Veille documentaire et informations N°47 - Décembre 2020

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Table des matières


1/LOGEMENT : ACTUALITES ET INFORMATIONS GENERALES

1.1        Discrimination et logement

Belgique
Une Cour d’Appel valide la possibilité d’utiliser des enregistrements téléphoniques pour prouver les refus de location discriminatoires
Discrimination ethnique sur le marché du logement locatif en Wallonie

France

Actualités générales
Prévenir les risques de discriminations dans l’accès au logement

Bidonvilles
Lieux de vie informels : malgré la crise sanitaire, les expulsions ont continué

Demandeurs d’asile
Défaut d’hébergement d’une femme enceinte : la carence fautive de l’État à remplir ses obligations engage sa responsabilité et le CE en définit les contours

Mixité sociale
Quartiers prioritaires : une attractivité qui, selon la Cour des Comptes, a peu progressé depuis 10 ans
Les attributions de logements sociaux en dehors d'un quartier prioritaire aux ménages demandeurs les plus modestes : un bilan, entre 2017 et 2019, loin des objectifs fixés.
La mixité sociale est plus forte en journée sur les lieux d’activité que pendant la nuit dans les quartiers de résidence

Politique de la ville
Les résidents des quartiers prioritaires estiment avoir un cadre de vie « dégradé »
Les quartiers pauvres ont un avenir

Parc privé
Formation continue des agents immobiliers : un décret impose désormais de suivre une formation spécifique sur la non-discrimination dans l'accès au logement
Une charte pour lutter contre les discriminations dans l'accès au logement est signée

1.2        Actualités générales sur le logement

Europe

Informations générales
La lutte contre la pénurie de logements destinés à la location de longue durée constitue une raison impérieuse d’intérêt général qui justifie la mise en place d’un système d’autorisation pour les locations de courte durée

France

Coronavirus
La crise sanitaire amplificatrice du mal logement

Hébergement
Héberger des demandeurs d’asile sur un parking, sous des tentes et à même le sol, pendant trois mois ne relève pas d’un traitement inhumain et dégradant
Exilés : ce qu’habiter à l’hôtel veut dire

Parc social
« Améliorer, simplifier et clarifier la gestion de la demande et des attributions de logements sociaux » : l'USH propose son Livre blanc
Réforme(s) des attributions : quel impact pour les acteurs locaux ?

Dalo
La radiation du fichier des demandeurs de logement social n'a pas, par elle-même, pour effet de délier l'Etat de l'obligation qui pèse sur lui d'en assurer l'exécution
Dalo  hébergement : pour un plan national d'accès au droit et de lutte contre le non-recours

2/ DISCRIMINATION : ACTUALITES ET INFORMATIONS GENERALES

Union européenne
Une Union de l’égalité: plan d’action de l’UE contre le racisme 2020-2025
Roms : une nouvelle stratégie européenne pour lutter contre les discriminations
Plan d'action en faveur de l'intégration et de l'inclusion pour la période 2021-2027

France

Actualités générales
Victimes de traitements défavorables à caractère discriminatoire : les discriminations liées à l’origine ou à la couleur de peau des victimes sont les plus fréquentes
Seine-Saint-Denis : un baromètre des discriminations
DDD : un guide pratique à l’usage des intervenants de l’action sociale
Le test de discrimination, une méthodologie à respecter

Statistiques ethniques
Oui, la statistique publique produit des statistiques ethniques
Comment l’enquête Trajectoires et Origines a changé la donne sur les statistiques ethniques en France

Demandeurs d’asile et réfugiés
Accès à la formation et à l’emploi : une approche restrictive en direction des demandeurs d’asile et des engagements volontaristes en faveur des réfugiés

Immigration
Descendants d’immigrés et mobilisation : de la lutte contre les stéréotypes vers l’émergence d’une identité Asiatique

Intégration
Une bibliographie « Intégration »

Emploi
Contre les discriminations à l’embauche, Terra Nova propose la création d’un organisme indépendant

Education
Inscription scolaire : un décret pour encadrer les exigences des mairies

Santé
Refus de soins discriminatoire et procédure de conciliation

Laïcité
Conseil d’Etat : les menus de substitution dans les cantines scolaires ne sont pas contraires au principe de laïcité
L’Observatoire de la laïcité rappelle la nécessité d’une analyse objective et rigoureuse

1/LOGEMENT : ACTUALITES ET INFORMATIONS GENERALES

1.1 Discrimination et logement

Belgique

Une Cour d’Appel valide la possibilité d’utiliser des enregistrements téléphoniques pour prouver les refus de location discriminatoires
Dans cette affaire, un individu était intéressé par la location d’un logement. L’agence immobilière l’a informé par un SMS que l’appartement était déjà loué. Comme le bien restait en ligne, le candidat locataire s’est demandé s’il n’avait pas été discriminé. Il demande à une personne d'origine belge de contacter l’agence, qui l'informe que le bien est toujours libre.
Ce « test de situation » par téléphone, qu’il a effectué avec le soutien d’une association et dont il a conservé appuie sa plainte pour discrimination.
Par décision du 20/09/20, la Cour d’appel de Bruxelles confirme le jugement du Tribunal de première instance de Nivelles qui avait validé la discrimination par l’agence immobilière à l’encontre de ce candidat à la location. L’agence immobilière est condamnée à payer une indemnité de 1300 € au candidat locataire discriminé, à afficher la condamnation dans les locaux de l’agence et à la publier dans la revue périodique de l’Institut Professionnel des agents Immobiliers (IPI).
Selon la loi belge, lorsque la victime apporte des d’éléments permettant de présumer l'existence d'une discrimination, cela  renverse la charge de la preuve  et c’est alors au défendeur de prouver qu'il n'y a pas eu de discrimination.
C’est dans cette optique qu’Unia, qui est une institution publique indépendante qui lutte contre la discrimination en Belgique,  propose aux potentielles victimes une méthode de test téléphonique ou par mail et, si elles le souhaitent d’être accompagnées pour sa réalisation par Unia ou l’un de ses partenaires.
Néanmoins, les plaintes sont rares et jusqu’à ce que le Cour d’appel de Bruxelles ne se prononce, il n’était pas certain que cette méthode soit considérée comme valable. En effet, certains tribunaux de 1ere instance avaient écarté de tels enregistrements en estimant que la preuve avait été récoltée de manière déloyale et qu’il y avait une violation du droit à un procès équitable (« Décision de la Cour d’appel de Bruxelles du 28/09/20 »,  «Discriminé·e dans la recherche d’un logement? Prouvez-le avec des enregistrements téléphoniques », 05/10/20, Unia).

Discrimination ethnique sur le marché du logement locatif en Wallonie
P.-P. Verhaeghe, sociologue à la Vrije Universiteit Brussel, a effectué une recherche sur l'occurrence de la discrimination ethnique sur le marché du logement locatif privé en Wallonie en 2019. À cette fin, il a effectué 1109 tests de correspondance auprès d’agences immobilières à Liège, Namur, Mons et Charleroi.
Les résultats de la recherche montrent que les candidats ayant un nom à consonance marocaine sont discriminés dans 28% des cas en Wallonie par rapport aux candidats ayant un nom à consonance belge. Les agents immobiliers discriminent notablement moins que les propriétaires privés : 20 % contre 43 %.
Cependant, il existe d’importantes différences entre les quatre villes étudiées, tant au niveau des taux de discrimination ethnique (de 64% à Mons à 8% à Liège), que dans la répartition des faits entre  agents immobiliers et propriétaires. « Les niveaux de discrimination ethnique sont alarmants à Mons et à Namur, bien plus élevés qu'à Bruxelles cf. Veille doc&infos LCD et Logement n° 44, Gand, Malines et même Anvers », explique l’auteur. « Nous soupçonnons que la discrimination ethnique est encore plus importante lors des dernières phases du processus de location. »
Par analogie avec « l'approche gantoise » cf. Veille doc&infos LCD et Logement n° 39 contre la discrimination, il plaide en faveur d'une combinaison de formation, de dialogue et de tests de correspondance académiques, juridiques et de sensibilisation proactifs, ainsi que de « contrôles mystères » contre la discrimination.
(« Ethnic discrimination on the housing market of Wallonia: an explorative study », P.-P.Verhaeghe, 11/20 ; « Discrimination ethnique sur le marché du logement locatif en Wallonie », Communiqué de presse de la Vrije Universiteit Brussel, 06/11).  

France

Actualités générales

Prévenir les risques de discriminations dans l’accès au logement
Afin d’accompagner les territoires sur ces enjeux, l’IREV (centre politique de la ville) et l’URHLM des Hauts de France ont proposé trois cycles de qualification (janvier 2018 à juillet 2019) à destination des acteurs du logement et de la Politique de la ville. A travers un « dossier-ressources », sont rassemblés les principaux apports de ces cycles, afin de « constituer un appui méthodologique permettant à la fois de se remémorer l’essentiel de ces interventions mais également de constituer une base de connaissances pour celles et ceux n’ayant pas pu y participer ».
Toujours dans le cadre de ce partenariat, une visio-conférence, intitulée « Prévenir et lutter contre les discriminations dans l’accès au logement : les enjeux de l’action publique » s’est déroulée le 06/11/20. A cette occasion, l’IREV met à disposition l’enregistrement de cette  visio-conférence, une synthèse des échanges ainsi que les supports des interventions.

Bidonvilles

Lieux de vie informels : malgré la crise sanitaire, les expulsions ont continué
L’observatoire des expulsions collectives de lieux de vie informels a publié son 2e rapport annuel. Il fait état de la persistance des évacuations des personnes en situation de grande vulnérabilité, y compris pendant la crise sanitaire. Entre le 1er novembre 2019 et le 31 octobre 2020, 1079 expulsions ont ainsi été recensées en France métropolitaine, contre 1159 dans le rapport précédent. Elles ont concerné au moins 141 810 personnes soit, en moyenne, 388 personnes expulsées par jour.
Dans les territoires du Calaisis et de la ville de GrandeSynthe, l’Observatoire estime qu’une « véritable stratégie de harcèlement des personnes vivant dans des lieux de vie informels est mise en place ». Ces territoires représentent à eux-seuls 88 % des expulsions signalées pour l’ensemble du territoire métropolitain. Dans une moindre mesure, l’Ile-de-France est également un territoire concerné par les expulsions de lieux de vie informels : 44 expulsions y ont été observées.
Dans la plupart des cas, les expulsions sont relativement peu anticipées et violentes, notamment de la part des forces de l’ordre à l’égard des personnes expulsées. Alors que les biens sont censés être protégés dans le cadre d’une expulsion, ils sont souvent détruits ou confisqués. Par ailleurs, pour l’Observatoire, la remise à la rue est l’une des principales issues des expulsions (« 1er novembre 2019 - 31 octobre 2020, note d’analyse détaillée », Observatoire des expulsions collectives de lieux de vie informels, 11/20 : rapport et synthèse) .

Demandeurs d’asile 

Défaut d’hébergement d’une femme enceinte : la carence fautive de l’État à remplir ses obligations engage sa responsabilité et le CE en définit les contours
Mme A., une ressortissante nigériane, enceinte et mère d’un jeune enfant, avait présenté en mai 2014 une demande d’asile et s’était vu délivrer un titre de séjour provisoire. Elle avait demandé, sans l’obtenir, un accueil en centre d’hébergement et a été admise au centre hospitalier de Nantes, entre le 25/06 et le 07/07/14, pour la naissance de son second enfant. Elle a recherché la responsabilité de l’État en saisissant le tribunal administratif de Nantes du fait de son absence d’hébergement entre le 15/05 et le 25/06/14. Sa demande a été rejetée,  le tribunal estimant que l'intéressée, ainsi que ses enfants, avaient disposé d'un hébergement avant son hospitalisation et n'en avaient pas expressément sollicité après. La cour administrative d’appel a confirmé cette décision et a transmis au Conseil d’État (CE) le pourvoi.
Pour le CE, en statuant ainsi, « alors qu'il ressortait des pièces du dossier qui lui était soumis que Mme A., enceinte de huit mois, avait été contrainte de s'abriter avec son enfant, entre le 15 mai et le 25 juin 2014, dans le hall d'un établissement de santé puis dans une église et que, après son accouchement, les services sociaux du CHU de Nantes avaient, à de nombreuses reprises, attiré l'attention des services préfectoraux sur sa situation, le tribunal a dénaturé les pièces du dossier qui lui était soumis ». Par ailleurs, pendant la période du 7 au 10 juillet, la fille de Mme A., prise en charge par la Croix rouge, a été séparée de sa mère, restée sans solution d'hébergement avec son nourrisson...
Le CE rappelle que l’État doit assurer au demandeur d’asile, selon ses besoins et ses ressources, des conditions d’accueil comprenant l’hébergement, la nourriture et l’habillement. « La carence fautive de l’État à remplir ses obligations engage sa responsabilité à l’égard du demandeur d’asile, au titre des troubles dans les conditions d’existence. Ces troubles doivent être appréciés en tenant compte, non seulement du montant de la prise en charge dont le demandeur d’asile a été privé du fait de cette carence, mais aussi, notamment, des conditions d’hébergement, de nourriture et d’habillement qui ont perduré du fait de la carence de l’État et du nombre de personnes dont le demandeur d’asile a la charge pendant la période de responsabilité de l’État ». Ce dernier est donc condamné à verser à Mme A, une somme de 2 000€ (CE, n° 425310, 08/07/20).

Mixité social

Quartiers prioritaires : une attractivité qui, selon la Cour des Comptes, a peu progressé depuis 10 ans
Depuis 40 ans, la politique de la ville a pour objectif de réduire les écarts entre les quartiers dits « prioritaires » et les autres, en améliorant les conditions de vie de leurs habitants. L’État y consacre environ 10 Md€ chaque année, auxquels s’ajoutent les financements de la rénovation urbaine et les dépenses, difficilement mesurables, des collectivités territoriales.
En s’appuyant sur une enquête nationale et l’étude approfondie de la situation de huit quartiers prioritaires, la Cour des Comptes et quatre chambres régionales des comptes ont procédé à l’évaluation d’un des objectifs clefs de cette politique publique : l’attractivité des quartiers prioritaires autour de trois dimensions de la vie quotidienne : le logement, l’éducation et l’activité économique. Selon la Cour, « en dépit des moyens financiers et humains déployés, cette attractivité a peu progressé en dix ans »... et l’objectif fixé par la loi de réduire les écarts entre les quartiers prioritaires et les autres quartiers s’efface devant un objectif plus modeste d’amélioration des conditions de vie de leurs habitants.
Ainsi, en matière de logement, au cours des dix dernières années et en dépit de l’amélioration du bâti et de l’urbanisme, l’attractivité des quartiers ayant bénéficié du plan national de rénovation urbaine (PNRU), évalué à environ 46 Md€, reste faible, leur image restant durablement ternie par les problèmes de sécurité. Pour la Cour, la politique d’attribution des logements sociaux ne contribue pas à atteindre l’objectif de mixité sociale et elle peine à inverser la tendance à la concentration des difficultés dans ces quartiers.
Ces résultats décevants mettent en lumière qu’à côté de la rénovation urbaine, nécessaire mais pas suffisante, les moyens déployés par l’État et les collectivités au titre du « droit commun » en termes de sécurité, de propreté, d’aide à la petite enfance ou de transport répondent insuffisamment aux besoins spécifiques ou amplifiés des quartiers et de leurs habitants.
Pour y remédier, elle formule quatre orientations générales : renforcer la décentralisation de la politique de la ville ; préciser le sens et la portée des objectifs de mixité sociale et fonctionnelle des quartiers ; mieux articuler le renouvellement urbain et l’accompagnement social, éducatif et économique des habitants; renforcer l’articulation des actions financées par les crédits de la politique de la ville et par les politiques publiques générales, pour mieux répondre aux besoins spécifiques des habitants des quartiers prioritaires (« L’évaluation de l’attractivité des quartiers prioritaires : une dimension majeure de la politique de la ville » : rapport et sa synthèse, cahiers territoriaux et leur synthèse, Cour des Comptes, 12/20).

Les attributions de logements sociaux en dehors d'un quartier prioritaire aux ménages demandeurs les plus modestes : un bilan, entre 2017 et 2019, loin des objectifs fixés.
La loi Égalité et Citoyenneté impose depuis 2017 sur près de 400 EPCI de consacrer au moins 25 % des attributions de logements situés hors d’un quartier prioritaire (QPV) aux 25 % des ménages demandeurs aux ressources les plus faibles. Cette étude de l’ANCOLS (Agence Nationale de Contrôle du Logement Social)  présente le bilan entre 2017 et 2019.
En 2019, 42 000 attributions hors QPV ont été consacrées aux ménages les plus modestes sur les EPCI concernés par la réforme des attributions, soit 15,5 % des 272 000 attributions hors QPV réalisées en 2019. Ce taux d’attribution est plus élevé qu’en 2018 où il était de 14 % mais il est 1 point en dessous de celui de 2017. Les logements sociaux situés dans les EPCI concernés regroupent 90 % du stock de logements sociaux du territoire français, et environ un tiers de ces logements sont en QPV. Le taux d’attribution de 25 % n’est atteint que sur très peu d’EPCI/EPT, ils ne sont que 8 % à atteindre ce seuil en 2019. Les territoires en zones tendues sont ceux qui atteignent le moins ce seuil : en zones A et A bis ce n’est le cas que d’un EPCI/EPT sur 56, et de 7 sur 162 en intégrant la zone B1, soit seulement 4 % de ces territoires (« Les attributions de logements sociaux en dehors d'un quartier prioritaire aux ménages demandeurs les plus modestes : bilan entre 2017 et 2019 », ANCOLS, 09/20).

La mixité sociale est plus forte en journée sur les lieux d’activité que pendant la nuit dans les quartiers de résidence
Cette étude, proposée par l’Insee, s’appuie sur des données de téléphonie mobile, qui permettent indirectement d’estimer où les individus se trouvent approximativement tout au long de la journée. Elle analyse les phénomènes de ségrégation résidentielle (l’endroit où l’on réside) et les différencie de ceux de ségrégation spatiale (l’endroit où l’on se trouve à un moment de la journée). Ainsi, les populations les plus pauvres comme les plus aisées sont surreprésentées dans les villes. Elles ne sont cependant pas uniformément réparties dans l’espace et se concentrent dans des lieux précis, ce qui génère de la ségrégation résidentielle. Les personnes à hauts revenus vivent davantage regroupées que celles à bas revenus.
Cependant, comme il est moins coûteux de se déplacer dans un espace que d’y vivre, la ségrégation spatiale dans la journée est potentiellement plus faible que la ségrégation résidentielle : entre 10 heures et 18 heures, elle est inférieure d’environ 70 à 80 % à sa valeur nocturne. Par ailleurs, pendant la journée, les bas revenus côtoient plus de personnes n’appartenant pas à leur groupe que les hauts revenus. Ainsi, à Paris et Lyon, durant la journée, les bas revenus sont presque uniformément répartis dans la ville, ce qui n’est pas le cas des hauts revenus. Enfin, les auteurs notent que « dans les villes, l’organisation des infrastructures de transport entre le centre et la périphérie facilite ou, au contraire, freine les déplacements ». En effet,  les personnes à bas revenus habitent plus souvent dans les espaces où il est plus difficile de se déplacer (« La mixité sociale est plus forte en journée sur les lieux d’activité que pendant la nuit dans les quartiers de résidence », L. Galiana, B. Sakarovitch, F. Sémécurbe, Z.Smoreda , Insee Analyses n°59, 11/20).

Politique de la ville

Les résidents des quartiers prioritaires estiment avoir un cadre de vie « dégradé »
Selon la cinquième édition de l’Observatoire national de la politique de la ville (ONPV), consacrée au « bien-vivre » des habitants, les résidents des quartiers prioritaires estiment avoir un cadre de vie « dégradé ». En effet, ils déclarent vivre dans des logements en mauvais état, subir des comportements discriminants et devoir faire face à des conditions de travail précaires. Ainsi, 36 % des résidents rapportent que les parties communes ou les équipements à l’intérieur de leur immeuble sont en mauvais état (ascenseurs mal entretenus, boîtes aux lettres endommagées, tags…). Ce chiffre descend à 16 % lorsqu’on interroge les habitants des quartiers environnants.
Préoccupés par le bruit, la délinquance, l’environnement sale ou mal entretenu, ils sont 42 % à ne pas trouver leur lieu de vie sûr, et seuls 24 % le jugent « tout à fait agréable à vivre » (contre 58 % dans les autres unités urbaines).
Autre point mis en avant par l’Observatoire : les discriminations subies par les résidents des QPV. Celles-ci sont plus fréquentes qu’ailleurs, particulièrement lorsqu’il s’agit d’une recherche de logement ou d’une demande administrative. L’origine réelle ou supposée de la victime est mentionnée comme critère du dernier comportement discriminant par 52 % des habitants des quartiers prioritaires (contre 27 % dans les unités urbaines environnantes). De la même manière, 33 % rapportent avoir été discriminés en raison de leur couleur de peau et 16 % à cause de leur religion (contre respectivement 18 % et 8 %).
Enfin, les résidents des quartiers prioritaires se disent davantage exposés aux risques de chômage et aux conditions de travail précaires. Près d’un quart (23 %) des actifs occupent ainsi un contrat à durée déterminée (CDD) ou assurent une mission d’intérim, alors qu’ils sont 12 % dans les autres quartiers (« Bien vivre dans les quartiers prioritaires, Rapport 2019 », ONPV, 2020 : rapport et synthèse).

Les quartiers pauvres ont un avenir
Dans ce nouveau rapport, réalisé par H. El Karoui, l’Institut Montaigne choisit l'angle économique pour se pencher sur l'avenir des 1 296 quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV) de France métropolitaine. Pour l’auteur, si les QPV sont définis par leur pauvreté, il apparait qu’ils partagent d’autres caractéristiques : ils accueillent davantage de populations immigrées et jeunes, ils disposent d’un parc de logements sociaux plus important, ils ont un taux d’emploi féminin ou encore de participation électorale plus faible que le reste de la France métropolitaine.
Toutefois, ils sont loin d’être homogènes et il est proposé de les catégoriser en trois grands types : les quartiers « post-industriels » (1 million d’habitants), qui correspondent en majorité aux zones anciennement industrielles et situées dans le nord/nord-est de la France; les quartiers « excentrés » (1,7 million d’habitants), situés en grande partie dans ou près des petites villes et villes moyennes ; les quartiers « maquiladoras » ou « métropolitains » (3,4 millions d’habitants), situés en périphérie des grandes métropoles et en particulier en Ile-de-France. Mettant en perspective cette France des quartiers et celle des Gilets jaunes, le rapport estime que « ceux qui ont récemment manifesté ne sont pas nécessairement ceux qui sont le plus à plaindre » : alors que les revenus de la France de la « diagonale du vide »reposeraient particulièrement sur les retraites, ils seraient les premiers bénéficiaires de la solidarité nationale.
A l’inverse, un département comme la Seine-Saint-Denis, le plus pauvre de France métropolitaine, est le 8e  contributeur au financement de la protection sociale et celui qui reçoit le moins de protection sociale par habitant. De manière générale, l’auteur note que « les revenus dits de transfert des habitants des QPV sont inférieurs à la moyenne nationale (6 100 euros contre 6 800 euros), réfutant l’idée selon laquelle la population des quartiers pauvres vit des transferts sociaux ».
De même la politique de la ville serait  loin d’être un puits sans fond : le montant des dépenses de l’État pour les quartiers pauvres et des bailleurs sociaux pour l’Agence nationale pour la Rénovation Urbaine (ANRU) est d’environ 800 euros par an et par habitant… Toutefois, ces divers plans successifs ont peu abordé l’angle économique, privilégiant la question sociale et celle du bâti. Pourtant et selon l’auteur, le processus de polarisation des emplois, caractérisé par une hausse de la part des emplois pour les plus qualifiés et les moins qualifiés, au détriment des emplois intermédiaires, joue en faveur des quartiers pauvres. Ainsi,  « dans le cas des quartiers métropolitains, le capital humain jeune et dynamique, la proximité des métropoles et le foncier moins cher facilitent l’essor des activités de transport et de logistique ». Plus largement, il estime ces quartiers adaptés aux « services à la métropole » : hôtellerie-restauration, services à la personne, etc.
En terme de pistes de solutions, l’auteur propose de « limiter à 40% le taux de logement social dans une commune afin « de ne pas concentrer la pauvreté aux mêmes endroits ». Il prône la mise en œuvre d’un « Anru des habitants », à côté de l’Anru des bâtiments et la nécessité « d’investir dans les flux plutôt que dans les stocks, dans les habitants plutôt que dans les bâtiments » (« Les quartiers pauvres ont un avenir », H El Karoui, Institut Montaigne, 10/20, résumé et rapport).

Parc privé

Formation continue des agents immobiliers : un décret impose désormais de suivre une formation spécifique sur la non-discrimination dans l'accès au logement
​La loi Hoguet, dans sa rédaction issue de la loi ALUR, soumet les professionnels de l'immobilier à une obligation de formation continue, et précise que la carte professionnelle ne peut être renouvelée que s'ils justifient l'avoir remplie. Un décret, en date du 14/10/20, impose désormais de suivre une formation spécifique sur la non-discrimination dans l'accès au logement.
À compter du 1er janvier 2021, la formation continue inclura donc, au cours de trois années consécutives d'exercice au moins 2 heures portant sur la non-discrimination dans l'accès au logement et au moins 2 heures portant sur les autres règles déontologiques (« Décret n° 2020-1259 modifiant le décret n° 2016-173 du 18 février 2016 relatif à la formation continue des professionnels de l'immobilier », 14/10/20).

Une charte pour lutter contre les discriminations dans l'accès au logement est signée
Le Gouvernement a signé, le 01/10/20, avec les acteurs de l'immobilier une charte relative à la lutte contre les discriminations dans l'accès au logement.
Le document a été paraphé par la Fnaim, l'Union des syndicats de l'immobilier (Unis), le Syndicat national des professionnels immobiliers, l'Union nationale des propriétaires immobiliers et SOS racisme. Il se donne pour but de « renforcer l'action des professionnels pour lutter contre toutes formes de discriminations dans l'accès au logement ».  Les signataires s'engagent à développer des outils de sensibilisation et de formation afin de déconstruire les préjugés à destination de l'ensemble des professionnels. Ces actions seront également destinées aux propriétaires-bailleurs, notamment par la diffusion de guides pédagogiques (« Charte relative à la lutte contre les discriminations dans l’accès au logement », 01/10/20).

1.2 Actualités générales sur le logement

Europe

Informations générales

La lutte contre la pénurie de logements destinés à la location de longue durée constitue une raison impérieuse d’intérêt général qui justifie la mise en place d’un système d’autorisation pour les locations de courte durée
Pour faire face à la location Airbnb dans des territoires où l’offre de logement est particulièrement tendue, le législateur français a introduit une nouvelle réglementation.
En particulier, les articles L. 631-7 et suivants du code de la construction et de l’habitation (CCH) prévoient que dans les zones particulièrement tendues, le fait de louer un local meublé destiné à l’habitation de manière répétée et pour de courtes durées à une clientèle de passage qui n’y élit pas domicile constitue un changement d’usage. Ce changement d’usage est soumis à une autorisation préalable du maire de la commune et ce dernier peut la conditionner à la transformation d’autres locaux en locaux d’habitation.  
Deux propriétaires ont alors attaqué la Mairie de Paris pour contester cette règlementation qui, selon eux, méconnaissait le droit de l’Union européenne, et en particulier à la directive 200/123 dite « directive Bolkestein » qui pose notamment le principe de la libre prestation de service. Ne pouvant statuer directement, la Cour de cassation a renvoyé plusieurs questions préjudicielles à la Cour de justice de l’Union européenne. Elle souhaitait en particulier savoir si l’article 9 de cette directive permettait que « l’objectif tenant à la lutte contre la pénurie de logements destinés à la location constitue une raison impérieuse d’intérêt général permettant de justifier une mesure nationale soumettant à autorisation, dans certaines zones géographiques », une telle location.
La CJUE a rendu son arrêt le 22/09/20 et explique que l’article L. 631-7 du CCH « vise à établir un dispositif de lutte contre la pénurie de logements destinés à la location, avec pour objectifs de répondre à la dégradation des conditions d’accès au logement et à l’exacerbation des tensions sur les marchés immobiliers, notamment en régulant les dysfonctionnements du marché, de protéger les propriétaires et les locataires et de permettre l’accroissement de l’offre de logements dans des conditions respectueuses des équilibres des territoires, dans la mesure où le logement est un bien de première nécessité et le droit à un logement décent constitue un objectif protégé par la Constitution française ».
La Cour ajoute que « l’activité de location de locaux meublés de courte durée a un effet inflationniste significatif sur le niveau des loyers, en particulier à Paris, mais également dans d’autres villes françaises, tout particulièrement lorsqu’elle émane de loueurs proposant à la location deux logements entiers ou plus, ou un logement entier plus de 120 jours par an ». Pour la Cour, la réglementation est donc justifiée par une raison impérieuse d’intérêt général.
Concernant la question de la proportionnalité de cette mesure par rapport à l’objectif poursuivi la Cour européenne répond également par l’affirmative. Elle explique en particulier que le régime de l’autorisation est le plus à même de remplir l’objectif poursuivi : « un contrôle a posteriori interviendrait trop tardivement pour avoir une efficacité réelle », précise-t-elle (Affaires C‑724/18 et C‑727/18, CEDH, 22/09/20 : décision intégrale et communiqué de presse n°111/20).

France

Coronavirus

La crise sanitaire amplificatrice du mal logement
Le Puca (Plan urbanisme construction architecture) a consacré sa  « Note d'analyse » d’octobre 2020 à la manière dont les observateurs se sont penchés sur les différentes échelles du logement et de l’habiter au cours des derniers mois. Elle montre notamment comment la crise a amplifié des difficultés et creusé des écarts sociaux qui lui préexistaient. A ce titre, elle a joué un rôle d'amplificateur des problèmes de sans-abrisme et de mal logement. Elle a ainsi mis en évidence l'incapacité à confiner une partie de la population qui n'a pas accès au logement. La réponse est passée par des réquisitions temporaires d'hôtels pour loger les personnes SDF, posant ainsi la question de leur devenir après l'état d'urgence et de la nécessité de prévenir la survenue de nouvelles précarités.
La note pointe aussi l'accumulation de difficultés pour les occupants en surpeuplement ou sur-occupation, en particulier « quand toutes les activités sociales, y compris le travail et la scolarité des enfants, sont contraintes de se dérouler à domicile ». De même, la crise sanitaire a aggravé les situations d'isolement pour les personnes fragiles et s'est traduite par une sensibilité accrue aux défauts du logement.
De façon plus large, « la crise sanitaire interroge les spatialités et fonctionnalités du logement » et le confinement a mis en évidence la nécessité de concevoir des logements plus flexibles.
En matière d'immobilier, la crise sanitaire pourrait se traduire par une baisse – relative – des loyers dans les métropoles, au profit des villes moyennes. De même, la crise pourrait conduire à un développement de « l'urbanisme des communs », favorisant les réseaux de solidarité locale, l'essor des circuits-courts et l'économie du partage («Le logement face à la crise sanitaire », Note d’analyse n°3, 10/20, Puca | octobre 2020).

Hébergement

Héberger des demandeurs d’asile sur un parking, sous des tentes et à même le sol, pendant trois mois ne relève pas d’un traitement inhumain et dégradant
Au mois de mars 2013, un campement regroupant environ quarante-cinq demandeurs d’asile se constitua aux abords de la plateforme d’accueil des demandeurs d’asile à Metz. Ce camp fut démantelé par décision du préfet de la Moselle.
En raison de la saturation des dispositifs d’hébergement en Moselle, le préfet ouvrit un campement, le 19/06/13, sur un ancien parking, qu’il fermera le 15/11/13.
Un certain nombre de demandeurs d’asile concernés saisirent les instances nationales, puis après avoir vus leurs requêtes déboutées, la Cour Européenne des Droits de l’Homme (CEDH). Ils soutenaient devant elle que leur exclusion des structures d’accueil prévues par le droit national, pendant la période du 29 juin 2013 au 9 octobre 2013 et leur installation pendant plus de trois mois dans ce campement les a exposés à des traitements inhumains et dégradants. Ils soulignaient qu’ils y logèrent dans des tentes, à même le béton et que ces conditions de vie étaient particulièrement inappropriées pour de très jeunes enfants.
Dans son arrêt, rendu le 10/09/20, la CEDH a conclu à la non-violation de l’article 3 de la Convention par la France.
Pourtant la Cour relève que le campement où les requérants ont vécu « était saturé, qu’il offrait des conditions sanitaires critiques et était devenu, au fil des semaines, insalubre ».
Toutefois, La Cour observe, d’une part, que les requérants ne fournissent pas d’éléments précis lui permettant d’apprécier, de manière concrète, leurs propres conditions de vie avec leurs enfants pendant les trois mois et onze jours où ils sont restés sur le site, notamment sur la façon dont ils ont pu se nourrir et se laver.
D’autre part, la Cour estime qu’il « est constant que les autorités françaises ne sont pas restées indifférentes à la situation des requérants qui ont pu faire face à leurs besoins élémentaires : se loger, se nourrir et se laver ». Ainsi, si les requérants n’ont perçu l’ATA qu’à compter des 12 et 21 novembre 2013, ils ont reçu entre le 29 juin et 9 octobre 2013, date de leur départ du campement, une aide alimentaire sous forme de tickets service. Par ailleurs, les enfants ont été suivis médicalement et vaccinés et ceux qui étaient âgés alors de 9 et 11 ans ont été scolarisés. Enfin, l’offre de logement dans une structure pérenne a été faite trois mois et onze jours après leur arrivée sur le campement, soit, selon la Cour, « de manière relativement rapide ».
La Cour estime donc ne  pas être en mesure de conclure que les requérants se sont trouvés, pendant la période litigieuse, dans une situation de dénuement matériel susceptible d’atteindre la gravité nécessaire pour tomber sous le coup de l’article 3 de la Convention (« Affaire B.G. et autres c. France, requête no 63141/13, CEDH, 20/09/20 : décision et communiqué).

Exilés : ce qu’habiter à l’hôtel veut dire
Parmi les établissements mobilisés pour fournir un hébergement aux demandeurs d’asile en attente de leur régularisation, on note une part significative d’hôtels reconvertis totalement ou partiellement à cette nouvelle mission. C’est notamment le cas des «  hôtels-budget » qu’on avait vu fleurir sous diverses franchises dans les années 80 à destination d’une clientèle individuelle à la recherche d’une chambre au confort minimaliste pour de courts séjours. Ils accueillent aujourd’hui des familles entières pour des durées qui peuvent se compter en mois. Qu’est-ce qu’habiter dans ce type d’hôtels, souvent situés à la périphérie des villes, veut dire pour ces familles ? Comment le quotidien et l’attente influent-ils sur les vies, les trajectoires et les représentations ?
C’est au partage de cette réalité qu’invite cet ouvrage tiré d’une enquête menée dans 15 hôtels différents, la plupart en région parisienne, d’autres dans l’Oise, en Normandie et en Bretagne, dans le Jura et les Hauts-de-France (« Exilés : ce qu’habiter à l’hôtel veut dire », L. Overney, J.-F. Laé, Puca, 17/12/20).

Parc social

« Améliorer, simplifier et clarifier la gestion de la demande et des attributions de logements sociaux » : l'USH propose son Livre blanc
L'Union sociale pour l'habitat publie un livre blanc intitulé « Améliorer, simplifier et clarifier la gestion de la demande et des attributions de logements sociaux », qui dégage dix axes de travail et des propositions sur ce sujet.
L’USH fait le constat que la réforme de la demande et des attributions des logements sociaux, initiée en 2013 et traduite par plusieurs textes de loi (ALUR, Ville, LEC, ELAN) a permis des avancées sur de nombreux territoires, mais que les effets attendus ne sont pas « pleinement au rendez-vous », notamment en matière d’amélioration du service aux demandeurs et de prise en compte des équilibres d’occupation du parc.
Par ailleurs, elle estime que les procédures de gestion se sont fortement complexifiées pour les acteurs professionnels et demande « que le ministère du Logement prenne sans délai l’initiative de poursuivre les discussions en créant une commission ad’hoc » (« Améliorer, simplifier et clarifier la gestion de la demande et des attributions de logements sociaux », USH, 09/12/20).

Réforme(s) des attributions : quel impact pour les acteurs locaux ?
La Fédération des Offices Publics de l’Habitat vient de publier un guide juridique sur l’impact des réformes des attributions sur les acteurs locaux. Ce guide est composé d’une note de cadrage qui remet en perspective les textes successifs afin d’en dégager le sens et la portée mais aussi d’en faire apparaître les limites. Il comprend également huit fiches à visée opérationnelle, présentant les dispositifs « clés » de la réforme : plan partenarial de gestion de la demande, cotation de la demande, cartographie du parc social, Conférence Intercommunale du Logement, Convention Intercommunale d’Attribution, location choisie, nouvelle CALEOL, gestion des contingents en flux (« Réforme(s) des attributions : quel impact pour les acteurs locaux ? », Fédération des OPH, 12/20).

Dalo

La radiation du fichier des demandeurs de logement social n'a pas, par elle-même, pour effet de délier l'Etat de l'obligation qui pèse sur lui d'en assurer l'exécution
La commission de médiation du Val d'Oise avait, par une décision du 4/11/16, déclaré M. B. prioritaire et devant être relogé en urgence au titre du DALO. L'intéressé avait saisi le tribunal administratif (TA) de Cergy-Pontoise, d'une demande tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet du Val d'Oise d'exécuter cette décision.
Par un jugement du 08/08/17, contre lequel M. B. s’est pourvu en cassation, le TA rejetait sa demande, estimant que la radiation de M. B. du fichier des demandeurs de logement social en raison du non-renouvellement de sa demande, intervenue le 24/01/17, faisait obstacle à ce que l'intéressé exerce le ce recours.
Pour le CE, en se fondant sur ce seul motif pour rejeter la demande de M. B., le TA a commis une erreur de droit. En effet, la radiation du fichier des demandeurs de logement social n'a pas, par elle-même, pour effet de délier l'Etat de l'obligation qui pèse sur lui d'en assurer l'exécution. Le juge, s'il constate qu'un demandeur de logement a été reconnu par une commission de médiation comme prioritaire et devant être logé ou relogé d'urgence et que ne lui a pas été offert un logement tenant compte de ses besoins et de ses capacités définis par la commission, doit ordonner à l'administration de loger ou reloger l'intéressé, sauf si celle-ci apporte la preuve que l'urgence a complètement disparu. Toutefois, un comportement du bénéficiaire de la décision de la commission de médiation qui serait de nature à faire obstacle à l'exécution de cette décision peut délier l'administration de l'obligation de résultat qui pèse sur elle. Mais la seule circonstance que, postérieurement à la décision de la commission de médiation, le bénéficiaire de cette décision est radié du fichier des demandeurs de logement social, n'a pas, par elle-même, pour effet de délier l'Etat de l'obligation qui pèse sur lui d'en assurer l'exécution. Il n'en va ainsi que si la radiation résulte de l'exécution même de la décision de la commission de médiation ou si les faits ayant motivé cette radiation révèlent, de la part de l'intéressé, une renonciation au bénéfice de cette décision ou un comportement faisant obstacle à son exécution par le préfet (CE, n° 420472, 08/07/20).

Dalo  hébergement : pour un plan national d'accès au droit et de lutte contre le non-recours
Déjà en 2015, le Comité de suivi de la loi DALO publiait un rapport intitulé « Le droit à l’hébergement opposable en péril » cf. Veille doc&infos LCD et Logement n° 35, débutant par un tableau sévère sur l’état du secteur du logement et de l’hébergement.
A la veille de son regroupement avec le Haut Comité pour le Logement des Personnes Défavorisées La loi du 07/12/20  d'accélération et de simplification de l'action publique institue auprès du Premier ministre un Haut Comité pour le logement des personnes défavorisées et le suivi du droit au logement opposable. (Haut Comité pour le logement),  le Comité constate que la situation n'a pas évolué depuis 2015 : la précarité touche toujours plus de ménages et les ménages avec une situation financière difficile voient leurs dépenses de logement augmenter. Par ailleurs, un trop grand nombre de personnes et de familles se retrouvent encore à la rue, totalement abandonnées.
Le Comité rappelle qu’ « inscrit dans la loi depuis les années 80, reconnu comme objectif à valeur constitutionnelle en 1995, la bataille pour la mise en œuvre du droit au logement dans notre pays est encore loin d’être gagnée ».
Le rapport se propose d’établir les points de dysfonctionnement du système actuel en matière de Droit au logement opposable (DALO) concernant le volet hébergement, et de formuler une série de propositions afin d’y apporter des réponses concrètes et opérationnelles. Car pour le Comité, il y a « urgence à ne pas faire entrave à l’accès au droit. Urgence à garantir un droit à l’accompagnement. Urgence à mettre en place un véritable plan national d’accès au droit et de lutte contre le non-recours » (« Le  dalo  hébergement (daho) - Pour un plan national d'accès au droit et de lutte contre le non-recours - Bilan 2008 – 2019 », Comité  de  suivi  de  la  loi  dalo, 11/20).

2/ DISCRIMINATION : ACTUALITES ET INFORMATIONS GENERALES

Union européenne

Une Union de l’égalité: plan d’action de l’UE contre le racisme 2020-2025
Dans son discours sur l'état de l'Union 2020 du 16/09/20, la présidente de la Commission, Mme Von der Leyen, a annoncé un nouveau plan d'action de l'UE contre le racisme qui définit une série de mesures pour les cinq prochaines années visant à intensifier l’action européenne et à réunir les acteurs de tout niveau pour combattre plus efficacement le racisme dans l’UE. La Commission veillera notamment à ce que les Etats membres mettent intégralement en œuvre la législation de l'UE en la matière et renforcent encore le cadre juridique, si nécessaire.
Le plan d'action prévoit notamment une meilleure application du droit de l'UE (présentation en 2021 d’un rapport sur l'application de la directive sur l'égalité raciale et si besoin nouvelles dispositions législatives d'ici à 2022) et une coordination plus étroite (nomination d’un coordinateur «antiracisme», rencontres biannuelles).
Concernant  les activités de police et une protection équitables, les États membres sont encouragés à redoubler d'efforts pour prévenir les attitudes discriminatoires des services de maintien de l'ordre et renforcer la crédibilité du travail répressif contre les crimes de haine.
Au niveau national, les États membres sont encouragés à adopter des plans d'action nationaux contre le racisme et la discrimination fondée sur la race d'ici à la fin de 2022. Pour la fin de 2021, la Commission, en collaboration avec des experts nationaux, compilera les grands principes dans des plans d'action nationaux efficaces et présentera un premier rapport d'avancement d'ici à la fin de 2023.
D'autres initiatives mentionnées dans le plan d'action viseront notamment à améliorer la collecte de données ventilées par origine ethnique ou raciale.
Dans le domaine du logement, au cours de la période 2021-2027, les fonds de la politique de cohésion resteront des instruments essentiels pour soutenir des actions contre la ségrégation en matière de logement et garantir l’accès à des services de base inclusifs et de qualité. Cependant, les actions qui contribuent à créer une quelconque forme de nouvelle ségrégation ne pourront pas bénéficier d'une aide financière. La «vague de rénovations» lancée par la Commission favorisera l’efficacité énergétique dans les logements sociaux ainsi que dans les logements occupés par des personnes à revenus modestes.
La mise en œuvre des actions présentées dans le plan d'action fera l'objet d'un suivi, les progrès seront communiqués et les actions seront adaptées si nécessaire (« Une Union de l’égalité: plan d’action de l’UE contre le racisme 2020-2025, communication de la commission au parlement européen, au conseil, au comité économique et social européen et au comité des régions », 18/09/20, versions intégrale et synthétique).

Roms : une nouvelle stratégie européenne pour lutter contre les discriminations
La Commission européenne a adopté le 07/10/20 un nouveau plan décennal  visant à soutenir les Roms dans l'UE. Il est la première contribution directe à la mise en œuvre du plan d'action de l'UE contre le racisme pour la période 2020-2025.
L'accent est mis sur sept domaines clé : égalité, inclusion, participation, éducation, emploi, santé et logement.
Si l'objectif est de parvenir à une pleine égalité, la Commission a proposé des objectifs minimaux pour 2030, dans le prolongement des progrès réalisés avec le cadre précédent.
Pour atteindre ces objectifs, la Commission fournit des orientations aux États membres et a dressé une liste de mesures à prendre par ces derniers. Au nombre de ces orientations et mesures figurent l'élaboration de systèmes de soutien aux Roms victimes de discriminations, l'organisation de campagnes de sensibilisation dans les écoles, le soutien à l'acquisition d'une culture financière, la promotion de l'emploi des Roms dans les organismes publics, et l'amélioration de l'accès des femmes roms à des examens médicaux de qualité, au dépistage et à des services de planification familiale.
Les États membres sont invités à présenter des stratégies nationales d'ici septembre 2021 et à rendre compte de leur mise en œuvre  tous les deux ans. L'intégralité du nouveau plan décennal fera l'objet d'une évaluation approfondie à mi-parcours (« The new EU Roma strategic framework for equality, inclusion and participation », Communiqué de presse (en Français) Commission européenne, 07/10/20).

Plan d'action en faveur de l'intégration et de l'inclusion pour la période 2021-2027
La Commission européenne a présenté le 24/11/20 le plan d'action en faveur de l'intégration et de l'inclusion pour la période 2021-2027. Ce plan d'action promeut l'inclusion pour tous, reconnaît l'importante contribution des migrants à l'Union Européenne et souhaite s’attaquer aux obstacles qui peuvent entraver la participation et l'inclusion des personnes issues de l'immigration, nouvellement arrivées ou disposant déjà de la citoyenneté, dans la société européenne.
Ce nouveau Plan met l’accent sur quatre axes essentiels pour permettre une intégration réussie : l'éducation et la formation inclusives, l'amélioration des perspectives d'emploi et de la reconnaissance des compétences, la promotion de l'accès des personnes issues de l'immigration aux services de soins de santé, l'accès à un logement adéquat et abordable (Communiqué de presse de la Commission européenne (en français), Plan d'action en faveur de l'intégration et de l'inclusion pour la période 2021-2027 (en anglais), Commission européenne, 24/11/20).

France

Actualités générales

Victimes de traitements défavorables à caractère discriminatoire : les discriminations liées à l’origine ou à la couleur de peau des victimes sont les plus fréquentes
L'Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales (ONDRP) est rattaché à l'Institut national des hautes études de la sécurité et de la justice (INHESJ). Il a pour missions la production et la diffusion de statistiques sur la délinquance, les réponses pénales, ainsi que tout autre question liée à la sécurité.
L’étude qu’il a publiée en novembre 2020 s’intéresse aux victimes de traitements défavorables à caractère discriminatoire ayant répondu à l’édition 2019 de l’enquête «Cadre de vie et sécurité » menée par l’Insee, l’ONDRP et le Service statistique ministériel de la sécurité intérieure (SSMSI). Les questions de victimation portent sur le dernier traitement défavorable subi par la victime durant les deux années précédant la date de l’enquête (2017 et 2018).
D'après l’enquête « Cadre de vie et sécurité » (CVS) menée en 2019 et après pondération, on estime que 3,6 millions d’individus âgés de 14 ans ou plus résidant en France métropolitaine se sont déclarés victimes de discriminations dans les deux années précédant l’enquête. Ce chiffre représente 7 % des personnes âgées de 14 ans et plus résidant en France métropolitaine.
Ces actes discriminatoires réunissent les violences physiques, les menaces, les injures, les attitudes ou propos vexants ainsi que les traitements défavorables.  Cette étude s’intéresse plus spécifiquement aux traitements défavorables à caractère discriminatoire. Parmi les victimes de discriminations, le traitement défavorable a été la discrimination la plus récente pour 29 % d’entre elles.
L’étude constate que les traitements défavorables à caractère discriminatoire sont très rarement signalés par la victime. Ainsi, quasiment 70% des victimes n’ont pas signalé cet acte discriminatoire.
Ce sont les discriminations liées à l’origine ou à la couleur de peau des victimes qui sont les plus fréquentes parmi les traitements défavorables. En effet, l’origine et la couleur de peau ont été l’un des critères de discrimination des victimes de traitements défavorables pour respectivement 35% et 22% d’entre elles.
Par ailleurs, les personnes de nationalité étrangère sont les plus susceptibles d’être victimes de traitements défavorables à caractère discriminatoire : 1,7% des personnes de nationalité française contre 5% des personnes de nationalité étrangère. Pour ces dernières, dans 61% des cas, le principal motif de discrimination est leur origine.
Ces traitements défavorables à caractère discriminatoire se produisent le plus fréquemment dans le cadre du travail.
Enfin, il ne s’agit pas d’actes isolés. En effet, 67% des victimes ont déclaré avoir subi ce type de discrimination plusieurs fois durant les deux années précédant l’enquête (« Les traitements défavorables à caractère discriminatoire », L. Prené, Flash’Crim, n°32, 11/20).

Seine-Saint-Denis : un baromètre des discriminations
Le Département de Seine Saint Denis a confié à l’institut Harris Interactive la réalisation de ce
Baromètre, via une enquête téléphonique du 18 juin au 9 juillet 2019 auprès d’un échantillon représentatif de la population âgée de 18 ans et plus habitant en Seine-Saint-Denis.
L’enquête a été conduite sur la base d’un questionnaire de 11 questions visant à identifier la perception des discriminations des répondant.e.s ainsi que leur expérience personnelle des discriminations. En préambule, il est rappelé que « les résultats de l’enquête sont à apprécier d’un point de vue du ressenti des discriminations plutôt que sur une approche strictement légale du terme (…) ainsi, il faut relever que 51% des répondant.e.s à l’enquête estiment que les discriminations sont un sujet qu’il n’est pas facile de définir ».
Néanmoins, 71 % des répondants déclarent que les discriminations sont un sujet qui les inquiète.
Il existe un sentiment très majoritaire parmi les répondant.e.s que des personnes sont discriminées en raison de leur origine ou leur couleur de peau (87%), de leur apparence physique (84%) et de leur religion (84%).
L’existence de discriminations en raison du quartier d’habitation arrive en 4ème position des critères de discriminations (83%) auxquels la population séquanodionysienne s’estime exposée. Les habitant.e.s identifient en outre une proportion importante de discriminations liées au sexe : 75% estiment que des personnes sont discriminées en raison de leur orientation sexuelle et 72% en raison de leur sexe.
Selon les répondant.es, le monde du travail (87%) et du logement (85%) sont des espaces privilégiés des actes discriminatoires.
56 % disent avoir été victimes d’au moins un type de discrimination au cours des cinq dernières années.
La police et la justice arrivent au premier rang des services publics dans lesquels des discriminations seraient à l’œuvre (81% des répondant.e.s). Ce sentiment est exacerbé chez les 18-24 ans puisque près de 9 jeunes sur 10 (88%) le partagent.
Bien que particulièrement exposé.e.s aux inégalités du système de santé, seulement 37% des  répondant.e.s pensent qu’en Seine-Saint-Denis des personnes sont souvent ou parfois discriminées dans l’accès aux soins.
En termes d’expérience des discriminations, près de 6 habitant.e.s sur 10 déclarent avoir été victimes de discrimination au cours des cinq dernières années.
L’attente des habitant.e.s de Seine-Saint-Denis vis-à-vis des différent.e.s actrices et acteurs de la lutte contre les discriminations est importante. Le niveau d’attente est relativement homogène à un niveau élevé bien que l’attente à l’égard des services publics se démarque. Ainsi, 95% des répondant.e.s estiment que les écoles devraient jouer un rôle important pour lutter contre les discriminations (« Synthèse du baromètre des discriminations en Seine-Saint-Denis », Département de Seine-Saint-Denis, mis en ligne le 10/06/20).

Face à la discrimination, vous n’êtes pas seul-e !
En tant que centre de ressources sur la prévention et lutte contre les discriminations, l’ORIV a mené différents travaux sur l’accès au droit et l’accompagnement des victimes de discriminations. Depuis 2017, il accompagne la Mission Lutte contre les discriminations de la Ville de Strasbourg dans une démarche visant à mieux identifier les enjeux d’accès au droit dans la lutte contre les discriminations. Un groupe de travail, composé des structures membres de la Commission plénière et plus particulièrement actives dans ce domaine s’est constitué en réseau. Il se donne comme d’objectifs d’améliorer l’information, l’orientation et l’accès au droit des personnes victimes de discriminations. En 2018, une plaquette avait été élaborée « Face à la discrimination, vous n’êtes pas seul-e ! » pour informer sur l’existence et les membres du réseau. En octobre 2019, les Semaines de l’Egalité, coordonnées par la Ville de Strasbourg, ont été l’occasion d’organiser des temps de sensibilisation et d’échanges, à destination de professionnels-les en contact avec les publics et en « première ligne » pour entendre et repérer des situations de discriminations. Ils avaient pour objectifs de sensibiliser sur les discriminations et l’accès au droit ; d’échanger sur les situations de discriminations rencontrées par les professionnels-les ; présenter la démarche de réseau de lutte contre les discriminations et d’accès au droit portée par le groupe de travail « Accès au droit et soutien aux victimes de discriminations ». La synthèse de ces temps d’échanges et des ressources supplémentaires sont désormais en ligne sur le site de l’Oriv.

DDD : un guide pratique à l’usage des intervenants de l’action sociale
Ce Guide du Défenseur des droits (DDD) est à destination des intervenant.es de l’action sociale et se veut un « manuel pratique à l’usage des professionnels investis dans l’accompagnement individuel et collectif des personnes les plus vulnérables ».
Il est destiné à faire connaître le rôle, les pouvoirs, les domaines de compétences et les différents moyens de saisir l’institution afin de faciliter la collaboration entre les professionnels du secteur social et le DDD. Il se compose d’une présentation de l’institution et de 18 fiches thématiques dont 12 fiches « domaines » (dont Logement-Hébergement) et 6 fiches « publics ». Au travers de situations concrètes illustrées par des « histoires vécues » et construites sur la base des dossiers traités par le DDD, chaque fiche poursuit deux objectifs : faire état des problématiques sur lesquelles le DDD peut être saisi ; expliquer comment et quand le saisir (« Guide pratique à l’usage des intervenants de l’action sociale », DDD, 03/20).

Le test de discrimination, une méthodologie à respecter
Conscient qu’il est très difficile pour les victimes de discrimination d’apporter la preuve qu’elles ont été discriminées, le Défenseur des droits (DDD) a publié une fiche pratique intitulée « Le test de discrimination, une méthodologie à respecter », à destination des personnes qui ont le sentiment d’avoir fait l’objet d’un refus discriminatoire et qui souhaitent confirmer leurs soupçons. Afin que la valeur de preuve du test de discrimination soit reconnue par un juge, il convient de respecter certaines conditions méthodologiques essentielles, qui sont l’objet de ce guide (« Le test de discrimination, une méthodologie à respecter », DDD, 07/20).

Statistiques ethniques

Oui, la statistique publique produit des statistiques ethniques
Dans cet article, l'Insee rappelle que les statistiques ethniques existent bien en France, mais de façon « strictement encadrée ». En effet, si la collecte et le traitement de données dites « sensibles », comme « l'appartenance ethno-raciale réelle ou supposée », sont en théorie interdites en France, la loi permet des exceptions « à des fins de recherche scientifique ou historique ».
Ces statistiques, basées principalement « sur la nationalité à la naissance et sur le pays de naissance des personnes » et de leurs proches, « servent à connaître la diversité de la population, à mesurer les inégalités, parfois les discriminations ».
L'Insee prend pour exemple le recensement de la population, qui « recueille la nationalité des personnes », mais aussi les « enquêtes emploi », publiées chaque trimestre et pour lesquelles plus de 100 000 personnes sont systématiquement interrogées. Pour aller au-delà de ces critères objectifs, les statisticiens ont par ailleurs la possibilité depuis quelques années d'interroger leurs interlocuteurs sur leur « ressenti d'appartenance », comme dans le cadre des enquêtes « Trajectoires et origines » (Teo).
Toutes ces statistiques sont néanmoins « strictement encadrées » : le Conseil constitutionnel a ainsi précisé ces dernières années les limites qu'il entend faire respecter aux aspects « ethniques » des questionnaires et  le Conseil national de l'information statistique (CNIS) reste « très attentif à proposer des enquêtes adaptées à l'évolution de la société et à se garder de tout référentiel ethno-racial ».
« Des données et des études d'une grande richesse sont ainsi disponibles sur les immigrés et leurs descendants, couvrant des domaines variés de la vie sociale » est-il ainsi rappelé (« Oui, la statistique publique produit des statistiques ethniques. Panorama d’une pratique ancienne, encadrée et évolutive », S. Le Minez, Insee, 31/07/20).

Comment l’enquête Trajectoires et Origines a changé la donne sur les statistiques ethniques en France
Alors que la polémique autour de statistiques « ethniques », qu’il faudrait interdire ou permettre, a repris en juin 2020, la revue De Facto propose un retour sur la mise en place de l’enquête Trajectoires et Origines (TeO) dans les années 2000 afin d’illustrer la complexité de cette question. Dans un article, C. Guilyardi, journaliste, revient sur la genèse et la réception de cette enquête qui a donné lieu à de vifs débats non seulement entre chercheurs mais aussi entre les chercheurs et certaines associations anti-racistes. En complément, un entretien vidéo de P. Simon, socio-démographe à l’Ined qui a été un des coordinateurs de TeO, revient sur la polémique qui entoura le lancement de l’enquête en 2007 (« Comment l’enquête Trajectoires et Origines a changé la donne sur les statistiques ethniques en France », C. Guilyardi ; « Pourquoi l'enquête statistique Trajectoires et Origines est-elle au centre d'une polémique lors de son lancement en 2007 ? », P.Simon, De facto ,08/20).

Demandeurs d’asile et réfugiés

Accès à la formation et à l’emploi : une approche restrictive en direction des demandeurs d’asile et des engagements volontaristes en faveur des réfugiés
Ce rapport parlementaire, présenté le 23/09/20 à l’Assemblée nationale, se concentre sur l’examen des politiques publiques visant à améliorer l’accès à la formation et à l’emploi des réfugiés majeurs et des demandeurs d’asile.
Il s’agissait de dresser le bilan du déploiement, du coût et de l’efficacité d’une des sept priorités de la stratégie nationale pour l’accueil et l’intégration des réfugiés (améliorer la maîtrise de la langue française et l’accès à la formation et l’emploi des réfugiés), dont le contenu fut présenté lors du Comité interministériel à l’intégration du 05/06/18.
M. J.-N. Barrot et Mme S. Dupont, rapporteurs spéciaux de la mission Immigration, asile et intégration du budget de l’État, rappellent que cette étude s’inscrit dans un contexte marqué par des tensions sur l’asile, un projet de réforme des procédures d’immigration économique et des incertitudes liées à l’épidémie de Covid 19.
Selon les auteurs, « les politiques publiques mises en œuvre depuis 2018 se caractérisent par une approche restrictive en direction des demandeurs d’asile et des engagements volontaristes en faveur des réfugiés. Si les conditions d’accès au marché du travail et à la formation des demandeurs d’asile ont fait l’objet d’un assouplissement mesuré (la durée d’attente avant de pouvoir solliciter une autorisation de travail a été ramenée de neuf à six mois et l’accès à certains dispositifs de formation a été ouvert), des engagements volontaristes ont été pris en faveur des bénéficiaires d’une protection internationale dans le cadre de la stratégie nationale pour l’accueil et l’intégration des réfugiés ».
Cependant, « l’évaluation du résultat des politiques mises en œuvre se heurte pour partie à un « brouillard statistique » ». En effet, aucune donnée publique ne permet de mesurer le nombre d’autorisations de travail demandées et accordées à des demandeurs d’asile depuis 2017 et le taux de chômage des réfugiés n’est pas connu.
En dépit de ces incertitudes quantitatives, les résultats des politiques publiques engagées en direction des demandeurs d’asile semblent très limités. Si l’accès des demandeurs d’asile au marché du travail et à la formation est, sous certaines conditions, possible en droit, il est très réduit dans les faits. En 2017, moins de 1 000 demandeurs d’asile ont été autorisés à travailler alors que 100 755 nouvelles demandes d’asile ont été enregistrées par l’OFPRA durant cet exercice. En ce domaine, ils estiment qu’ « un assouplissement de la réglementation est envisageable dans le but de rendre ce droit plus effectif ».
Le bilan des actions engagées en faveur des bénéficiaires de la protection internationale leur parait en revanche nettement plus favorable et les engagements pris en 2018 dans le cadre de la stratégie nationale pour l’accueil et l’intégration des réfugiés tenus. « Des moyens financiers conséquents - estimés aux environs de 250 millions d’euros - ont été mobilisés, plus de 5 millions d’heures de formation linguistique ont été dispensées dans le cadre du contrat d’intégration républicaine et les politiques publiques ont été largement relayées par les acteurs publics et privés ». Certaines faiblesses sont cependant identifiées en matière de formation linguistique, de coopération entre Pôle emploi et l’OFII et de gestion des crédits.
Sur la base de ces constats, les rapporteurs formulent 15 recommandations destinées à dissiper le « brouillard statistique », à rendre plus effectif l’accès au marché du travail et à la formation des demandeurs d’asile et à affiner la mise en œuvre de la stratégie nationale pour l’accueil et l’intégration des réfugiés (« Rapport d’information relatif à l’intégration professionnelle des demandeurs d’asile et des réfugiés », J-N Barrot et S. Dupont, 23/09/20).

Immigration

Descendants d’immigrés et mobilisation : de la lutte contre les stéréotypes vers l’émergence d’une identité Asiatique
La revue De Facto a consacré un de ses derniers numéros aux mobilisations d’immigrés chinois, devenues un peu plus visibles depuis une décennie. Dans cet article,   les auteurs reviennent sur une décennie de mobilisation et de lutte contre les « stéréotypes qui tuent » et le « racisme anti-asiatique », durant laquelle les outils de communication ont joué un rôle important (« Descendants d’immigrés et mobilisation : de la lutte contre les stéréotypes vers l’émergence d’une identité Asiatique », Y-H Chuang et HLe Bail, De facto, n°23, 11/20).

Intégration

Une bibliographie « Intégration »
Le Réseau Ressources pour l'Egalité des Chances et l'Intégration (RECI), dont l’AVDL est membre, propose une sélection bibliographique de 11 pages, réalisée grâce à sa base de données bibliographiques mutualisée, en lien avec les questions d’intégration (« Bibliographie
« Intégration »  », Reci, 06/20).

Emploi 

Contre les discriminations à l’embauche, Terra Nova propose la création d’un organisme indépendant
Dans ce rapport, établi par T Breton (membre de l’Inspection générale des affaires sociales) pour Terra Nova, il est proposé de créer un organisme spécialisé dans la lutte contre les discriminations dans le domaine de l’emploi.  Une de ses missions serait de collecter, systématiquement et anonymement, des informations et des données permettant de quantifier les problèmes. L’institution pourrait alors suivre l’évolution de la main-d’œuvre par secteur et par entreprise et ainsi produire des études à destination des entreprises et des employeurs publics pour leur permettre de se situer les unes par rapport aux autres et à l’intérieur de leur secteur d’activité et les accompagner pour mettre en place leurs plans d’action (« La lutte contre les discriminations liées aux origines dans le monde du travail : faire cesser une injustice sans en commettre une autre », Terra Nova, 01/10/20).

Education 

Inscription scolaire : un décret pour encadrer les exigences des mairies 
Un décret, en date du 29/06/20, fixe la liste des pièces exigibles par les mairies pour l’inscription scolaire d’un⋅e enfant. Ce texte, prévu par la loi « Pour une école de confiance » de juillet 2019, devrait permettre de lutter contre la pratique de communes qui multiplient les demandes abusives de documents pour refuser d’inscrire des élèves étrangers.
Le maire peut demander aux personnes responsables d’un enfant soumis à l’obligation d’instruction que trois documents : un justifiant de leur identité et de celle de l’enfant, un justifiant du domicile.
Toutefois, lorsque les personnes qui souhaitent inscrire un enfant sur la liste scolaire ne disposent d’aucun document prévu, elles peuvent attester sur l’honneur des éléments relatifs à leur identité, à l’âge de l’enfant et leur domicile.
Pour faire connaître ces dispositions et permettre aux parents de s’en prévaloir, le Gisti et Romeurope mettent à disposition sur leur site une note récapitulant les conditions d’inscription des enfants étrangers dans les écoles maternelles et élémentaires (« Décret n° 2020-811 du 29/06/20 précisant les pièces pouvant être demandées à l'appui d'une demande d'inscription sur la liste prévue à l'article L. 131-6 du code de l'éducation »).

Santé

Refus de soins discriminatoire et procédure de conciliation
Un décret du 02/10/20 définit les modalités de la procédure de conciliation et de sanction en cas de refus de soins discriminatoire pratiqué par un professionnel de santé. Il précise les pratiques de refus de soins discriminatoires et le barème de sanction applicable par les organismes d’assurance maladie en cas de refus de soins discriminatoires ou de dépassements d’honoraires abusifs ou illégaux.
Une personne qui s’estime victime d’un refus de soins discriminatoire doit d’abord saisir le directeur de l’organisme local d’assurance maladie ou le président du conseil de l’ordre du professionnel concerné dans le cadre d’une procédure de conciliation.
La saisine doit mentionner l’identité et les coordonnées de la personne à l’origine de la plainte, les éléments permettant d’identifier le professionnel de santé mis en cause et décrire les faits reprochés. La séance de conciliation doit être organisée dans les trois mois.
Si la conciliation s’est soldée par un échec, le président du conseil de l’ordre du professionnel concerné doit transmettre un avis à la chambre disciplinaire de première instance de la juridiction ordinale compétente. Il s’appliquera aux plaintes enregistrées plus de trois mois après sa publication (Décret n° 2020-1215 du 02/10/20 relatif à la procédure applicable aux refus de soins discriminatoires et aux dépassements d'honoraires abusifs ou illégaux).

Laïcité

Conseil d’Etat : les menus de substitution dans les cantines scolaires ne sont pas contraires au principe de laïcité
Le 29/09/15, le conseil municipal de Chalon-sur-Saône avait modifié le règlement intérieur des restaurants scolaires afin qu’il ne soit plus proposé qu’un seul type de repas à l’ensemble des enfants, au motif que « le principe de laïcité interdit la prise en considération de prescriptions d’ordre religieux dans le fonctionnement d’un service public ».
La ligue de défense judiciaire des musulmans ainsi que plusieurs particuliers avaient attaqué cette décision devant le tribunal administratif de Dijon, qui l’avait annulée. La cour administrative d’appel de Lyon avait confirmé cette annulation. La commune de Chalon-sur-Saône s’était pourvue en cassation devant le Conseil d’État (CE)
Dans sa décision, rendue le 11/12/20, le CE juge tout d’abord qu’il n’existe aucune obligation pour les collectivités territoriales gestionnaires d’un service public de restauration scolaire de distribuer aux élèves des repas différenciés leur permettant de ne pas consommer des aliments proscrits par leurs convictions religieuses. Le principe de laïcité, inscrit à l’article premier de la Constitution, interdit en effet à quiconque de se prévaloir de ses croyances religieuses pour s’affranchir des règles communes régissant les relations entre collectivités publiques et particuliers.
Il juge en revanche que ni les principes de laïcité et de neutralité du service public, ni le principe d’égalité des usagers devant le service public n’interdisent aux collectivités de proposer des menus de substitution. Dès lors, il confirme l’annulation de la décision du conseil municipal de Chalon-sur-Saône, qui n’était fondée que sur les principes de laïcité et de neutralité du service public.
Enfin, le CE précise que lorsque les collectivités qui ont fait le choix d’assurer le service public de la restauration scolaire définissent ou redéfinissent les règles d’organisation de ce service public, il leur appartient de prendre en compte l’intérêt général qui s’attache à ce que tous les enfants puissent accéder à ce service public, en tenant compte des exigences du bon fonctionnement du service et des moyens humains et financiers dont elles disposent. Le conseil municipal de Chalon-sur-Saône avait voté en 2015 la fin de ces menus de substitution, servis depuis 1984. Le Conseil d’Etat a jugé qu’ils n’étaient ni obligatoires ni contraires au principe de laïcité (CE, n ° 426483, 11/12/20).

L’Observatoire de la laïcité rappelle la nécessité d’une analyse objective et rigoureuse
Alors que cette instance est, une fois de plus, sous le feu des critiques pour sa conception d’une « laïcité  apaisée », elle publie son 7e rapport annuel.
D’emblée, l’Observatoire rappelle la nécessité de faire bloc contre l’islamisme politique et radical. Sur cette question laïque et dans ce contexte, il préconise de rester objectif, garder la tête froide et, pour être efficace, ne pas céder à la surenchère.
En mettant à part la question de la radicalisation islamiste qui ne relève pas de son champ (mais du ministère de l’Intérieur), l’Observatoire de la laïcité constate depuis une vingtaine d’années, un mouvement de sécularisation continue (il y a ainsi toujours plus de citoyens qui déclarent n’être attachés à aucune religion) en France. En parallèle, il constate une réaffirmation de marqueurs identitaires religieux de la part de certains croyants et ce, dans toutes les religions. Si la visibilité de courants du culte musulman, notamment via leurs signes extérieurs, est la plus importante, l’Observatoire note « une visibilité et une expression accrues dans l’espace public de certains courants dans toutes les autres religions ». Il pointe également des « replis sur soi, des replis sur des valeurs traditionnelles et religieuses plus rigoureuses, des replis à caractère identitaire, des pratiques religieuses parfois réinventées, et des pressions voire des provocations contre la République — souvent plus médiatisées qu’auparavant —, en particulier dans des zones périphériques, dans des zones rurales et dans des quartiers où le sentiment de relégation sociale est très fort ». Selon lui, cette « polarisation de la société française accentue la nécessité d’un débat serein ».
Pour l’Observatoire, « la forte crispation autour de la visibilité et de l’expression religieuses touche d’abord l’islam en raison du contexte des attentats islamistes et des confusions avec eux ». Il pointe également une trop faible mixité sociale dans certaines zones d’habitation touchées à la fois par un affaiblissement des idéologies séculières et de l’éducation populaire, et par le départ de services publics.  Enfin il note « la relation complexe entre la France et l’islam, du fait notamment de son histoire coloniale » et une exacerbation de l’identité religieuse à travers des courants rigoristes issus de l’islam dont le développement auprès de jeunes publics a été largement facilité par des ingérences étrangères, en particulier issues de pays du Golfe, depuis les années 1990.
Dans ce contexte particulier, il note néanmoins que les atteintes directes à la laïcité (qu’elles émanent d’individus, d’associations, d’administrations ou de  collectivités) apparaissent pour la troisième année consécutive mieux contenues. Il l’explique par un renforcement, ces dernières années, des formations à la laïcité et à la gestion des faits religieux à destination des acteurs de terrain, même si, dans certains secteurs clés, cet effort tend à s’essouffler. Les confusions autour du principe de laïcité, qui conduisent parfois à son rejet ou à son instrumentalisation, sont, néanmoins, toujours aussi courantes. Il récapitule, enfin, les 20 actions qu’il propose, dont certaines sont « en cours » et d’autres en attente de mise en œuvre (« Rapport annuel de l’Observatoire de la Laïcité 2019-2020 », 17/12/20, Communiqué de presse, synthèse et rapport).