elle réaffirme également que l’employeur peut prévoir dans le règlement intérieur de l’entreprise une clause de neutralité interdisant le port visible de tout signe politique, philosophique ou religieux sur le lieu de travail, dès lors que cette clause générale et indifférenciée n’est appliquée qu’aux salariés se trouvant en contact avec les clients.
Dans la mesure où, dans l’entreprise concernée, aucune clause de neutralité ne figurait dans le règlement intérieur ou dans une note de service relevant du même régime légal, l’interdiction faite au salarié, lors de l’exercice de ses missions, du port de la barbe, en tant qu’elle manifesterait des convictions religieuses et politiques, et l’injonction faite par l’employeur de revenir à une apparence considérée par ce dernier comme plus neutre, caractérisaient une discrimination directement fondée sur les convictions religieuses et politiques du salarié.
En revanche, l’objectif légitime de sécurité du personnel et des clients de l’entreprise peut justifier des restrictions aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives et, par suite, permettre à l’employeur d’imposer aux salariés une apparence neutre lorsque celle-ci est rendue nécessaire afin de prévenir un danger objectif, ce qu’il lui appartient de démontrer.
En l’espèce, la cour d’appel a relevé que si l’employeur considérait la façon dont le salarié portait sa barbe comme une provocation politique et religieuse, il ne précisait ni la justification objective de cette appréciation, ni quelle façon de tailler la barbe aurait été admissible au regard des impératifs de sécurité avancés.
Dès lors, c’est à bon droit qu’elle a estimé que  l’employeur ne démontrait pas les risques de sécurité spécifiques liés au port de la barbe, dans le cadre de l’exécution de la mission du salarié au Yémen, étaient de nature à constituer une justification à une atteinte proportionnée aux libertés du salarié et, de sorte, que le licenciement était nul (Cour de cassation- Chambre sociale, Arrêt n° 715  et Note explicative,  08/07/20).

Refuser l’accès aux formations au motif que le titre de séjour du demandeur d’emploi expire au cours de celle-ci est discriminatoire
Le réclamant, ressortissant congolais et titulaire d’une carte de séjour temporaire, a sollicité une inscription à une formation proposée par Pôle emploi. Cependant, le titre de séjour de l’intéressé ne couvrant pas la période de formation, celui-ci s’est vu refuser l’inscription à ladite formation.
Il  saisit le DDD de cette situation.
Dans sa décision, en date du 23/12/19, le DDD rappelle que, pour être inscrit à Pôle emploi et bénéficier de l’accès à l’offre de services de l’organisme, le ressortissant étranger doit être à la recherche d’un emploi et titulaire d’un titre de séjour en cours de validité autorisant à travailler.
Dès lors, restreindre l’accès aux formations au motif que le titre de séjour du demandeur d’emploi expire au cours de celle-ci, sans laisser l’opportunité à l’intéressé d’effectuer les démarches nécessaires au renouvellement de son titre, revient à lui refuser le bénéfice d’un droit en se fondant sur une situation future hypothétique.
Le refus opposé par Pôle emploi manque donc de base légale. De plus, en ajoutant une condition de validité du titre de séjour sur l’ensemble de la période de formation, Pôle emploi se substitue à la préfecture, laquelle est seule compétente pour statuer sur le droit au séjour d’un étranger en France. Par ailleurs, cette pratique constitue une discrimination fondée sur la nationalité.
Enfin, le DDD note que des justifications pourraient être recherchées dans le caractère temporaire du titre de séjour – et donc de l’autorisation de travail – mais également dans les considérations économiques qui pourraient résulter du financement intégral de la formation par Pôle emploi et le fait que l’intéressé soit potentiellement amené à perdre son autorisation en cours de formation. Cependant, pour le DDD, ces justifications ne sont pas assez fortes pour écarter la qualification de discrimination fondée sur la nationalité.
Pôle emploi confirmant l’analyse du DDD et entendant prendre des dispositions pour éviter que de telles situations ne se reproduisent,  le DDD décide de prendre acte de la réponse apportée par la direction générale de Pôle emploi et lui demande de le tenir informé des actions prises en ce sens (Décision 2019-302, DDD, 23/12/19).

Faire vivre l’égalité au travail
A travers cet article, V.-A. Chappe, sociologue, revient sur les effets des avancées politiques sur l’égalité au travail, caractérisées par le renforcement des protections offertes par le droit contre toutes les discriminations (racistes mais également sexistes, liées au handicap, à l’activité syndicale, à l’orientation sexuelle, etc.). Selon l’auteur, « si la dernière décennie a vu monter en puissance des actions extra-judiciaires relevant de formes de soft law (…), le droit reste une ressource majeure pour les victimes. Il est régulièrement étoffé et mobilisé, comme l’atteste la récente victoire de 850 cheminots marocains ayant attaqué la SNCF pour discrimination liée à leur nationalité   cf. Veille doc&infos LCD et Logement n° 42»
En partant d’une analyse des « itinéraires de réparation », l’auteur revient sur les parcours des victimes devant les tribunaux – bien souvent un parcours de combattant – et sur les stratégies judiciaires mises en œuvre par les associations et syndicaux pour les épauler. Cette focale d’observation l’amène à recenser et analyser les contraintes auxquelles font face les acteurs, mais également les compétences qu’ils déploient et les solutions qu’ils élaborent pour faire vivre l’égalité.
Selon lui, « trois enjeux principaux forment les horizons autour desquels les acteurs agissent et se positionnent : l’enjeu du passage du droit, c’est-à-dire celui de faire qualifier par les tribunaux les situations de discrimination en tant que telles ; l’enjeu de justice lié à la réparation à la fois matérielle et symbolique des victimes ; l’enjeu politique, c’est-à-dire la visée d’une évolution des pratiques et des règles en vigueur dans les mondes du travail ». À partir de l’analyse des formes de mobilisations, il propose d’expliquer « pourquoi les discriminations racistes restent encore aujourd’hui le grand perdant de la lutte contre les discriminations au travail » (« Faire vivre l’égalité. La lutte contre les discriminations au travail », V.-A. Chappe, La Vie des idées, 07/01/20).

Droits sociaux

Droits sociaux liés à l’habitat : des fiches pratiques pour donner des moyens d’action
À partir de l’identification des pratiques illégales et dysfonctionnements des administrations et organismes dans l'accès aux droits sociaux, auxquels sont confrontées les personnes mal-logées, ces fiches pratiques, élaborées par la Fondation Abbé Pierre et ses partenaires, proposent des moyens d'action pour contester les refus et suspensions de droits, qu'ils soient ponctuels ou récurrents. Ces fiches réactualisées (une première version datait de 2017) recensent et renvoient vers des outils et acteurs ressources afin de faciliter les démarches administratives et juridiques en cas de difficulté d’accès ou de maintien des droits sociaux abordés. 6 thématiques sont déclinées : domiciliation, prestations sociales, protection maladie, scolarisation, accès à un emploi salarié, accès à un compte bancaire (« Les fiches pratiques Droits sociaux liés à l’habitat », FAP, 11/19).

Education

La prévention des discriminations ethno-raciales dans le champ scolaire
Le réseau RECI (Ressources pour l'égalité des chances et l'intégration), dont l'AVDL est membre, a organisé le 30/01/20 à Paris, un séminaire « fermé » dédié à « La prévention des discriminations ethno-raciales dans le champ scolaire ». Il a permis de rassembler des chercheurs experts, des acteurs du monde éducatif et des professionnels de la prévention et de la lutte contre les discriminations. L'objectif était de sensibiliser sur les risques de discriminations ethno-raciales dans le champ scolaire et de partager les enjeux, les réflexions et les initiatives en cours sur ce sujet. Ce séminaire initie un nouveau chantier du Réseau, dont les suites seront livrées  dans les prochains mois. En attendant, il est possible de retrouver les premiers éléments de restitution et les ressources de cette journée dans un Webdocumentaire.

Laïcité et religion au sein de l’école et dans la société
Cette enquête, menée par le Cnesco (Centre national d’étude des systèmes scolaires), sur l’ensemble du pays auprès de plus de 16 000 élèves de 3e et de terminale, de 500 enseignants et de 350 chefs d’établissement montre qu’au sein de l’école, les élèves, et encore plus les personnels d’éducation (enseignants et chefs d’établissement), adhèrent très largement aux principes de laïcité. La tolérance et le respect des convictions de chacun suscitent une très forte adhésion. La très grande majorité des élèves adhèrent également à la neutralité religieuse des enseignants même si, lorsqu’il s’agit de la place concrète accordée à la religion au sein de l’école, les élèves sont moins unanimes.
Très peu de chefs d’établissement déclarent rencontrer des problèmes importants de remise en cause des enseignements pour des motifs religieux (de 1 à 2%). Ces problèmes sont néanmoins plus importants dans les collèges relevant de l’éducation prioritaire.
Au-delà de l’enceinte scolaire marquée par un très fort respect de la laïcité, la très grande majorité des élèves adhèrent également au principe de la séparation des institutions publiques et des organisations religieuses dans le cadre plus global de la société. L’enquête montre enfin que le niveau des connaissances civiques des élèves joue un rôle primordial positif sur le regard qu’ils portent sur la laïcité et la place de la religion dans l’enceinte scolaire (« Laïcité et religion au sein de l’école et dans la société : évaluation des attitudes civiques des collégiens et des lycéens », Cnesco, 01/20 : synthèse et rapport).